Hanoi (VNA) - Sa Dec, une des deux villes de la province de Dông Thap (delta du Mékong), est bien connue pour sa floriculture. Un royaume des plantes ornementales qui ambitionne dans un proche avenir de faire de cette filière un grand attrait touristique.
La ville de Sa Dec est coincée entre les deux bras principaux du Mékong : la rivière Tiên et la rivière Hâu. Les conditions pédoclimatiques sont très favorables à la culture des plantes ornementales, dont la pratique se perpétue depuis un siècle au moins. Les fleurs sont cultivées un peu partout, dans les champs, les jardins publics, au bord des routes et des cours d’eau… Plus de 400 hectares de terres horticoles au total, 2.000 espèces différentes, plus de 2.200 familles qui vivent de cette filière florissante.
Les plantes ornementales de Sa Dec sont très connues et appréciées, dans le delta du Mékong et le Sud certes, mais aussi dans le Centre et le Nord. Depuis quelques années, elles s’exportent aussi vers le Laos, le Cambodge et la Chine. Cette filière dégage 170 milliards de dôngs par an, soit plus de 35% de la valeur de production agricole de la ville.
*Une filière qui anime la ville
Une matinée pluvieuse de fin d’année. Des dizaines de camions font la queue sur le quai de la rivière Sa Dec, rue Lê Loi, au centre-ville. Ils attendent de charger des fleurs avant de les acheminer vers Hô Chi Minh-Ville et les provinces environnantes. Des charrettes chargées de fleurs aux couleurs vives et de plantes d’agrément se dirigent vers le quai. Dans un coin, des fleuristes chargent des pots de fleurs sur un camion. «Je fais deux voyages chaque semaine, soit 10.000 pots et bouquets de fleurs», confie Nguyên Van Phuoc, un commerçant de Hô Chi Minh-Ville qui vient s’approvisionner ici depuis dix ans.
Cette matinée-là, plusieurs dizaines de milliers de pots et bouquets ont quitté Sa Dec. «C’est une scène habituelle ici», fait remarquer Nguyên Van Phuoc. Selon lui, le delta du Mékong compte plusieurs autres localités horticoles, dont certaines de renommée nationale à l’image de Cai Môn (province de Bên Tre), My Tho (province de Tiên Giang)… «Une différence : la récolte de fleurs ne bat son plein qu’à l’approche du Têt. Tandis qu’à Sa Dec, c’est toute l’année !», observe-t-il.
*La chance sourit aux audacieux
«Il semblerait que les habitants de Sa Dec aient la floriculture dans les veines. Et nombre de paysans vendent eux-mêmes leur production sans passer par des intermédiaires», raconte Quach Kim Ngân, 44 ans, du quartier de Tân Quy Dông. Passionné de floriculture, Kim Ngân a «hérité» ce métier de ses parents, et réussi à ouvrir une boutique de fleurs dans le parc de Dâm Sen, à Hô Chi Minh-Ville. Il y a dix ans, ce fleuriste audacieux a créé un «café aux fleurs et bonsaïs», le premier du genre dans la région, établi devant la porte de la zone industrielle de Sa Dec, l’estaminet est divisé en deux secteurs, l’un pour le café et l’autre pour l’exposition de fleurs et bonsaïs venant du jardin familial.
«Mon café est toujours bien achalandé. On y vient pour boire un jus bien sûr, mais aussi pour admirer mes fleurs et bonsaïs. Une centaine d’espèces au moins. L’une des stars est le lotus de Dông Thap Muoi, que je compte bien faire connaître au plus grand monde», s’enorgueillit-il. Enthousiasmé, il déclame un vers très connu chez les gens du Sud : «Dans la plaine de Thap Muoi, la plus belle fleur est le lotus. Au Vietnam, le plus beau nom est Hô Chi Minh».
La ferme de Hoàng Chi Hiêu, 40 ans, est spécialisée dans les bonsaïs. Des milliers de pieds aux ports différents sont alignés comme à la parade. Malgré un prix élevé, les bonsaïs de Chi Hiêu se vendent bien. Surnommée l’«artiste des bonsaïs», Hoàng Chi Hiêu peut parler des heures du façonnage de ses arbres nains. «Embellir les plantes, c’est aussi embellir la vie. Avec mon métier, je veux faire quelque chose de bien pour ma ville natale», confie celui qui est aussi président du club de bonsaïs de Sa Dec, qui rassemble une centaine de passionnés comme lui.
*Créer une «Dà Lat de plaine»
«Sans mauvais jeu de mot, Sa Dec est une ville florissante. Entourée des quatre ponts à haubans les plus modernes du Sud - My Thuân, Cân Tho, Vàm Công et Cao Lanh - notre ville a un objectif ambitieux : devenir une grande ville de floriculture à l’échelle du delta du Mékong, comme elle l’était il y a 150 ans (*)», déclare Lê Minh Hoan, président du Comité populaire de la province de Dông Thap. Lors d’un séminaire tenu fin 2013, les scientifiques ont brossé le plan d’une ville d’écotourisme axée autour de la filière horticole. Une ville de plaine fleurie en pleine contrée rizicole, bien différente de la ville montagnarde de Dà Lat, aussi réputée pour ses plantes ornementales comme chacun sait.
«Sa Dec a vocation à devenir une ville spécialisée dans la culture, la vente et l’exportation de plantes ornementales, et en même temps une ville touristique. Mieux encore, elle souhaite devenir un lieu de production floricole où l’on viendrait s’approvisionner des quatre coins de monde», insiste Lê Minh Hoan.
*La ville florale prend forme
En 2014, Sa Dec a été classée par l’Organisation des records du Vietnam parmi les «dix villages floricoles les plus aimés du pays». En ce moment, la ville se prépare pour ses Floralies du printemps 2015. Le plan de la future ville florale de Sa Dec prend forme petit à petit. Dans l’immédiat, seront mis en route des projets de construction, dont une zone de culture de fleurs (dans le quartier de Tân Qui Dông et la commune de Tân Khanh Dông), une place fleurie au centre-ville, une «rue aux fleurs» Sa Nhiên - Cai Dao qui sera bordée des deux côtés de champs floraux. Et grâce à des fonds néerlandais, un centre de recherche et d’application des hautes technologies verra le jour, dont la mission sera de fournir semences et techniques aux paysans.
Par ailleurs, la ville compte coopérer avec des compagnies étrangères horticoles, dont Sakata Taki (Japon), Syngenta, Benary, Floranova (Europe), Ball (États-Unis)… L’Université des sciences naturelles de Hô Chi Minh-Ville apportera aussi ses contributions. Bref, l’avenir s’annonce sous les meilleurs auspices.
(*) Du Jardin de la Cochinchine au Jardin à la Keukenhof
+ En 1867, le gouverneur français de la Cochinchine, Bonard, a décidé de créer le canton de Sa Dec (devenu après la province de Sa Dec, actuelle ville de Sa Dec). Y voyant une terre favorable à la floriculture, des Français ont fait venir des semences d’espèces différentes, transformant Sa Dec en «Jardin de la Cochinchine», comme elle était appelée à l’époque.
+ Grâce à la coopération des Pays-Bas, Sa Dec nourrit actuellement l’ambition de construire un jardin à l’instar du Keukenhof, un jardin de tulipes de renommée mondiale. «Ce jardin néerlandais couvre une superficie de 37 hectares, alors que Sa Dec a déjà un parc de fleurs de 30 hectares. L’important, c’est que la ville ait suffisamment de conditions et de volonté pour mettre en œuvre ce projet ambitieux», a déclaré Huynh Tri Cuong, vice-président de la ville. – CVN/VNA