Hanoi (VNA) – Passionné par le patrimoine vietnamien, en particulier les têtes de lion traditionnelles du Nord, Kevin Vuong a consacré plusieurs années à explorer les collections des musées français et les archives de l’École française d’Extrême-Orient au Vietnam. Après un long séjour en France, il a choisi de revenir au pays pour se lancer dans un projet ambitieux: la reconstitution des anciennes têtes de lion du Nord.
À travers l’exposition "Trăng ta" (Notre lune), actuellement présentée à la maison communale Kim Ngân (42-44 rue Hàng Bac, Hanoi), Kevin Vuong et son équipe font découvrir au public la beauté et la symbolique des motifs qui ornaient ces têtes de lion traditionnelles, autrefois emblématiques des fêtes de mi-automne.
"En découvrant les documents et les images conservés en France sur la fête de mi-automne au Vietnam dans les années 1930-1940, j’ai été émerveillé par la beauté et l’ingéniosité des jouets populaires créés à l’époque par les artisans vietnamiens. Il est vraiment regrettable que ces jouets traditionnels aient aujourd’hui peu à peu disparu, et qu’ils aient été remplacés par des produits en plastique. Mon souhait est de pouvoir leur redonner vie et de restaurer cet héritage", confie-t-il.
Dans l’atmosphère sereine de la maison communale Kim Ngân, au cœur du vieux quartier de Hanoi, Kevin Vuong nous présente donc l’exposition "Trăng ta", dans laquelle il recrée l’atmosphère traditionnelle de la mi-automne dans le Nord du Vietnam, tout en explorant la place du patrimoine dans la vie contemporaine. Mais il y dévoile également les résultats de ses travaux sur les têtes de lion du Nord, menés dans le cadre d’un projet de reconstitution des jouets de mi-automne.

Jouet emblématique des célébrations d’autrefois, la tête de lion du Nord a longtemps hanté les souvenirs d’enfance. Contrairement à la tête de licorne méridionale, marquée par l’influence chinoise, la tête de lion du Nord exprime une esthétique singulièrement vietnamienne, reconnaissable à ses sourcils en forme de carpe, symbole de la civilisation rizicole. Mais au fil des bouleversements historiques, cette image s’est peu à peu effacée, jusqu’à se confondre avec d’autres formes.
Grâce à ses recherches dans les collections françaises et aux archives de l’École française d’Extrême-Orient, Kevin Vuong est parvenu à restituer, de manière vivante et fidèle, les têtes de lion d’antan. Rotin, bambou, papier dó et laque traditionnelle: les matériaux d’origine ont retrouvé leur usage pour donner naissance à ces objets. Un travail de longue haleine: cinq années de recherche, de collecte et de systématisation de documents ont été nécessaires...
"Pour la partie documentation, grâce aux archives étrangères sur le Vietnam, les choses se sont plutôt bien passées. En revanche, la mise en pratique s’est révélée extrêmement difficile. Aujourd’hui, plus personne ne fabrique ces têtes de lion. Rien que pour trouver des artisans capables de réaliser l’armature, il a fallu remuer ciel et terre: chercher dans le vieux quartier de Hanoï, descendre jusqu’aux villages artisanaux de Hà Dông, de l’ancien Hà Tây, ou encore de Nam Dinh. Chaque fois, c’était un véritable parcours du combattant. Lorsque je me trouvais à l’étranger, travailler à distance était quasiment impossible: cela signifiait de nombreuses expérimentations, des erreurs, puis souvent des abandons. Ce n’est qu’en collaborant étroitement avec les artisans que nous avons finalement pu redonner vie aux têtes de lion telles qu’elles existent aujourd’hui", dit-il.
Pour le chercheur Trân Hâu Yên Thê, spécialiste du patrimoine, l’initiative répond à une urgence. “Le besoin de retrouver l’authenticité du patrimoine vietnamien est vital. Nous avons connu cent ans de guerres et de bouleversements culturels. Les sources se sont dispersées. Le travail de Kevin mérite un immense respect”, confie-t-il.

Dans l’exposition "Trăng ta", Kevin Vuong dévoile plusieurs déclinaisons de têtes de lion du Nord, allant des modèles imposants aux formats moyens, jusqu’aux versions miniatures, très délicates. Cependant, cette renaissance ne se limite pas à une vitrine, elle recrée l’atmosphère d’autrefois avec, en point d’orgue, une démonstration de danse du lion par Nguyên Xuân Hiên, 78 ans, qui utilise une tête fabriquée en 1932 et transmise dans sa famille.
La richesse des motifs et la finesse des ornements des têtes de lion anciennes comme reconstituées ont captivé l’attention et éveillé l’admiration du public.
"C’est la première fois que je vois une tête de lion ancienne et une performance de ce type. J’ai le sentiment d’être reliée à ceux qui nous ont précédés. Cette tête de lion est très lourde alors que l'artisan a déjà plus de 70 ans mais il danse encore avec une grande maîtrise."
"Je trouve cette tête de lion à la fois belle et très fidèle à l’original, proche de ce qu’étaient les anciennes têtes traditionnelles. Le fait d’en créer aussi des versions réduites est une excellente manière de les rendre accessibles à un plus grand nombre et de sensibiliser chacun à l’amour du patrimoine. C’est un projet remarquable, qui, à mon sens, aura un impact considérable dans la communauté, aussi bien auprès des jeunes générations que des passionnés de culture et de traditions."
À côté de l’ancienne tête de lion, l’exposition reconstitue également le plateau traditionnel de la mi-automne, avec ses couleurs et ses saveurs caractéristiques: gâteaux, fruits variés, figurines en pâte, petites têtes de lion et fruits sculptés inspirés des légendes anciennes. L’ensemble compose, dans l’enceinte de la maison communale Kim Ngân, un espace empreint de nostalgie qui restitue l’atmosphère des fêtes d’antan.
Les plus jeunes peuvent désormais réaliser eux-mêmes leurs propres têtes de lion grâce aux ateliers de fabrication organisés sur place. Le programme inclut également la présentation d’une tête de lion ancienne lors de la procession aux lanternes "Soirée de la pleine lune", organisée le 3 octobre (12e jour du 8e mois lunaire) autour de la rue piétonne du lac de l’épée restituée. – VOV/VNA