Alger (VNA) - À la veille de la visite officielle du Premier ministre Pham Minh Chinh en Algérie, l’Agence vietnamienne d’information (VNA) s’est entretenu avec Goumiri, éminent expert politico-économique algérien, sur les relations bilatérales et les perspectives de coopération dans le contexte actuel. Selon lui, les liens entre le Vietnam et l’Algérie se trouvent aujourd’hui devant « une opportunité de mutation de nature historique ».
Évoquant la signification de la visite, l’expert estime qu’elle ne constitue pas seulement une nouvelle étape dans le renforcement d’une amitié traditionnelle, mais pourrait aussi marquer un tournant ouvrant une phase d’intensification de la coopération politique, économique, commerciale, culturelle, d’investissement et d’échanges entre les peuples. Il considère que les deux pays disposent « d’une base relationnelle excellente, mais encore insuffisamment exploitée ».
Il souligne en particulier un socle historique unique : une amitié forgée durant les luttes révolutionnaires, consolidée au fil des décennies par une forte proximité politique, des positions internationales convergentes et un soutien mutuel constant. Le Vietnam comme l’Algérie accordent une importance fondamentale à l’indépendance nationale, à l’autonomie stratégique et à la diversification des partenariats.
Toutefois, note-t-il, le niveau de coopération actuel, notamment en matière économique et commerciale, demeure « très en deçà du potentiel réel ». Les échanges bilatéraux, oscillant ces dernières années entre 300 et 400 millions de dollars, restent « modestes au regard des atouts démographiques, industriels et de marché de chaque pays ». Il juge que les capacités de synergie n’ont pas encore été exploitées de manière structurée et stratégique par les deux parties.
L’expert souligne que la structure des produits des deux économies présente une complémentarité marquée. Le Vietnam dispose d’avantages forts dans les produits agricoles de qualité, les produits de la mer, le textile-habillement, les appareils électroniques, les matériaux de construction, les machines légères, les biens de consommation et les technologies numériques. De son côté, l’Algérie possède des atouts majeurs dans l’énergie, les fertilisants, les matières premières industrielles, la sidérurgie, les produits alimentaires d’Afrique du Nord ainsi que les secteurs du tourisme et des services.
Selon lui, ces produits pourraient non seulement faire l’objet d’échanges directs, mais aussi s’intégrer dans des chaînes de production et d’assemblage communes si les deux pays parviennent à établir des circuits d’approvisionnement stables.
Il estime que les entreprises vietnamiennes disposent des capacités nécessaires pour investir directement ou former des coentreprises en Algérie, qui accélère son industrialisation et cherche à réduire sa dépendance au pétrole.
Les secteurs comme la mécanique, l’assemblage de motos, de voitures compactes ou de véhicules utilitaires légers présentent des perspectives sensibles, de même que la pharmaceutique – domaine prioritaire pour Alger, qui souhaite développer sa production domestique.
Il cite également la transformation agroalimentaire et l’agriculture de haute technologie dans les zones sahariennes, où les conditions sont propices à des projets innovants dans lesquels le Vietnam possède un savoir-faire reconnu.
Malgré ces perspectives, il note que l’obstacle majeur n’est pas d’ordre juridique, mais réside dans un déficit d’informations, de réseaux de connexion et de stratégies d’accès au marché.
Il mentionne notamment la présence encore limitée des entreprises vietnamiennes en Algérie, l’absence de centres de promotion commerciale et de représentation permanente, les difficultés linguistiques et les différences de pratiques commerciales.
Pour surmonter ces obstacles, il recommande la création d’un centre de commerce et d’investissement vietnamien en Algérie ainsi que l’organisation régulière de foires, expositions et semaines de produits vietnamiens.
Selon lui, l’ouverture d’une ligne aérienne directe entre les deux pays pourrait « changer profondément la donne », en doublant rapidement les échanges commerciaux, en stimulant fortement le tourisme bilatéral et en facilitant les projets d’investissement.
Il rappelle que l’absence de vols directs oblige actuellement les entreprises à transiter par plusieurs hubs, augmentant les coûts et les délais.
L’expert met également en avant la position stratégique de l’Algérie, marché de 45 millions d’habitants et porte d’entrée vers l’ensemble de l’Afrique du Nord, l’Afrique de l’Ouest et du Centre, la Méditerranée et l’Europe du Sud. Grâce à ses grands ports, le pays offre une plateforme idéale pour la distribution de produits vietnamiens vers un vaste ensemble géo-économique.
Il estime que, dans un contexte mondial de reconfiguration des chaînes d’approvisionnement, le Vietnam et l’Algérie disposent d’une fenêtre d’opportunité rare pour rapprocher davantage leurs économies. Le Vietnam renforce sa position en Asie tandis que l’Algérie s’affirme comme un centre industriel émergent en Afrique du Nord.
« La coopération Vietnam – Algérie ne se limite pas à des intérêts économiques complémentaires ; elle offre à chacun l’occasion d’élargir son espace stratégique, de diversifier ses relations extérieures et de renforcer son autonomie », conclut-il. -VNA