Hanoï (VNA) - À vingt-cinq kilomètres de l’effervescence de Hanoï, le village de Phu Vinh abrite un trésor artistique vieux de plus de quatre siècles. Ce havre de créativité, où plus de quatre cents ans d’Histoire s’entrelacent comme les fibres de bambou et de rotin entre les mains expertes des artisans, témoigne d’une résilience remarquable face au temps qui passe.
Autrefois connu sous le nom de Phu Hoa Trang - un nom qui évoque les mains divinement habiles de ses habitants - le village adopte en 1841 l’appellation de Phu Vinh, présage de richesse et de gloire. Cette prophétie nominale semble aujourd’hui s’être réalisée, alors que les créations du village conquièrent les marchés internationaux les plus exigeants. Nguyên Van Tinh, qui est l’héritier de trois générations de tresseurs, en sait quelque chose...
“Notre village se distingue par des techniques uniques de tressage et de préparation des matières premières. Ici, près de 80% de notre travail utilise le rotin. Notre technique d’embrochement exige une symbiose parfaite entre les mains, les yeux et l’âme. C’est ce qui rend Phu Vinh véritablement exceptionnel”, nous confie-t-il.
Cette singularité s’exprime à travers des centaines de techniques de tressage différentes. Les artisans locaux comparent volontiers leur art à celui de la broderie, mais avec une délicatesse qui n’apartient qu’à eux. Chaque fibre de rotin se transforme entre leurs doigts en motifs et lignes d’une robustesse unique.L’évolution du village témoigne d’une capacité remarquable d’adaptation. Si les paniers traditionnels, tamis et autres objets utilitaires constituaient jadis l’essentiel de la production, aujourd’hui les artisans explorent de nouveaux horizons. Nguyên Van Quang, l’un des artisans du village, nous explique cette métamorphose...
“Auparavant, nos créations étaient presque exclusivement en rotin. Un vase entièrement tressé ne pouvait accueillir que des fleurs séchées. Mais en mariant le rotin à la céramique, nous créons désormais des pièces capables d’accueillir des fleurs fraîches”, nous explique-t-il.
Cette hybridation des matériaux s’accompagne d’une renaissance des techniques ancestrales. Les tressages en écailles de dragon, en œil de renard, en durian ou en épines de jacquier ont été réinventés pour créer des gammes de produits contemporains. Des portraits aux paysages, des panneaux calligraphiés aux sculptures animalières, l’imagination des créateurs de Phu Vinh semble sans limite. C’est en tout cas ce qui ressort des propos de Nguyên Van Trung, le président de l’Association des entreprises de bambou et de rotin de Phu Vinh.

“Autrefois, nous créions selon notre inspiration personnelle. Aujourd’hui, nos produits allient innovation formelle et perfectionnement technique, pour un résultat à la fois rapide et esthétiquement abouti”, nous dit-il.Même constate du côté de Hoàng Van Hanh, directeur de la société Mây Viêt.
“Au fil des années, nos créations se sont sophistiquées. Les visiteurs nationaux et internationaux recherchent l’innovation technique, ce qui stimule continuellement notre créativité et notre désir d’excellence”, nous confie-t-il.
Cette quête d’innovation porte ses fruits sur les marchés mondiaux. L’Union européenne, les États-Unis et la Chine figurent parmi les clients fidèles du village. Une aubaine économique pour la communauté locale, comme le confirme Nguyên Van Khuong, vice-président du Comité populaire de la commune de Phu Nghia.
“L’apport économique est considérable. L’année 2018 a marqué l’apogée de nos exportations, avec une contribution de 24 à 28 millions de dollars annuels. Les marges bénéficiaires atteignaient alors 10 à 15%”, nous raconte-t-il.
Pour Nguyên Van Trung, le souvenir de sa première commande internationale reste vivace...
“C’était une expédition de lampes décoratives, de cadres photos et de miroirs. Des clients taïwanais s’y intéressaient. Nous appelions cela du ‘haut de gamme’, et la production était exigeante. Mais après cette première livraison, ils ont commandé un conteneur, ce qui a offert une stabilité précieuse à nos artisans”, se souvient-il.
Alors que le monde redécouvre les vertus des matériaux naturels et que la consommation écoresponsable s’impose comme une nouvelle norme, Phu Vinh se trouve à la croisée parfaite des traditions séculaires et des aspirations contemporaines. Tel un tisserand habile mariant les fibres pour créer un motif harmonieux, ce village entrelace son héritage ancestral et son ambition moderne, promesse d’un avenir aussi brillant que ses quatre siècles d’Histoire. - VOV/VNA