Hanoï (VNA) - À l’occasion de la participation du secrétaire général du Parti et président vietnamien Tô Lâm au XIXe Sommet de la Francophonie et de sa visite officielle en France, l’ambassadeur de France au Vietnam, Olivier Brochet, partage avec Le Courrier du Vietnam son analyse sur les relations bilatérales et la coopération francophone au Vietnam.
Que signifient la participation du plus haut dirigeant vietnamien au XIXe Sommet de la Francophonie et sa visite officielle en France pour les relations franco-vietnamiennes ainsi que pour la coopération francophone ? Pourriez-vous nous préciser le thème et l’ordre du jour de cette conférence internationale ?
Nous sommes heureux d’accueillir le secrétaire général du Parti et président de la République, Tô Lâm, à Paris pour cette double occasion, ce qui permet de marquer l’attachement du Vietnam pour la francophonie et pour la relation bilatérale avec la France en particulier.
Pour nous, cette visite du plus haut dirigeant vietnamien sera l’occasion de montrer au Vietnam à quel point nous voulons renforcer notre partenariat avec ce pays très important d’Asie, auquel nous lient beaucoup de choses, à commencer par l’histoire, par cette appartenance à la francophonie.
S’agissant du Sommet de la Francophonie, c’est pour nous un signal très important que le secrétaire général du Parti et président vietnamien, peu de temps après sa prise de fonction, représente le pays au plus haut niveau à participer à cette conférence internationale. L’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), fondé en 1970, a joué un rôle très important pour le Vietnam dans les années 1990, notamment pour favoriser l’intégration internationale du pays. On se souvient de l’importance du Sommet de la Francophonie de 1997 à Hanoï. Aujourd’hui, nous sommes heureux que le Vietnam montre à cette occasion qu’il perçoit bien tout ce que la francophonie peut continuer de lui apporter, notamment sur le plan économique, mais également tout ce que le Vietnam peut apporter à la francophonie, puisque c’est le plus grand pays francophone d’Asie.
Le XIXe Sommet de la Francophonie, une première depuis 33 ans pour la France, s’y tiendra dans deux lieux emblématiques : la Cité internationale de la langue française au château de Villers-Cotterêts, où François Ier signa un de ses actes les plus fameux : l’ordonnance dite de Villers-Cotterêts, par laquelle le français devint la langue officielle du droit et de l’administration en France ; et le Grand Palais à Paris, symbole de progrès et d’innovation construit au début du XXe siècle, où ont eu lieu les compétitions d’escrime durant les Jeux olympiques de Paris 2024.
Le thème choisi pour cette plus haute instance de l’OIF est “Créer, innover et entreprendre en français”. Les réunions seront l’occasion pour l’ensemble des chefs d’État et de gouvernement de la Francophonie de voir comment affronter ensemble les grands défis du développement et de l’innovation, avec une part importante des travaux qui sera consacrée à ces questions, à la fois dans ce qu’elles apportent de positif et dans ce qu’elles peuvent apporter aussi de nécessaires réflexions collectives sur les usages qui peuvent être faits de ces innovations, je pense en particulier à la réflexion sur l’intelligence artificielle.
Et comme toujours dans ces conférences, il y aura une grande dimension d’examen des situations géopolitiques internationales qui touchent très directement plusieurs pays francophones. On pensera évidemment à celles en Afrique de l’Ouest, au Sahel, au Liban, ou en Mer Orientale.
Et en marge du Sommet, il y aura aussi beaucoup d’événements auxquels le Vietnam va prendre part aux côtés d’autres membres : un “Village de la Francophonie” qui permet de présenter la diversité culturelle du monde francophone ; FrancoTech, le salon des innovations en français destiné aux entreprises et marchés de la francophonie auquel le secrétaire général du Parti et président vietnamien Tô Lâm a prévu de passer et de s’exprimer. Il y aura également des rencontres d’affaires et celles de jeunes. Nous sommes particulièrement heureux d’accueillir deux jeunes vietnamiens accompagnés de deux jeunes cambodgiens et de deux jeunes lao à Paris à cette occasion pour présenter un projet commun réalisé entre ces trois pays francophones.
Comment estimez-vous les activités de la francophonie au Vietnam, le rôle du pays au sein de la communauté francophone et les opportunités que celle-ci lui apporte ?
Nous travaillons très étroitement avec les autorités vietnamiennes. Je dis “nous”, c’est-à-dire le Groupe des ambassades, délégations et institutions francophones au Vietnam (GADIF) qui nous réunit régulièrement pour examiner les activités de promotion de la francophonie, que ce soit sur le plan culturel ou linguistique notamment, et qui permet également au pays de travailler avec nous sur des problèmes qui peuvent être très concrets. L’atmosphère est très positive et riche. On l’a vu encore cette année, le 20 mars, lors de la célébration de la Journée internationale de la Francophonie, un événement tout à fait remarquable et organisé par le ministère vietnamien des Affaires étrangères.
Je voudrais aussi souligner que le Vietnam accueille le siège Asie-Pacifique de l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF) et que la présence de ce réseau mondial d’établissements d’enseignement supérieur et de recherche francophone est très importante pour la coopération universitaire au Vietnam, lui permettant d’avoir un rayonnement régional.
Le Vietnam compte une population forte d’environ 100 millions d’habitants. Bien que le nombre de ses locuteurs francophones soit aujourd’hui assez limité, surtout par rapport à ce qu’il était il y a 20-30 ans, le pays veut soutenir la pratique de la langue française qui permet à ses jeunes de profiter de l’offre francophone dans les grandes universités en France, en Belgique, mais aussi en Suisse, au Canada, etc. Une très importante possibilité pour eux de s’ouvrir au monde.
Les entreprises vietnamiennes peuvent maintenant envisager d’accéder au marché des pays francophones car l’OIF rassemble 88 États et gouvernements membres, associés et observateurs. Ce sont plusieurs centaines de millions de consommateurs, ceux unis par des liens culturels, par une façon de voir le monde. Et le Vietnam a toute sa place dans cet ensemble, à la fois pour en tirer profit, pour faire venir les investisseurs, pour exporter davantage et pour simplement être dans une véritable coopération avec des pays membres de l’OIF. Je crois que l’ambition et l’intérêt pour le Vietnam peuvent se retrouver dans la thématique choisie pour ce Sommet : “Créer, innover et entreprendre en français”.
Plus de 50 ans après l’établissement des relations diplomatiques et 10 ans de partenariat stratégique, les liens franco-vietnamiens ont connu un fort développement dans divers domaines. Pourriez-vous nous partager la vision et les orientations de la coopération bilatérale afin de promouvoir le potentiel et les atouts des deux pays, ainsi qu’un soutien mutuel pour leur développement dans l’avenir ?
Le Vietnam et la France ont effectivement créé une relation non seulement intense et amicale, mais aussi de confiance croissante et avec la volonté de renforcer leur partenariat bilatéral. Nous l’avons évidemment vu en 2023 lors de la célébration des 50 ans de nos relations diplomatiques, ou encore en mai dernier lorsque le ministre français des Armées, Sébastien Lecornu, est venu au Vietnam à l’occasion du 70e anniversaire de la campagne de Diên Biên Phu.
Et cette venue à Paris du secrétaire général du Parti et président vietnamien Tô Lâm sera l’occasion de poursuivre nos efforts partagés et très volontaires de renforcer le partenariat bilatéral avec de nouveaux axes de croissance sur un certain nombre de sujets que nous souhaitons pouvoir développer davantage, au service de la souveraineté territoriale, mais aussi sur le rôle international que nos deux pays peuvent jouer pour renforcer la sécurité. Dans le domaine du développement durable, il y a des sujets sur lesquels nos deux pays peuvent se pencher comme l’énergie et les transports, notamment le transport ferroviaire. Et puis, il y a tout ce qui peut être fait en matière d’innovation et de coopération pour permettre au Vietnam de poursuivre son développement en travaillant davantage avec des entreprises françaises qui peuvent apporter des technologies, des savoir-faire utiles au Vietnam et qui permettront de renforcer nos liens.
À l’occasion de la prochaine rencontre entre nos deux présidents, est prévue la signature d’un accord intergouvernemental sur l’éducation francophone qui va nous permettre, avec le ministère vietnamien de l’Éducation et de la Formation, de renforcer encore la qualité de l’enseignement français dans les établissements qui le dispensent, et de voir comment nous pouvons progresser à la fois en qualité et, je l’espère, en quantité de locuteurs.
Pour la coopération bilatérale, j’aimerais citer également le renforcement des échanges humains, notamment entre les jeunes. Nous souhaitons qu’un nombre croissant de Vietnamiens viennent étudier en France. Ils sont les bienvenus et nous savons ce que la France peut leur apporter et ce qu’ils peuvent apporter ensuite au partenariat bilatéral dans tous les domaines. Nous nous réjouissons de voir aussi un nombre croissant d’étudiants français qui viennent passer un semestre ou deux dans des universités vietnamiennes ayant des liens avec des homologues françaises. C’est un mouvement très important pour l’avenir de nos deux pays.
La volonté de partager nos cultures a toujours été au centre de notre partenariat et de nos relations. Le développement des industries culturelles et créatives a été inscrit par le gouvernement vietnamien comme l’un des objectifs pour soutenir la croissance, y compris la croissance économique. La France, un grand pays en la matière, peut travailler avec le Vietnam dans ce domaine.
Je me réjouis du partenariat entre l’Opéra Hô Guom et l’Opéra Royal de Versailles, ce qui permettra évidement d’avoir davantage de productions dans ce nouvel opéra de Hanoï et je suis particulièrement reconnaissant envers le secrétaire général du Parti et président vietnamien Tô Lâm pour son intérêt personnel dans cette coopération.
Le thème du 50e anniversaire de l’établissement des relations franco-vietnamiennes était “Cultures partagées”. Cela résume bien l’esprit dans lequel nous envisageons la coopération culturelle. Il ne s’agit pas d’imposer de produits culturels français au Vietnam, mais de construire ensemble une politique culturelle qui permette à la fois de faire connaître des éléments de la culture française et de transmettre aux partenaires vietnamiens des outils pour développer notamment les industries culturelles et créatives. On l’a vu dans de nombreuses occasions. Par exemple, nous travaillons à la préparation de la 2e édition de la biennale internationale de la photographie au Vietnam - Photo Hanoï en 2025, qui avance bien. J’aimerais rappeler que la première édition, Photo Hanoi’23, a attiré presque 200.000 visiteurs des expositions et 5 millions de followers sur les réseaux sociaux. Cela contribue à promouvoir la photographie, l'image du Vietnam, et à aider les jeunes créateurs à se faire connaître.
Lors de ma récente mission à Hô Chi Minh-Ville, j’ai visité un studio d’animation français qui emploie maintenant 200 personnes, contre 100 il y a trois ans. Il fonctionne bien et permet de transmettre des savoir-faire français au Vietnam.
Il y a encore beaucoup d’autres sujets sur lesquels nous pouvons travailler avec des entreprises, des partenaires publics, ou même dans le cadre de la coopération décentralisée.-CVN/VNA