Agent orange, la dernière bataille

Le combat judiciaire de Trân Tô Nga contre l’agent orange

Le procès historique de Trân Tô Nga, une septuagénaire franco-vietnamienne résidant en France, contre des multinationales de l’agrochimie a débuté le 25 janvier à Paris.

Hanoi (VNA) – Le procès historique de Trân Tô Nga, une septuagénaire franco-vietnamienne résidant en France, contre des multinationales de l’agrochimie a débuté le 25 janvier à Paris. Ces sociétés ont fabriqué l’agent orange, utilisé par les États-Unis pendant la guerre du Vietnam.

Le combat judiciaire de Trân Tô Nga contre l’agent orange ảnh 1Vue générale de la séance de travail du tribunal d’Évry sur le procès de Trân Tô Nga, le 25 janvier en banlieue de Paris. Photo : VNA

Lors de la première audience du procès qui s’est tenue le 25 janvier au tribunal judiciaire d’Évry à Paris, les avocats représentant 17 sociétés chimiques américaines ont plaidé pendant quatre heures, contre 90 minutes pour la partie civile représentée par Maîtres William Bourdon, Amélie Lefèbvre et Bertrand Repolt. À l’audience, les conseils des multinationales mises en cause ont plaidé le 25 janvier l’incompétence du tribunal d’Évry pour traiter de ce dossier.

Arguant que ces sociétés "agissaient sur l’ordre d’un État et pour son compte", le conseil de Monsanto, Jean-Daniel Bretzner, a fait valoir qu’elles pouvaient bénéficier de l’immunité de juridiction et qu’en conséquence, la juridiction française n’était pas compétente à juger de l’action d’un État étranger souverain dans le cadre d’"une politique de défense" en temps de guerre.

William Bourdon, avocat de Trân Tô Nga, a estimé quant à lui que cet argument était classique. Il a dit : "Nous nous y opposons fermement en nous appuyant sur des dispositions de droit national, européen et international. Il y a de nombreux exemples dans l’histoire où des multinationales ont tenté d’imposer le fait du prince ou la force majeure, considérant qu’elles devaient être irresponsables au motif qu’elles ne faisaient qu’obéir à un ordre politique. Nous sommes plutôt confiants puisque le droit a plutôt évolué en faveur d’une responsabilisation accrue des acteurs privés y compris lorsqu’ils prétendent avoir agi sous l’impulsion du pouvoir exécutif".

Un combat pour la justice

Jean-Pierre Archambault, secrétaire général de l’Association d’amitié franco-vietnamienne (AAFV), a déclaré que cette audience était une étape importante dans le procès intenté par Trân Tô Nga pour rendre justice aux millions de victimes vietnamiennes de ce défoliant.

"Dans tous les cas, le combat se poursuivra, il n’est pas terminé. Nous continuerons à entourer Nga de notre solidarité dans son courageux combat", a-t-il affirmé.

Le procès de Trân Tô Nga est largement couvert par la presse française et internationale. Lors d’une conférence de presse organisée le 21 janvier dernier, Trân Tô Nga avait souligné que ce procès devrait être la "dernière bataille" de sa vie et qu’elle était "largement soutenue par des hommes politiques, avocats, organisations et par l’opinion publique".                                               

Marie Toussaint, co-fondatrice de Notre Affaire à Tous, également députée d’Europe Écologie-Les Verts, un parti politique écologiste français, a mis l’accent sur la légitimité de ce combat. "C’est un procès contre l’écocide, un procès contre de grandes firmes multinationales qui détruisent impunément la planète et empoisonnent les populations… C’est un combat pour la justice et pour l’histoire, un procès pour savoir si la vie des humains et de la nature est supérieure ou non aux profits des multinationales, un procès pour dire quelles sont nos valeurs...".

De nombreuses associations soutiennent et accompagnent le combat de Trân Tô Nga comme Comité de soutien Trân Tô Nga (fondé en 2017), Collectif Vietnam Dioxine (fondé en 2004), Stop Monsanto-Bayer et l’agrochimique, Combat Monsanto, Youth for Climate Paris, Union générale des Vietnamiens de France, Association d’amitié franco-vietnamienne.

David contre Goliath
 
"Un procès symbolique et historique", telle est l’évaluation générale de la presse française de ces derniers jours. Un article sur cet événement est paru à la Une de L’Humanité, le 25 janvier, avec une série d’articles connexes.

Dans cet article titré "Récit d’un crime de guerre américain au Vietnam jugé 55 ans plus tard en France", on peut lire que cette action en justice est souvent comparée au combat de David contre Goliath. Et pour cause, elle se révèle extrêmement coûteuse puisque la trentaine d’avocats des multinationales, dont Dow Chemical et Bayer-Monsanto, ont déployé tous les stratagèmes pour ralentir le déroulement du procès et épuiser Trân Tô Nga.

Le Monde a réalisé un reportage soulignant que Trân Tô Nga sait cependant qu’il va lui falloir tenir le coup au tribunal. Il y aura sûrement un appel et toutes sortes d’expertises pour établir s’il y a bien un lien entre son état de santé et l’épandage de pesticides sur son pays natal. Mais pour toutes les victimes, l’ultime espoir de voir reconnaître leur préjudice repose sur cette décision de la justice française.  

Le journal Politis a également souligné que de tous les défoliants détruisant la végétation, l’agent orange était le plus nocif à cause de la dioxine qu’il contient. La ténacité, la patience et la douceur de Trân Tô Nga sont devenues des armes redoutables contre les multinationales de l’agrochimie qui se pensent intouchables.
 
* Entre 1961 et 1971, l’Armée américaine a déversé sur le Vietnam environ 80 millions de litres d’herbicides à forte teneur en dioxine. Quelque 4,8 millions d’habitants ont été exposés à l’agent orange/dioxine.                                                 
* Une femme de 79 ans face à 26 multinationales agrochimiques
Née en 1942, Trân Tô Nga est originaire de la province de Soc Trang (Sud). C’est en tant que reporter de Thông tân xa giai phóng (Agence d’Information de Libération), un des deux organes prédécesseurs de l’Agence Vietnamienne d’Information (VNA en abréviation anglaise), qu’elle a été victime de l’agent orange. Son procès contre 26 firmes américaines productrices de défoliants toxiques a débuté en avril 2014. – CVN/VNA

 

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