À 73 ans, une Française d’origine vietnamienne n’a pas redouté lesdifficultés ni la puissance des compagnies de chimie américaines ayantfabriqué des défoliants pour témoigner devant le tribunal de grandeinstance de Paris. Etant la seule à pouvoir tester de ces évènements,elle a considéré cette action en justice comme l’aboutissement de touteune vie.
Au milieu des années 60, elle sort diplômée duDépartement de chimie de l’Université de Hanoi. À la fin de 1966, elleprend la route Truong Son pour participer la libération du Sud duVietnam avec 300 camarades, puis devient correspondante de guerre del’Agence Vietnamienne d’Information. Elle est allée partout, passa deforêts en montagnes. Plusieurs fois, elle vit un avion jetant de lafarine au-dessus de la forêt, ce qui la faisait tousser et lui donnaitdes démangeaisons. Plus tard, elle a appris qu’il s’agisait de défoliantmais sans comprendre sa toxicité, bien qu’étant chimiste de formation.Elle n’était que l’une de ces nombreuses personnes à être dans la mêmesituation, et qui par la suite ont eu des enfants malformés.
C’estdonc avec surprise que Mme Nga a vu son enfant décéder d’unemalformation cardiaque congénitale. «Je me faisais des reproches pouravoir donné cette maladie à mon enfant. L’agent orange lui a donné unhandicap extérieur et intérieur, il a souffert. J’étais effondrée».Aujourd’hui, les victimes de l’agent orange sont de la 2e, 3e, maisaussi de la 4e génération...
En 2009, une courinternationale de conscience a été créée pour les victimes vietnamiennesde l’agent orange, mais seulement les Français pouvaient témoigner, etMme Nga s’est retrouvée la seule victime pouvant aider les autresvictimes. Elle a commencé par refuser en raison de son âge puis, pourses camarades et tous les enfants morts de l’agent orange, elle aaccepté. Elle a été considérée comme un témoin oculaire, dernière chancepour ce procès. Elle en a été particulièrement émue : «C’est ladernière contribution d’une vieille révolutionnaire».
Témoin pour les victimes de l’agent orange
MmeNga revient souvent au Vietnam pour mener diverses activités sociales,solliciter des fonds pour soutenir les pauvres et les victimes del’agent orange, ainsi que contribuer aux relations entre les deux pays.La République française lui a remis l’ordre de la Légion d’honneur en2014, et a honoré ses activités pour la préservation des mémoires desvictimes et des anciens combattants de la guerre d'Indochine.
Voyantdes victimes vietnamiennes de la dioxine, elle a pleuré : «Si onvisitait à n’importe quel moment les familles de la province du ThaiBinh, on trouvera toujours de la douleur ce jour-là, comme un autre. Lapremière génération est morte, puis la 2e, puis la 3e génération est entrain de mourir... Je ne peux retenir mes larmes». Elle ajoute que ceprocès a pour demandeur Trân Tô Nga, mais derrière ce nom se tiennentdes millions de victimes de l’agent orange, non seulement du Vietnammais aussi de nombreux autres pays. Si on gagne le procès, cela ouvrirade nouvelles perspectives à ces victimes.
C’est un procèsinternational qui coûte très cher, mais son avocat, maître WilliamBourdon, n'a pas voulu prendre l’argent de Mme Nga. Dans de nombreusesrégions de France, ils ont organisé des concerts pour collecter desfonds pour soutenir le procès de Trân Tô Nga. Plusieurs personnes luiont prêté de l’argent pour engager ce procès contre les compagnies dechimie américaines. Son avocat William Bourdon souligne : "Ce procèssera long et difficile. Toutefois, il y a une lueur d'espoir, nous lemènerons à son terme".
Mme Nga et l'Association desvictimes de l'agent orange/dioxine du Vietnam (VAVA) ont envoyé deséchantillons de sang en Allemagne pour obtenir des preuves scientifiquespour ce procès. Les résultats : «Quand j’ai lu les résultats positifs,j’étais très heureuse, j’en ai pleuré. J’ai téléphoné à mes amisvietnamiens et français pour les informer que mon sang contenait de ladioxine». Les scientifiques ont indiqué que la teneur en dioxine dans lesang était très élevée, dépassant les normes européennes commevietnamienne, d’ailleurs. "Mon premier enfant a pris 70% de dioxine, etmon deuxième, 50%", confie-t-elle. Le président de la VAVA, Nguyên VanRinh, affirme que l’association soutiendra cette action car il s’agitpour lui, à l’évidence, d’un devoir moral comme le partage d’un mêmesentiment. -VNA