Hanoi (VNA) - Lê Viêt Quyêt, 26 ans, a choisi comme métier la xylographie, l’artisanat de ses ancêtres. Depuis six ans, il grave des textes bouddhistes dans l’ancien script sino-vietnamien nôm, au service des pagodes.
À Mang Đen, dans le district de Kong Plong, province de Kon Tum, dans le Tây Nguyên (hauts plateaux du Centre), tous les habitants connaissent un jeune homme s’absorbant jour après jour dans la gravure de tablettes de bois. Sur chacune, il trace en relief des textes en caractères sino-vietnamiens nôm, tirés des enseignements de Bouddha.
"Après des années à essayer péniblement de gagner ma vie, j’ai décidé de reprendre le métier de mon père : xylographe. Un métier dont les artisans sont de plus en plus rares de nos jours. De son vivant, mon père devait être parmi les derniers à Hai Duong", confie Lê Viêt Quyêt, originaire de la province de Hai Duong (Nord).
Fier héritier de l’artisanat familial
Selon lui, à la période féodale (avant 1945), Hai Duong était renommée dans tout le pays pour la confection de tablettes de bois sur lesquelles étaient gravés en relief des textes en écriture démotique sino-viet-namienne (chu nôm). Elles servaient à imprimer sur du papier dó des documents importants de la Cour.
"Les lettres gravées en relief sont d’une grande finesse. Cela m’a attiré dès mon enfance. J’ai commencé à graver sur des morceaux de patate !", explique le jeune xylographe avec un large sourire.
Après le bac, il s’est engagé dans l’armée. Démobilisé, il est parti travailler quelques années à l’étranger. De retour dans son village natal, Quyêt a décidé de reprendre la profession de son père : xylographe.
"Plus je pratiquais, plus cet art me passionnait. Les lettres mystérieuses des livres anciens évoquent en moi des histoires du temps passé", raconte le jeune homme.
Selon lui, ce métier permet de forger son caractère, d’être plus assidu, plus patient, plus concentré. "Étant jeune, j’avais l’ambition de prendre la vie à bras le corps, de tenter n’importe quel métier. Mais la destinée a voulu que je reprenne l’artisanat familial".
Après l’apprentissage du métier auprès de son père, Quyêt a commencé sa vie indépendante. Après un incident, Quyêt et sa petite famille ont choisi de s’établir dans la province de Kon Tum. Dans sa petite maison fraîchement érigée dans le village de Mang Đen, le xylographe a ouvert son atelier. Sa réputation a cru au fil des mois. Elle retentit désormais loin des limites du district. Nombre de pagodes du Tây Nguyên, et aussi d’ailleurs dans le pays, ont envoyé des bonzes pour passer des commandes de tablettes gravées afin de réimprimer d’anciens textes sacrés.
"Beaucoup d’anciens livres bouddhiques en caractères sino-vietnamiens sont abîmés. L’unique façon de les réimprimer est de recourir à la xylographie", explique Quyêt. D’ordinaire, une tablette de bois restituant une page d’un ancien livre compte des dizaines voire une centaine de caractères. Parfois, y figurent des images du Bouddha agrémentées de motifs raffinés.
“Le bois est soit du plaqueminier, soit du poirier ou du jujubier... Il faut qu’il soit à la fois tendre, lisse et de couleur ivoire”, éclaire le xylographe.
"Un vrai travail de fourmi"
Le jeune xylographe ne peut pas compter combien d’œuvres qu’il a réalisées ces dernières années. "Je suis heureux chaque fois qu’une œuvre est achevée", s’enthousiasme-t-il.
Et d’ajouter qu’il y a quelques années, animé par sa passion infinie pour la xylographie, il a commencé à étudier l’écriture sino-vietnamienne pour comprendre les contenus des textes. "Ce script ancien exerce sur moi une attraction indescriptible. En lisant et gravant les caractères, j’oublie tout ce qui se passe tout autour, j’oublie même de manger et de boire !".
En moyenne, Quyêt peut graver de 60 à 80 caractères par jour. "C’est vraiment un travail de fourmi. Pour restituer une œuvre ancienne, il me faut parfois des mois”, avoue-t-il.
Et de montrer un livre titré Diên Quang Tam Muôi déposé sur la table : "Ce livre de 150 pages, je l’ai commencé au début de l’année 2019. Je suis en train d’accomplir les derniers pages pour les remettre à temps à la pagode”.
Parfois, Quyêt a pensé à accélérer son travail grâce à des technologies modernes, notamment les LCM (Laser cutting machine) ou CNC (Computer numerical control)… Mais il y a renoncé, car le résultat manquait de précision. "La gravure doit être confié à des artisans habiles et passionnés", affirme-t-il, avec un brin d’orgueil. -CVN/VNA