Hanoi (VNA) - Après une année d’existence, les maisons de vente aux enchères Chon’s (Chon Auction House) à Hanoï et Lý Thi à Hô Chi Minh-Ville ont contribué à booster la visibilité de l’art vietnamien. Les foires et expositions se multiplient et les acheteurs se diversifient.
"Nhin tu đinh đôi", une huile de Lê Phô de 1937, a été vendue 844.697 dollars chez Christie’s Hong Kong en 2014. Photo: TTVH
Depuis une vingtaine d’années, les experts internationaux estiment que le marché des beaux-arts vietnamien est un secteur très prometteur. Il semble qu’il ait acquis ces dernières années une certaine maturité.
Lors d’une vente aux enchères intitulée "L’aube de Chon’s", organisée par cette maison fin avril, la laque poncée "Thac Bo" de Nguyên Huyên a été proposée à 120.000 dollars. Le collectionneur Nguyên Phan Huy l’a acquise pour 280.000 dollars (près de 6,4 milliards de dôngs). Un record pour une vente aux enchères sur le marché de l’art national.
Un marché émergent mais prometteur
Selon Wang Zineng, grand expert de l’art vietnamien, les œuvres contemporaines vietnamiennes sont connues dans le monde depuis 2014. Et elles sont de plus en plus appréciées des collectionneurs. Lors d’une vente aux enchères tenue le 11 mai 2016, près de 90% des quelque 70 œuvres d’une collection de peintures vietnamiennes ont été vendues pour un total de plus de quatre millions de dollars, a-t-il informé.
Le marché mondial de l’art a connu ces dernières années des changements continus, avec notamment l’émergence de la Chine et d’autres pays asiatiques, qui sont devenus des lieux intéressants pour de nombreux collectionneurs et investisseurs. Rappelons que la Chine est le leader dans le business de l’art, avec 38% des enchères mondiales.
Le chiffre d’affaires des ventes publiques au niveau mondial (les résultats des galeries sont beaucoup plus difficiles à évaluer) dépasse 500 millions de dollars par an. Deux raisons principales. D’une part, l’arrivée d’acteurs émergents, dont la Chine qui est désormais le premier acheteur mondial: Pékin, Shanghaï ou Hong Kong sont devenues des places majeures. D’autre part, l’art contemporain a connu un remarquable essor, notamment auprès des 30-40 ans qui s’y intéressent par goût mais aussi dans l’espoir d’un bon investissement.
En 2017, le chercheur vietnamien Nguyên Dinh Thành écrivait: "Pour la première fois, le marché mondial de l’art contemporain a franchi la barre du milliard d’euros en 2013 et atteint 1,5 milliard en 2014, soit dix fois plus en dix ans".
Il existe une liste des peintres aux revenus les plus élevés au monde, et une centaine d’entre eux ont engrangé plus d’un milliard d’euros en un an! Selon le site artprice.com, l’artiste contemporain chinois Zeng Fanzhi a gagné près de 60 millions d’euros en 2014. Sa peinture "Dernier repas" ("Last Supper" en anglais) a été vendue 15,1 millions d’euros en octobre 2013.
Certaines œuvres de peintres vietnamiens ont été adjugées à près d’un million de dollars. En novembre 2014, Christie’s Hong Kong a vendu "Nhin tu đinh đôi" (View From The Hilltop - Vue de la colline), une huile de 1937 de Lê Phô, au prix de 844.697 dollars, le plus élevé à cette époque-là. Elle a battu l’œuvre "Nguoi bán trâu cau" (La vendeuse de bétel) de Nguyên Phan Chánh, vendue 409.393 dollars lors de la même séance.
Quelques années plus tard, le 2 avril 2017, Sotheby’s Hong Kong a vendu le tableau "Doi sông gia đình" (Family Life - Vie de famille) de Lê Phô, une gouache sur toile de jute réalisée entre 1937 et 1939, pour 1.172.080 dollars. Jusqu’à présent, c’est l’œuvre vietnamienne vendue le plus cher sur le marché officiel.
Plus de politiques de soutien
Des noms contemporains vietnamiens comme Lê Quang Hà, Lê Kinh Tài, Bùi Huu Hùng, Bùi Công Khánh, Pham An Hai... sont bien connus sur le marché mondial. Leurs œuvres ont été vendues à des prix très élevés, certaines à plus d’un milliard de dôngs (près de 44.000 dollars), plus de deux milliards (près de 88.000 dollars) ou plus de cinq milliards (près de 220.000 dollars).
Si le marché de l’art vietnamien se développe rapidement depuis quelques temps, il est aussi entaché par la circulation de faux. Ainsi, en 2016, le Musée des beaux-arts de Hô Chi Minh-Ville a accueilli une exposition intitulée "Les tableaux qui reviennent d’Europe". Problème, 17 des tableaux exposés étaient des contrefaçons.
"Le gouvernement doit s’intéresser de près à ce marché pour le soutenir dans son développement et aussi le gérer afin d’éviter les dérives. Cela permettra au marché de l’art national d’avoir plus de visibilité et aussi d’être plus compétitif", a estimé Nguyên Dinh Thành.
Il a pris l’exemple du gouvernement philippin qui avait accordé beaucoup d’attention à la question, notamment au perfectionnement du cadre réglementaire. Deux Philippins figurent parmi les 500 artistes contemporains les plus célèbres au monde et l’un d’entre eux s’est même classé au 76e rang des 500 artistes les plus cotés en 2014.
Nguyên Dinh Thành a donc proposé au gouvernement d’édicter des règlements sur la transparence du marché de l’art et la protection du droit d’auteur. Il faudrait également qu’il apporte des soutiens à la création, favorise la diffusion des œuvres d’artistes peu connus ou d’avant-garde. Il s’agit de stimuler le marché de l’art en aidant les galeries à développer de nouveaux marchés, favoriser la vente d’œuvres d’artistes vietnamiens dans le pays comme à l’étranger.
"Le Vietnam a tous les ingrédients pour développer son marché de l’art mais il y a encore des dispositions à prendre pour y arriver, et une nécessité pour les nombreux acteurs du marché de coordonner leurs efforts", a expliqué Olivier Dô Ngoc, collectionneur d’art au Vietnam et juge au VietArt Today 2016, une compétition visant à sélectionner et soutenir de jeunes artistes vietnamiens. – CVN/VNA