Hanoi (VNA) – Le village de Ban Thach, niché dans la commune de Duy Vinh, district de Duy Xuyên, province de Quang Nam, abrite un artisanat florissant depuis près de 300 ans : le tissage de nattes en carex. Le village est situé à un confluent unique où trois rivières – Thu Bôn, Ly Ly et Truong Giang – se rejoignent, créant des terres alluviales fertiles idéales pour la culture du carex. Ce qui distingue Ban Thach, ce n’est pas seulement la longévité de sa tradition, mais aussi la vivacité et la complexité de ses nattes tissées à la main, qui se distinguent par leurs couleurs et leurs motifs de celles que l’on trouve ailleurs au Vietnam.
Les archives historiques montrent qu’au début de la guerre civile entre les seigneurs Trinh du Nord et les seigneurs Nguyên du Sud (1627-1786), les conflits et l’instabilité généralisés ont contraint de nombreux habitants du nord et du centre du Vietnam à migrer vers le Sud. À leur arrivée dans ce qui est aujourd’hui Ban Thach, ces migrants ont trouvé le territoire et la population locale accueillants et ont choisi de s’y installer. Parmi eux se trouvaient des tisserands de nattes de Nga Son, dans l’actuelle province de Thanh Hoa, qui ont apporté avec eux leur savoir-faire traditionnel. Grâce à leur diligence et à leur ingéniosité, ils ont transformé le sol salin en terres agricoles fertiles, cultivé des carex le long des berges et progressivement établi un village prospère de tisserands de nattes.

L’art derrière chaque fil
À première vue, le tissage de nattes peut sembler simple, mais derrière chaque natte finie se cache un processus méticuleux et ancestral qui commence bien avant le tissage du premier fil.
Tout commence avec des laîches fraîchement récoltées dans les champs. Les tiges sont soigneusement fendues à la main en fils plus fins. Ces fils fins sont ensuite étalés à l’air libre et séchés au soleil pendant plusieurs jours. Le timing est primordial à cette étape. Trop de soleil et la laîche devient cassante et fragile ; trop peu, et elle risque de moisir. Ce n’est qu’après trois ou quatre jours d’ensoleillement optimal que la laîche est prête pour l’étape suivante.
Vient ensuite la teinture, une tâche délicate confiée à des mains expertes. À l’aide de colorants naturels aux nuances vives de rouge, vert, jaune et violet, les artisans plongent les fils dans des bains de teinture bouillants. Obtenir la teinte parfaite est à la fois un art et une science. Il faut accorder une attention particulière au rapport teinture/eau et au nombre de trempages de chaque paquet de laîche. Les couleurs plus intenses nécessitent des immersions répétées. Cependant, tous les fils ne sont pas teints. Certains sont délibérément laissés à l’état naturel pour préserver la teinte verte d’origine de la laîche. Une fois tissés et séchés au soleil, ces fils non traités produiront un blanc magnifiquement pur qui ajoutera contraste et luminosité au tapis fini. Après teinture, tous les laîches, qu’elles soient colorées ou naturelles, sont séchées une fois de plus au soleil, prêtes à être utilisées sur le métier à tisser.

Une fois les fils parfaitement préparés, le tissage commence. Cette étape exige un travail d’équipe. Le métier à tisser, souvent fabriqué en bambou vieilli ou en bois d’arec, est manipulé par deux artisans. L’un maintient les fils de chaîne tendus et soulève des fils spécifiques pour créer l’ouverture de la trame. L’autre guide rapidement la navette, chargée d’un fil de carex coloré, à travers cette ouverture. D’un geste rapide et habile, le tisserand plaque ensuite fermement le nouveau fil de trame contre les précédents à l’aide d’un peigne en bois. Ce va-et-vient précis, où l’un ouvre le chemin, l’autre le remplit, se poursuit fil par fil. Selon le motif souhaité, ces artisans qualifiés transforment de simples fils en une œuvre d’art complexe.
Grâce à cette technique de tissage particulière, les artisans de Ban Thach n’ont pas besoin d’imprimer de motifs sur le tapis. Ils s’appuient uniquement sur l’alternance minutieuse des fils colorés pour créer leurs motifs complexes : géométrie et art tissés directement dans le tissu du tapis.
Une fois le tissage terminé, les bords du tapis sont coupés pour éviter l’effilochage. Un dernier séchage au soleil assure la fixation des fibres, et le tapis est alors prêt à être commercialisé : robuste, beau et imprégné du soin et de la tradition tissés dans chaque fil.

Faire revivre une tradition menacée
Malgré le savoir-faire et le talent artistique de chaque natte, cet artisanat traditionnel connaît un déclin constant. Ces dernières années, les nattes en plastique et en bambou fabriquées à la machine ont inondé le marché, reléguant au second plan les nattes en carex faites main. La baisse de la demande s’est accompagnée d’une baisse des prix de vente, et donc d’une diminution des revenus des artisans locaux. De nombreuses familles ont complètement abandonné cet artisanat. Les vastes champs de carex qui s’étendaient autrefois le long des berges à l’apogée de l’artisanat se sont réduits à quelques hectares seulement.
Reconnaissant la valeur culturelle et économique de cette tradition ancestrale, les autorités locales interviennent pour soutenir sa renaissance. Selon Nguyên Van Tài, vice-président du comité populaire de la commune de Duy Vinh, l’administration locale va soutenir les villageois pour restaurer les zones de culture de carex et améliorer les infrastructures.
Le projet de lier l’artisanat au tourisme est également porteur d’espoir, promettant non seulement un soutien économique, mais aussi une meilleure reconnaissance du patrimoine culturel du village. Grâce à ces initiatives, Ban Thach conserve son héritage et maintient en vie l’artisanat qui définit son identité depuis des siècles. – VNA