Ces médecins qui préviennent les épidémies en silence
Toujours au front chaque fois
qu’une épidémie se déclare, les agents de la médecine préventive sont
souvent confrontés au risque de contamination et donc de mort par des
maladies parfois encore inconnues. Un travail à haut risque peu reconnu
et peu soutenu.
« Les agents de la médecine
préventive sont présents sur le terrain chaque fois qu’il y a une
épidémie. C’est pourquoi, bien qu’ils respectent les dispositions du
ministère de la Santé lors de leurs différentes missions, plusieurs ont
contracté des maladies graves, et certains en sont morts », déplore le
professeur- Dr. Nguyên Trân Hiên, directeur de l’Institut central
d’hygiène et d’épidémiologie.
D’après lui, lorsqu’une épidémie se
déclenche, le personnel de la médecine préventive est le premier à
entrer dans le foyer de l’infection, en contact direct avec les malades,
afin de prélever des échantillons cliniques et effectuer des études
épidémiologiques. Des analyses qui présentent un risque élevé de
transmission.
De fait, c’est lorsqu’une nouvelle épidémie se
déclare que la menace de contagion est la plus grande, comme cela a été
le cas avec le SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère) ou la grippe
A/H1N1. « Dans les premiers stades de l’épidémie, on ne sait pas de
quelle maladie il s’agit ni comment elle se propage. Le personnel de la
médecine préventive doit donc être très vigilant et découvrir dans les
plus brefs délais son origine pour empêcher l’épidémie de s’étendre »,
précise-t-il.
Les difficultés auxquelles ces agents doivent faire
face sont encore toutefois souvent incomprises. C’est pourquoi, le
budget qui leur est octroyé est tout sauf à la hauteur de la tâche et
des risques encourus. Ces médecins sont donc mal rémunérés, et nombreux
sont ceux qui cherchent par tous les moyens à se reconvertir dans le
traitement.
« Nous sommes tous médecins, mais les
revenus de ceux qui exercent à l’hôpital sont souvent bien plus élevés
que ceux de leurs confrères des centres de médecine préventive. D’autant
qu’en plus de leur salaire, ils reçoivent chaque mois des millions de
dôngs supplémentaires provenant des frais d’hospitalisation. De son
côté, la médecine préventive n’a presque aucune autre source de revenus
que ce qu’elle reçoit du Programme des objectifs nationaux », se plaint
le docteur Duong Van Dang, directeur du Centre de santé du district de
Chiêm Hoá, province de Tuyên Quang (Nord).
Des moyens très en deçà des besoins
Selon le ministère de la Santé, la majorité du personnel de la
médecine préventive travaille dans des conditions difficiles. Environ
80% des centres de province ont besoin d’être réhabilités ou modernisés.
Le système de laboratoires manque de synchronisation et d’équipements
modernes. Au niveau du district, selon une enquête menée dans 293
centres de santé, plus de 40% d’entre eux doivent faire l’objet d’une
modernisation de leurs locaux, et plus de 90% n’ont pas assez
d’équipements pour exercer correctement. La majorité des analyses
doivent ainsi être effectuées dans des établissements à l’échelle
provinciale. De plus, les rémunérations n’étant pas incitatives, il est
devenu très difficile de recruter. « Le personnel de la médecine
préventive du district de Na Hang travaille dans des bâtiments délabrés
qui manquent cruellement d’équipements médicaux », commente le docteur
La Dang Tái, directeur du Centre de santé du district de Na Hang,
province de Tuyên Quang,
C’est aussi le cas du
Centre de santé du district de Chiêm Hoá, toujours dans la province
montagneuse de Tuyên Quang. Depuis 2007, cet établissement a dû
déménager à deux reprises : la première fois dans les locaux d’un
hôpital et la deuxième dans une ancienne école maternelle. « Ces
changements successifs ont un impact sur le moral des agents, ils les
rendent mal à l’aise dans l’exercice de leurs activités professionnelles
», indique son directeur Duong Van Dang.
« Comment
les agents de la médecine préventive peuvent-ils travailler de manière
efficace dans les établissements inconfortables ? Et comment peut-on
recruter des employés alors qu’on n’a pas de siège ? Les actions de
prévention des épidémies ne seront efficaces que lorsque notre budget
sera à la hauteur de nos besoins », insiste le professeur-Dr Trinh Quân
Huân, ancien vice-ministre de la Santé. - AVI