À perte de vue le moutonnement de centaines de massifs de bambou, déclinant toute la gamme des verts, agités doucement par le vent. Ici et là se détachent des échassiers d’un blanc immaculé, scrutant d’un air méfiant les bipèdes déambulant en contrebas.
L’Écomusée du bambou et Conservatoire botanique -ou plus prosaïquement le Village de bambou de Phu An- se trouve dans le district de Bên Cat, province de Binh Duong (Sud), à environ 35 km du centre de Hô Chi Minh-Ville. Ce jardin botanique a vu le jouren 2003 à l’initiative de la Docteure ès sciences Diêp Thi My Hanh, uneViêt kiêu de France, fruit d’une coopération quadripartite : RégionRhône-Alpes, Parc naturel régional du Pilat côté français ; province deBinh Duong et École supérieure des sciences naturelles de Hô Chi Minh-Villec côté vietnamien.
Un jardin botanique...
Le Villagede bambou compte près de 2.000 massifs de bambou appartenant à plus de300 espèces, aux variations morphologiques insoupçonnées, soit près de90% des espèces recensées au Vietnam. L’ingénieur Nguyên Khac Diêu, qui y travaille depuis plus d’un an, présente aux visiteurs les méthodes d’identification des différentes espèces : « Il faut examiner le tronc et sa couleur, la hauteur, la forme des feuilles et, surtout, le spathe». Chaque «touffe» est accompagnée d’un écriteau où sont précisés nomsvernaculaire et scientifique, lieu de prélèvement, aire de répartition. Des noms aussi étranges que Phyllostachys, Teinostachyum, Sasa, Dinochioa, etc.
La bambouseraie est ouverte au public depuis 2008. Elle est devenue un lieu de détente, de tourisme mais aussi de découverte d’une plante emblématique et de ses multiples usages. C’est aussi un espace de sensibilisation à la nécessité de protéger cette plante. À l’heure où les haies de bambous disparaissent comme peau de chagrin un peu partout dans le pays, ce message mérité d’être écouté. Cette riche collection est arrangée par secteurs géographiques : delta du Mékong, hauts plateaux du Centre, Sud, Nord.
... à vocation scientifique
En plus d’être un site d’écotourisme, le Village de bambou de Phu An est aussi un espace d’étude. Régulièrement, des scientifiques et des étudiants vietnamiens et étrangers viennent y réaliser des stages ou des recherches sur certaines variétés de bambou, sur la multiplication des plantules, etc. Ils sont logés sur place.
La bambouseraie soutient aussi le développement local. Les habitants, de leurpropre chef, ont conservé ces haies de bambou si symboliques de lacampagne vietnamienne. Au cœur de la bambouseraie a été aménagé unespace d’exposition et de vente de produits artisanaux en bambou,fabriqués par les habitants locaux eux-mêmes.
Une plante multi-usage
Le bambou est, depuis des lustres, l’ami du paysan vietnamien, qui a su en tirer le maximum : baguettes, corbeilles, paniers, chaises, tables, lits, instruments de musique... Il fournit aussi un excellentmatériau pour la décoration intérieure et extérieure et même pour laconstruction d’habitations (sous forme de structures lamellé-collé). Le bambou peut s’adapter à toutes les formes d’architecture, qu’elles soient modernes ou traditionnelles. C’est aussi un excellent échafaudage, à la fois léger et résistant, très utilisé sous les tropiques. Depuis peu aussi, le bambou conquiert le marché du textile. Ses tissus soyeux hautement absorbant et antibactérien sont de plus en plus appréciés. Sans oublier que le bambou est un mets savoureux - et pas seulement pour le panda géant ! Les amateurs de bún măng ou măng ngan ( măng : pousse de bambou en vietnamien) ne diront pas le contraire. Et la liste de ses usages est loin d’être close... - AVI