Anna Konjetzky est l’une des jeuneschorégraphes les plus célèbres en Allemagne. Du haut de ses 33 ans, ellea déjà travaillé au Sénégal, en Lituanie, en Israël, au Canada et enFrance. Cette année, c'est surtout pour ce festival de rencontre dedanse contemporaine qu'elle tentera, une nouvelle fois, de mettre sontalent si particulier en oeuvre. Elle a décidé de travailler avec autantd'Allemands que de Vietnamiens sur ce projet, "pour un meilleuréquilibre et un échange", nous a t-elle indiqué.
Une création en gestation
Ily a quelques jours, Anna a passé une semaine à Hanoi pour sélectionnersix danseurs du Théâtre national d’opéra & ballet du Vietnam (VNOB),et commencer à travailler une future pièce qui n'est pas encore écrite."Cette première rencontre m'a permis de choisir six danseurs parmi lesdix présents. Ensuite, ils viendront en Allemagne pendant 8 semaines cetété pour créer le spectacle qui se jouera en septembre. Je tiendrai lesficelles mais on travaillera ensemble pour élaborer le projet. Ce seraune sorte de laboratoire".
Cependant, l'idée de base estdéjà posée, et le résultat final devrait prendre le nom de "On edge" (Aubord). "Je ne suis pas contente de ce titre, il changera sûrement parla suite. Pour la pièce, j'ai choisi de travailler avec une masse, douzedanseurs, pour établir une atmosphère particulière, celle qui se créelorsqu'un gros évènement est sur le point de se produire, positif ounégatif. C'est normalement un moment très court, mais je ferai une loupedessus. Ce sera un mélange de mouvements brusques, d'excitation,d'arrêt, de suspension, toutes ces attitudes, ces réactions, ces gestes,qui peuvent se produire avant une annonce ou une catastrophe. Ce seraabstrait, comme toujours, mais ça doit parler au public et le toucher.C'est l'objectif du projet. Je n'aime pas délivrer de message tout fait,le but est que les gens se fassent leur propre histoire", a ajouté AnnaKonjetzky.
Cette future création est un nouveau défi, tantpour les danseurs vietnamiens de l'Opéra, que pour la chorégraphe, carleurs codes artistiques respectifs sont très différents, voire opposés."Ils font de la danse ballet, et nous de la danse contemporaine, nosréflexes ne sont pas les mêmes. Et c'est en fait ce qui m'intéresse dansce travail. Travailler avec des étrangers nous incite à revoir noscodes, et à mieux travailler notre propre univers artistique. La vie estcomplexe, l'art doit l'être aussi. Quand on a tous les mêmes codes,c'est finalement trop facile. Par exemple, ils travaillent beaucoup avecles miroirs et parlent peu d'art. Alors que nous avons tendance àtoujours théoriser ce qu'on fait ", nous a t-elle encore commenté.
Un univers minimaliste et parfois déroutant
Annas'attache à travailler sur le corps et l'espace, et l'interaction desdeux. "Je n'ai pas choisi la danse pour danser en soi, mais pour lecorps, le mouvement. L'espace quant à lui permet ce mouvement. Dans uneville, nos corps s'adaptent à l'espace, tout comme nos gestes et notreétat d'esprit. J'aime ainsi expérimenter toutes les influences qu'unespace peut avoir sur nous, et tout ce qu'on peut faire dans un espacedonné".
Le résultat est souvent surprenant et peut mêmedevenir dérangeant, comme dans la pièce Abdrücke, interprétée par SahraHuby, danseuse belge qui travaille avec Anne depuis des années. Danscette représentation crée en 2010, la jeune femme est enfermée dans uneboite en verre au milieu d'une pièce. Les visiteurs peuvent tournerautour, et des miroirs permettent de la voir entièrement peu importe saposition.
"Certains peuvent voir ses mouvements commeétant suggestifs, mais ce n'est pas le but. Toutefois, le corps estsensuel par nature et je ne veux pas nier le corps et ses mouvements",nous a t-elle affirmé. "Chacun a interprété cette pièce différemment, etc'est ce qui est intéressant. La musique est souvent abstraite,pourtant tout le monde l'aime. J'aimerais que ce soit pareil pour ladanse, qu'on se laisse aller à ce qu'on ressent en la regardant". -AVI