A Thui, le gardien de l'âme du Tây Nguyên

Bercé par la musique folklorique du Tây Nguyên et notamment par le son du gong, un instrument musical singulier de ses ethnies minoritaires, A Thui est devenu "le gardien de l’âme" de la terre du Centre.
A Thui, le gardien de l'âme du Tây Nguyên ảnh 1A Thui est surnommé "le gardien de l’âme du Tây Nguyên". Photo : Khoa Chuong/VNA/CVN
Hanoï (VNA) - Bercé par la musique folklorique du Tây Nguyên et notamment par le son du gong, un instrument musical singulier de ses ethnies minoritaires, A Thui est devenu "le gardien de l’âme" de ces hauts plateaux du Centre.

A Thui, 63 ans, de l’ethnie Ro Ngao, a toujours eu une passion amoureuse pour le gong. En 2015, il s’est vu attribuer par l’État le titre d’"Artisan Émérite". Il veut désormais transmettre son amour et son ardeur à la jeune génération.

Un brillant joueur du gong

Issu du village de Kon Trang Long Loi, district de Dark Ha, province de Kon Tum, dans le Tây Nguyên (hauts plateaux du Centre), A Thui s’est montré doué en musique dès sa petite enfance. Une fois, accompagnant son père à une fête printanière des ethnies du Tây Nguyên, le petit garçon a été ensorcelé par les sons magiques des gongs. "Les images des jeunes hommes exécutant avec brio les gongs, en compagnie de jeunes filles gracieuses réalisant des danses folkloriques… sont restées gravées pour toujours dans ma mémoire", confie l’artiste non professionnel.

À 13 ans, A Thui a été autorisé par ses parents à aller apprendre le gong auprès des vieillards experts en gong du village. Doué en musique et animé d’une passion amoureuse, le garçon est parvenu rapidement à maitriser l’instrument. Il a pu sans difficulté jouer excellemment de diverses sortes de gongs (faisant partie d’un orchestre de gongs) et exécuter de multiples morceaux de musique folkloriques.

Pour les ethnies minoritaires peuplant le Tây Nguyên, le gong est un instrument de musique indispensable dans leur vie spirituelle. "À travers les sons du gong, les habitants expriment leur amour, leur vénération et leur croyance envers les divins. Dans une certaine mesure, les sons du gong activent et resserrent l’union de la communauté villageoise", explique A Thui. Une raison pour l’ethnie Ro Ngao de considérer le gong comme l’un des objets les plus précieux de leur communauté.  

À présent, A Thui garde avec jalousie dans sa maison un ensemble de gongs comprenant 16 pièces différentes. Sans oublier un nombre d’autres instruments de musique traditionnels, comme le b’rot, t’rung, ting ning, dan sat... dont il joue aussi à merveille. Avec fierté, il prend le ting ning dans les mains et exécute un air mélodieux chantant l’amour et l’aspiration des jeunes montagnards. "Ce ting ning, je l’ai fabriqué moi-même à partir d’un tronc de lô-ô (sorte de bambou). Il m’a toujours accompagné lors des fêtes de musique organisées au Tây Nguyên", s’enorgueillit-il.
A Thui, le gardien de l'âme du Tây Nguyên ảnh 2M. Thui enseigne le gong aux enfants. Photo : Khoa Chuong/VNA/CVN

En ce qui concerne la musicologie, on peut dire sans exagérer qu’A Thui est un autodidacte exceptionnel dans cette haute région. Sa maitrise du jeu de gong et ses connaissances en musicologie aidant, il a eu l’initiative d’ouvrir des cours de gongs à l’intention des jeunes locaux. "De nos jours, la plupart des jeunes montagnards ont tendance à suivre la musique moderne. La musique traditionnelle fait donc face au risque de tomber dans l’oubli", explique avec tristesse l’artiste amateur.

Village de tourisme communautaire

En 2017, soutenu par l’administration, A Thui a créé le Club de musique folklorique, le premier dans son genre à Kon Trang Long Loi, dans l’intention de transmettre la connaissance de la musique folklorique ancestrale aux jeunes et d’attiser leur passion pour le gong. "Les débuts ont été difficiles. Je suis allé frapper à la porte de toutes les familles du village, leur expliquant la nécessité de préserver la tradition culturelle de l’ethnie Ro Ngao, car l’amour de la musique traditionnelle est aussi celui de la terre natale".

Petit à petit, patient et dévoué, il a réussi. Les parents ont encouragé leurs enfants à participer au "Club du maître A Thui". À présent, celui-ci rassemble une centaine de personnes : adultes, jeunes et moins jeunes. Les cours de gong, organisés dans la maison du maître, n’ont pas d’heure fixe. Les élèves peuvent apprendre à tout moment, hors des heures de classe ou dans la soirée. Auprès de leur maitre volontaire très dévoué, les futurs joueurs du gong trouvent de plus en plus vivacité et joie dans la pratique de cet instrument de musique ancestral.

A Ty, 14 ans, confie : "Je participe aux cours de musique folklorique depuis cinq ans. Le maître A Thui est bon et consciencieux. Grâce à lui, je peux à présent jouer du gong, et aussi d’autres instruments de musique. Je suis heureux de pouvoir exécuter des airs folkloriques lors des fêtes villageoises et de celles du district".

Aux cours de gong d’A Thui, s’ajoutent des cours de dance xoang et de chant folklorique, animés par sa femme, Y Nhuih, 53 ans, au profit des jeunes filles du village. Au cours de quatre ans d’activités, le Club de musique folklorique du village a rassemblé une centaine de personnes. Le village de Kon Trang Long Loi connait actuellement une animation particulière, agrémentée par les sons du gong et les airs folkloriques de l’ethnie Ro Ngao.

Encore une bonne nouvelle : le village Kon Trang Long Loi est devenu désormais "Village de tourisme communautaire", et le Club d’A Thui est chargé de donner des représentations au service des visiteurs. La décision a été prise en janvier 2021 par la province de Kon Tum.

"D’une pierre deux coups : l’arrivée des touristes permettra aux villageois de préserver dignement leur culture ancestrale, et d’avoir une vie matérielle et spirituelle plus heureuse", affirme avec un sourire l’artiste-artisan A Thui. Il est tout à fait digne du surnom de "Gardien de l’âme du Tây Nguyên" donné par les habitants de Ro Ngao. - CVN/VNA
 
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