À 09h00, il faitdéjà une chaleur étouffante dans le district de Con Cuông où se situe le Parcnational de Pù Mat. La brigade spéciale de secours aux animaux sauvages (BSSAS)se prépare pour une nouvelle patrouille dans le Parc national.
Leur attirail estlourd et encombrant : le dispositif de localisation, la carte du Parc national,une torche électrique, un briquet, des médicaments, des vêtements, des tentes,des hamacs, des casseroles... et bien sûr de quoi se nourrir : du riz, desnouilles instantanées, du poisson séché, de la viande de porc salée…, auxquelsviennent s’ajouter quelques poulets et canards vivants pour améliorer le repas.Tout ce barda constitue une charge de 20 kg sur le dos de chaquepatrouilleur.
Des rondes difficiles
Couvrant unesuperficie naturelle de 95 ha de forêt primitive, le Parc national de Pù Mats’offre comme l’habitat de 132 espèces d’animaux sauvages et de plusieurscentaines d’espèces d’oiseaux et de reptiles, ce qui explique pourquoi ce hautlieu de la nature est devenu une destination convoitée des braconniers. Deschasses illégales s’y déroulent furieusement et sans cesse. La situation étaittellement grave que le Parc national de Pù Mat a décidé de créer, début 2018,une brigade spéciale de secours aux bêtes composée de 15 agents expérimentés,sous les auspices du Centre de protection des animaux sauvages du Vietnam.
"La brigadese divise en sous-groupes, chacun conforté par des agents forestiers du Parcnational de Pù Mat. À raison de six à sept personnes par sous-groupe, lespatrouilleurs font chaque fois une ronde de sept à douze jours, inspectantde fond en comble les forêts profondeset les montagnes accidentées dans le but de traquer les braconniers et sauverles animaux tombés dans les pièges de ces derniers", annonce Lê Tât Thanh,40 ans, chef de la BSSAS.
Selon Thanh, lespatrouilles des "sauveteurs d’animaux sauvages" sont organiséesrégulièrement, à deux ou trois jours d’intervalle seulement. "Lesbraconniers sont de plus en plus rusés et dangereux. Ils suivent notreitinéraire afin de nous esquiver. Il arrive parfois que, pris sur le fait, ilssoient prêts à nous attaquer avec leurs fusils de chasse", raconte-t-il.
En effet,effectuer des patrouilles dans un terrain très accidenté comme celui-ci n’estpas tâche aisée. Avec leur lourd fardeau sur les épaules, les "sauveteursde bêtes" progressent à pied dans la forêt dense durant la journée, ets’arrêtent le soir, au bord d’un ruisseau, pour cuisiner avant de se coucherdans leur hamac. Les nuits à la belle étoile sont marquées par le harcèlementdes moustiques, des sangsues, des serpents et des mille-pattes..., sans oublierles moments où la crue les réveille à brûle-pourpoint.
"Terrains piégés"
Il explique :après avoir tendu leurs pièges, appâts, cages ou collets..., les banditsinstallent de petites baraques près de là, dans lesquelles ils campent durantde longs jours afin de récolter les bêtes. Les animaux piégés ayant une grandevaleur commerciale comme le gibbon, le putois, le pangolin ou encore la tortuesont transportés d’emblée hors de la forêt pour être vendus directement auxtrafiquants.
Les espèces moinsonéreuses comme le sanglier, le cerf-cochon ou le chamois sont abattues surplace et leur viande est fumée pour être conservée.
"Pireencore, les braconniers abandonnent derrière eux des engins meurtriers quicontinuent de piéger d’autres animaux sauvages. À maintes reprises, la brigadedes sauveteurs a eu le malheur d’en trouver déjà morts. D’autres sont àl’agonie, le corps souillé. Le cœur serré, nous administrons les premiers soinsaux bêtes blessées avant de les transporter au Centre de secours du Parc etdébarrasser le terrain des pièges”, confie Thanh. D’un ton attristé, il seremémore le cas atterrant d’un couple de gibbons tués par des braconniers.
Après avoirblessé la femelle au fusil, ils ont pendu la bête sur une branche d’arbre enattendant l’arrivée du mâle désireux de sauver sa femelle. C’est à ce moment-làqu’ils ont ouvert le feu, abattant la seconde bête. "C’est un tristesouvenir qui nous déchire le cœur et nous pousse chaque jour à poursuivre notremission", insiste Thanh.
Fin 2019, aprèsdeux ans de mise en activité, la BSSAS a parcouru de long en large tous lescoins du Parc national de Pù Mat. Avec plusieurs centaines de patrouilles àleur actif sur une superficie de plus de 4.500 km2, les "sauveteurs desbêtes" ont retiré quelque 6.500 pièges, confisqué une cinquantaine defusils de chasse, sauvé des centaines d’animaux pris au piège et détecté unecentaine de carcasses. Plus de 200 braconniers ont été arrêtés et sont passésen justice. Dans une certaine mesure, la présence des bienfaiteurs de la BSSASde Pù Mat rend plus paisible la vie des animaux sauvages.
L’unique brigade spéciale de secours aux animauxsauvages au Vietnam
Créée début 2018et financée par le Centre de protection des animaux sauvages du Vietnam, la brigadespéciale de secours aux animaux sauvages du Parc national de Pù Mat (BSSAS) estunique au Vietnam. Chargée de la mission spéciale de sauver la vie des animauxvictimes de braconniers sans scrupules, elle se compose de 15 agents, tousdiplômés en sylviculture. "Nous avons passé un dur examen de sélectionparmi 170 candidats, avant d’être formés professionnellement au Parc de Pù Mat.C’est un métier difficile qui exige non seulement une bonne santé, une formephysique et un parfait savoir-faire professionnel, mais aussi un dévouementpour le travail et un amour infini pour les animaux sauvages", confie LêTât Thanh, chef de la BSSAS.-CVN/VNA