«La presse est devenueune arme efficace sur le front de la lutte politique», a remarqué legénéral Vo Nguyên Giap. Dans sa jeunesse, avant de s’illustrer sur leschamps de bataille, il utilise souvent la plume comme arme de combat,politique celle-là. À l'occasion du 103e anniversaire de naissance dugénéral (25/8/1911), nous vous présentons la brillante carrière d'unjournaliste révolutionnaire talentueux.
En 1994, àl’occasion du 40e anniversaire de la victoire du bataille de Diên BiênPhu, grâce à Dô Phuong, directeur général adjoint de l’AgenceVietnamienne d’Information de l’époque, nous avons pu rendre visite augénéral Vo Nguyên Giap chez lui, au 30, rue Hoàng Diêu, Hanoi.
Cepersonnage légendaire de l’Armée populaire du Vietnam nous a accueillisdans son salon où trônent sur les murs beaucoup des drapeaux, depanneaux de toile et de photos. Devant nous, un hôte accueillant, amicalet prêt à répondre à toutes nos questions, notamment sur ses activitésdans la presse. Le général Giap nous dit avec un sourire : «La presseest une arme bien efficace sur le front de la lutte politique».
La passion de l’écriture
Lorsde la rencontre, le général Vo Nguyên Giap a affirmé que la pressedevait contribuer activement aux percées nationales dans l’économie etl’édification nationale. Il encourageait les initiatives pour avoird’autres «victoires de Diên Biên Phu» en cette période de paix.
VoNguyên Giap a écrit son premier article de presse lorsqu’il était aucollège Quôc Hoc de Huê. Avec le titre À bas le tyranneau de Quôc hoc !,ce texte en français s’inscrit dans le cadre du mouvement de demande delibération du patriote Phan Bôi Châu et en mémoire du patriote Phan ChuTrinh. Il a été publié à Saigon (Hô Chi Minh-Ville actuelle) dans lejournal Annam de l’avocat Phan Van Tri.
Un peu plus tard,Vo Nguyên Giap a écrit des articles sous le nom de plume de Hai Thanhpour le journal Tiêng Dân (La voix du Peuple) du rédacteur en chef HuynhThuc Khang. Cette période-là, il l’a considérée comme «l’épisoded’apprentissage de la carrière de journaliste» car il a écrit denombreux articles, de toutes sortes, dont des dissertations sur lemarxisme faciles à comprendre pour le grand public. Ses articles ont étésurveillés par les agents français de la sûreté et... censurés àl’occasion.
Le Front populaire fut la période la plusanimée de la presse révolutionnaire de Vo Nguyên Giap, qui écrivait sousle nom de plume de Vân Dinh. La création d’un journal en vietnamiennécessitait des formalités très compliquées, édictées parl’administration coloniale, et il fallait attendre longtemps. Le journalHôn tre (Âme de jeunesse) du mouvement scout, en raison de pertesfinancières, a dû suspendre la publication et le responsable du journalétait prêt à en concéder les droits.
Vo Nguyên Giap décidaavec son camarade Dang Thai Mai (1902-1984) et d’autres enseignants del’école Thang Long de se cotiser en vue de faire revivre le journal,mais avec un contenu différent. Le 6 juin 1936 parut le nouveau journalHôn Tre, premier journal en vietnamien militant officiellement pour ladémocratie, l’amnistie des détenus politiques, le soutien au Frontpopulaire français et le rassemblement des souhaits des différentescouches sociales en vue de les rapporter à la délégation d’investigationdu gouvernement du Front populaire français, conduite par le déléguéJustin Godart, qui allait arriver en Indochine.
Le Travail, journal créé par Vo Nguyên Giap et Nguyên Thê Ruc, paraît pour la première fois en septembre 1936
Àl’époque, la publication d’un journal en français était bien plus facileque celle d’un journal en vietnamien. Conscient de cela, M. Giap acollaboré avec Nguyên Thê Ruc, membre du Parti communiste français,étudiant de l’Université de l’Orient de l’Internationale communiste,pour publier le journal Le Travail le 16 septembre 1936. Mais, cejournal n’a existé que sept mois avant d’être fermé par l’administrationcoloniale française. Dans ce journal, Vo Nguyên Giap était la plumeprincipale et couvrait notamment les activités de lutte des paysans etouvriers. Par exemple, il a suivi de près les grèves des mineurs à CâmPha.
M. Giap a participé au Comité de mouvementrévolutionnaire semi-officiel créé par le Parti communiste d’Indochine.Ce comité s’intéressait particulièrement aux activités de la presserévolutionnaire. Une série de journaux en français et en vietnamienparaissaient officiellement. Si l’un était interdit, l’autre prenait larelève. Les journaux en français étaient Rassemblement, En avant, Notrevoix ; les publications en vietnamien : Thê gioi (Monde), Doi nay (Denos jours), Tin tuc (Informations), Ngày moi (Nouvelle journée)... VoNguyên Giap écrivait principalement pour les journaux en français, maiségalement pour des papiers en vietnamien.
Combattre, plume à la main
En1937, Vo Nguyên Giap participa au mouvement de lutte pour la libertéd’expression. Il se vit confier par le Comité de mouvementrévolutionnaire semi-officiel la tâche d’organiser la conférence desjournalistes du Nord et de fonder l’Association amicale des journalistesdu Nord. La première conférence des journalistes du Nord se tint le 24avril 1937 à Hanoi. Les conférenciers élurent Vo Nguyên Giap présidentdu Comité de presse. Dans le travail de journalisme, il participa àpresque toutes les étapes du métier, de l’écriture des éditos, articles,enquêtes, reportages... au travail de rédacteur, en passant par lestravaux de secrétaire de rédaction, de maquettiste, de correcteur etmême de personne chargée de la diffusion. Selon Vo Nguyên Giap, «lacarrière du journaliste est un art très intéressant». Après qu’il estdevenu militaire, il a toujours considéré l’écriture d’articles depresse comme une bataille à part entière.
Lors de la 8econférence du Comité central du Parti communiste indochinois, lePrésident Hô Chi Minh a décidé de créer la Ligue pour l’Indépendance duVietnam. De là est né le journal Viêt Nam Dôc Lâp (Vietnam indépendant)où Vo Nguyên Giap a été chargé d’écrire certains articles importants. LePrésident Hô Chi Minh a toujours mis l’accent sur la nécessité d’uneécriture aisée à comprendre, au style concis. Pas forcément la plusfacile, loin de là, selon le général Giap...
Au cours desdeux guerres successives contre les envahisseurs français et américains,en tant que commandant en chef général, commissaire politique général,secrétaire de l’Organisation du Parti dans l’armée, Vo Nguyên Giap asouvent rédigé des articles pour les journaux du Parti, du Front, descollectivités comme Co giai phong (Drapeau de libération), Cuu Quôc (leSalut national), Sao Vàng (Étoile d’or). Il a accordé une grandeattention aux activités de presse au sein des forces armées populaires.Bien que le général ait aujourd’hui disparu, son exemple continuerad’éclairer les générations futures. -VNA