Dans le district de Dông Giang, province de Quang Nam, Y Kông - patriarche du village de Tông Coi - est connu comme le loup blanc. Un sage qui se consacre corps et âme à la préservation du patrimoine culturel de l’ethnie Co Tu.
Comme tant d’autres ethnies minoritaires vietnamiennes, l’ethnie Co Tu, que l’on trouve dans les montagnes du Centre, a son patrimoine culturel et ses coutumes ancestrales. Une culture multi facettes qui mérite que l’on s’y attarde.
Le village de Tông Coi est niché au coeur d’une région montagneuse, à 130 km de la ville de Dà Nang (Centre). Il fait beau en ce jour d’automne. L’atmosphère est animée par les sons trépidants des tambours. Devant la nhà rông (maison communale du village), les villageois sont rassemblés en cercle, sautillant au rythme d’airs folkloriques que l’on exécute habituellement lors de la fête de sacrifice du buffle.
Au milieu de ce cercle humain enthousiaste, un vieux à longue barbiche et à costume traditionnel s’adonne passionnément à une danse typique de son ethnie, une corne de buffle à la main. C’est Y Kông, patriarche du village.
Une nhà rông pas comme les autres
Apercevant des visiteurs, le vieux confie son accessoire de danse à une autre personne âgée, sort du cercle et vient saluer avec un large sourire.
L’accueil chaleureux se déroule ensuite sous le toit de la nhà rông qui, loin d’être monumentale comme celle d’autres localités, n’est qu’une modeste construction sur pilotis couverte de feuilles de palmier. «C’est aujourd’hui une journée faste dont nous profitons pour reproduire un trait original de la culture Co Tu», s’enthousiasme-t-il. La tradition de l’ethnie veut que la fête de sacrifice du buffle et d’accueil du riz nouveau se produit tous les ans, exactement au 8e mois lunaire. «Mais de nos jours, tout cela est menacé de disparition parce que les jeunes ne s’intéressent plus guère à la culture traditionnelle. En voyant cette coutume péricliter, j’ai voulu la reconstituer de temps en temps dans l’espoir que les Co Tu, surtout nos jeunes, continuent à la pratiquer», confie-t-il.
La nha rông du village de Tông Coi abrite d’anciens objets, pour certains séculaires. Les plus vieux sont l’«arbalète magique», des dàn da (lithophone en pierre) et une dizaine d’ensembles de gongs de diverses tailles. «Ces objets d’une valeur inestimable font partie du trésor culturel Co Tu», insiste Y Kông. C’est lui qui les a rassemblés ici «afin de les transmettre aux générations futures», selon ses termes.
Au plafond, sont suspendus plusieurs squelettes d’animaux. «Voila des trophées de nos chasseurs aïeux qui les ont tous tués avec l’arbalète magique», vante le patriarche. Selon lui, cette fameuse arbalète a accompagné les guérilleros Co Tu durant les deux résistances nationales contre les agresseurs français (1945 - 1954) puis américains (1954 - 1975). L’arbalète magique a souvent eu droit aux honneurs lors des événements communautaires, des réunions et autres réjouissances villageoises. L’occasion pour le vieux patriarche, portant l’arbalète en bandoulière, de conter aux villageois, aux jeunes surtout, des légendes sur cette arme magique.
Fabriquer son propre cercueil
Y Kông est un des rares habitants du village, peut-être même le seul, à préparer ses funérailles. Il y a un an, il a façonné lui-même son futur cercueil. Un travail méticuleux qui lui a coûté cinq mois de travail. Orné de multiples sculptures, le cercueil a une forme bizarre, et fait penser à quelque animal légendaire à corps de dragon et tête de buffle. «Toute ma vie, je l’ai consacrée à ma communauté. Maintenant que le grand départ approche, je veux faire quelque chose pour moi-même», confie-t-il. Selon lui, son cercueil a la forme de ceux des Co Tu d’autrefois. «J’ai voulu évoquer et faire revivre un trait culturel original de nos ancêtres».
Mais ce n’est pas tout. Tout récemment, Y Kông a construit, pour lui également, une «nhà mô», littéralement «cabane funèbre» (sorte de cénotaphe), qu’il a conçue aussi lui-même. Là aussi un modèle traditionnel des Co Tu, doté d’un toit triangulaire joliment taillé et soutenu par six piliers, plus guère visible dans le paysage local. «Ce modèle tout en bois n’était réservé autrefois qu’aux personnages titrés ou opulents du village», explique le vieux, avec un brin d’orgueil.
Un révolutionnaire persévérant
Originaire de la province de Quang Nam, Y Kông a été un révolutionnaire actif tout au long des résistances contre les agresseurs français puis les américains. Après la guerre, il a été nommé président du district de Dông Giang. Entre 1982 et 2002, il a assumé en plus les postes de président du Comité du Front de la Patrie et de président de l’Association des vétérans de guerre de la commune de Ba. Et d’être élu, à sa retraite, patriarche de son village de Tông Coi. Pour ses contributions admirables à la Patrie, il s’est vu attribuer par l’État plusieurs distinctions honorifiques, telles que Ordre de la Résistance de première classe, Ordre de la Libération nationale de première classe, Ordre de l’Indépendance de 3e classe, insigne des 50 ans membre du Parti communiste du Vietnam. - CVN/VNA