Avec cinq participations aux SEA Games et trois aux ASIAD, Luu Thi Thanh est une figure du sport national, plus particulièrement d’un sport méconnu en Occident : le foot-bag, un sport d’équipe propre à l’Asie du Sud-Est, plutôt acrobatique et spectaculaire, proche du volley-ball mais qui se joue avec les pieds et avec une balle en rotin. 

« C’est un peu le hasard qui m’a conduit au foot-bag. Ce sport m’a procuré des moments extraordinaires que jamais je n’aurai osé rêver. Vraiment, je suis parmi les sportifs les plus chanceux», a confié la reine du foot-bag. Née en 1982 dans la province de Thanh Hoa (Centre), Luu Thi Thanh a montré très tôt des aptitudes pour le foot-bag, plutôt un sport de garçons. 

Quand elle était enfant, la petite Thanh adorait y jouer avec son frère et d’autres garçons du village. Pas étonnant qu’elle ait longtemps été vue comme un « garçon manqué ».

« Comme nous n’avions pas de balle d’osier, nous avions confectionné une balle à partir d’une canette de bière agrémentée d’une touffe de plumes de coq. Et je gagnais souvent la partie », s’enorgueillit Thanh. Lors de ses temps libres, même à l’heure de la récréation, elle s’entraînait. « Pieds nus, je jonglais jusqu’à être en nage. Cela a inquiété mes parents qui ont voulu m’interdire de jouer, de peur que je perte ma féminité et que je devienne impossible à +caser+, s’amuse-t-elle. Mais, j’ai réussi à les persuader avec cet argument massue : je peux m’abstenir de manger, mais pas de jouer au foot-bag !». 

En 1994, représentant son collège au tournoi de foot-bag de la province de Thanh Hoa, le « garçon manqué » de 12 ans a empoché le 2 e prix. « C’était la première fois que je participais à un match devant un public. Quel bonheur d’enfiler pour la première fois une paire de chaussures de sport, de jouer avec une vraie balle d’osier et sur un vrai terrain !». Son destin a basculé dès après cet événement : Thanh a été recrutée pour la sélection provinciale de foot-bag ; et deux ans plus tard, pour la sélection nationale. Elle avait alors seulement 14 ans. 

Une collection de médailles impressionnante 

La passion et le talent aidant, Luu Thi Thanh s’est couverte de gloire seulement un an après, à l’âge de 15 ans, lorsqu’elle a figuré, pour la première fois dans la sélection nationale pour les Jeux d’Asie du Sud-Est (24es SEA Games), organisés en Indonésie en 2007.

Et depuis, elle n’a manqué aucun événement sportif important de la région, participant cinq fois aux SEA Games (tenus tous les deux ans) et trois fois aux ASIAD (Jeux de l’Asie, tous les quatre ans). Sans oublier des compétitions internationales et régionales. 

Sa collection de médailles est révélatrice : médailles d’or aux SEA Games 2003 et aux ASIAD 2006; dix médailles d’or à des compétitions internationales ; deux médailles d’or à des compétitions asiatiques. 

Après la victoire (deux médailles d’or et une d’argent) de l’équipe nationale (dont elle était le pilier) aux ASIAD 2006, Luu Thi Thanh a reçu le titre de «Sportive de l’année». Elle est surnommée depuis «La femme en or du sport vietnamien». De plus, elle s’est vue offrir par le Président de la République l’Ordre du travail de 2 e classe. 

« Le succès, ça ne vient pas tout cuit. J’ai dû traverser pas mal d’épreuves et m’entraîner sans relâche pour atteindre le très haut niveau, sans parler des sacrifices que j’ai dû faire », confie Luu Thi Thanh. Après les ASIAD 2010 organisés en Chine, elle s’est retirée du circuit pour se consacrer entièrement à sa petite famille. 

Dauphine des «Femmes du XXI e siècle» 

Mariée en 2006, Luu Thi Thanh a un garçon de cinq ans. À l’âge de 20 mois, le petit a été envoyé vivre avec ses grands-parents paternels, car la maman était trop prise par ses entraînements. « Quand mon fils a eu deux ans, mon mari a voulu un deuxième enfant. Mais, il a dû s’incliner devant ma volonté de me consacrer à fond à la préparation des ASIAD 2010 en Chine», révèle-t-elle. 

Dernière question avant de prendre congé, peut-être la question qui fâche : on dit que les femmes très sportives manquent de féminité, qu’en pensez-vous ? « C’est un préjugé, répond Thanh avec le sourire.

La meilleure preuve, c’est que j’ai été +dauphine+ du concours télévisé +Les femmes du XXI e siècle + organisé il y a cinq ans par l’Union des femmes du Vietnam ». Enthousiasmée, elle rappelle cet événement mémorable retransmis sur la chaîne VTV3. « Il m’a fallu montrer mes talents dans divers domaines comme la cuisine, la mode, le maquillage, les arts, l’éducation des enfants… Le garçon manqué que j’étais a bel et bien changé !», rit-elle. 

Depuis deux ans, Luu Thi Thanh est entraîneuse de foot-bag au Service de l’éducation physique et des sports de Thanh Hoa, sa ville natale. « Outre le foot-bag, j’ai une second passion : être une bonne épouse et être une bonne mère», affirme-t-elle. – AVI