
«Ces tortues marines viennent d’éclore il y a seulement quelques heures. On dénombrent plus de 400 petits», informe Trân Xa, 60 ans, membre de l’équipe de sauveteurs volontaires des tortues marines de Cù Lao Chàm. À peine atteignent-elles les flots que les petites tortues s’arrêtent. Elles tendent le cou, écoutent le bruit des vagues et du vent, puis pivotent lentement. Ensuite elles s’élancent calmement dans les flots. Tout cela en l’espace de quelques minutes.
«Pour retourner pondre là où elles sont nées, les tortues utilisent les lignes du champ magnétique terrestre pour se repérer», explique le sauveur volontaire. Et d’assurer que «dans 25-35 ans, s’ils survivent, ces petits retourneront juste à l’endroit où ils sont nés pour pondre à leur tour leurs œufs».
Un sanctuaire maritime
Comme l’île de Côn Dao (la «Poulo Condo» des Français du temps de la colonie), l’îlot de Chàm est un sanctuaire pour les tortues marines. Elles peuplent nos océans depuis plus de 150 millions d’années. Elles ont côtoyé les dinosaures et surmonté toutes les crises climatologiques.
Pourtant, aujourd’hui, six des sept espèces vivantes sont considérées comme menacées ou gravement menacées. Les tortues de mer se nourrissent d’algues, de végétaux marins, de crabes, de coquillages, de méduses, de moules et de petits poissons. Si toutes les espèces peuvent vivre en pleine mer, certaines s’éloignent peu des côtes. Certaines parcourent au contraire des distances phénoménales, effectuant de véritables migrations, entre leur source de nourriture et leur lieu de ponte.
La Réserve maritime de Cù Lao Chàm a comme mission principale de les protéger. Nombreux sont les habitants locaux, pêcheurs notamment, qui font partie de l’équipe de sauveurs volontaires. Leur mission est de favoriser le creusement des cavités de ponte par les femelles et de surveiller les œufs enfouis dans le sable, jusqu’à l’éclosion. «Nous avons été envoyés au Parc national de Côn Dao (province de Bà Ria –Vung Tàu) pour apprendre les techniques de soin et de protection des tortues marines», raconte Trân Xa. Et d’insister : «Notre tâche est devenue pressante depuis septembre dernier où un pêcheur a trouvé par hasard une trentaine d’œufs sur la plage».
Cù Lao Chàm comptait auparavant neuf lieux où les tortues venaient nidifier. Ces deux dernières années, une vingtaine de tortues adultes ont été prises dans des filets de pêche alors qu’elles cherchaient de la nourriture dans les récifs coralliens.
Suivi des pontes «importées» de Côn Dao
Les couvées doivent être surveillées jour et nuit. Tous les signes d’évolution des œufs sont notés minutieusement dans un carnet. Selon Trân Xa, «les intempéries sont les phénomènes les plus inquiétants. Les cavités peuvent s’ébouler. Alors, nous nous relayons pour être en permanence sur place pour intervenir si nécessaire». Le moment de l’éclosion est l’instant le plus heureux des sauveurs.
«Les premières couvées venant de Côn Dao ont donné plus de 400 tortues. Dès l’éclosion, elles se mettent à ramper vers la mer», éclaire Trân Xa, ajoutant que les sauveurs les «escortent» lors de leur traversée de la plage où elles sont très vulnérables face aux prédateurs.
Selon Trân Xuân, «le taux de survie des petites tortues n’est que de 1%». D'après les scientifiques, durant ses 25-35 ans de vie, une tortue marine parcourra environ 2.600 km. «Parmi ces 400 petits, combien reviendront à Cu Lao Cham dans l’avenir ?», s’interroge-t-il.
Cù Lao Chàm compte poursuivre ses actions pour permettre aux tortues de reconquérir leurs anciennes zones de nidification sur l’île. «Environ 20 km² de surface maritime ont été confiés au soin de la population locale. La pêche et l’exploitation des produits marins y sont strictement gérées. De plus, une dizaine de plages ont été aménagées, prêtes à accueillir les femelles», informe Lê Vinh Thuân, responsable de la réserve.