Hanoi (VNA) - La musique folklorique a une place importante dans la culture vietnamienne. Pourtant, elle s’efface peu à peu au profit de la musique contemporaine. Reconquérir le public, surtout les jeunes, est la noble et difficile mission des artistes.
Selon les statistiques menées par l’Institut national de musicologie, le Vietnam compte plus de 17.000 chants de musique traditionnelle, dont quasiment 9.000 hérités des 54 ethnies du pays et 75 pièces théâtrales et chansons populaires des agriculteurs du Sud du XVIIIe au XIXe siècles.
Ils sont interprétés par plus de 1.800 artistes et réparties en 1.045 types exécutés vocalement et plus de 800, de manière instrumentale.
La musique contemporaine règne sans partage
Chaque air et instrument a ses propres caractéristiques et illustre les pensées et désirs des habitants. Ils sont un encouragement au travail et à la lutte contre les occupants, et renferment les qualités du peuple vietnamien.
Cependant, le public, et surtout les jeunes, ne porte pas grand intérêt à cet art. Les chansons actuelles s’inspirent de la musique étrangère et les classements prestigieux nationaux sont dominés par cette tendance. On peut citer Co chac yêu là dây (Je crois que je suis amoureux), la dernière chanson composée et interprétée par Son Tùng M-TP qui a compté plus de 12 millions de vues quelques heures seulement après sa mise en ligne. Un chiffre qui fait rêver les compositeurs de musique traditionnelle mais qu’ils ne peuvent atteindre, même en une année entière.
En ce qui concerne les prédilections de l’audience, la situation est “tantôt positive, tantôt négative”. En effet, ces dernières années, de nombreux touristes étrangers se rendent au Vietnam pour assister aux interprétations des artistes de musique folklorique alors que la plupart des Vietnamiens n’en ont cure.
Même situation dans l’enseignement de leur pratique, les maîtres peinant à trouver des élèves. Les jeunes optent majoritairement pour l’apprentissage de la musique moderne.
Il est indéniable, à l’ère de la mondialisation, que la musique folklorique subit l’impact du mécanisme du marché. Le patrimoine musical national continue de faner et son public de diminuer. Ce penchant inquiète ceux qui tiennent à conserver et développer les arts traditionnels tandis que les artistes désespèrent de ne pouvoir vivre de leur passion.
Tradition et modernité s’associent
Selon le compositeur Mai Tuyêt Hoa, connu également pour ses interprétations des airs de xâm (chants des aveugles), la musique traditionnelle se perd au fil du temps. La majorité des jeunes n’ont pas conscience de sa grande valeur et se sont convertis aux musiques commerciales et étrangères.
Pourtant, les airs traditionnels s’introduisent dans la musique contemporaine. L’une des ambassadrices du style, la chanteuse Hoàng Thùy Linh a sorti une série de chansons mettant en scène les personnages de la littérature vietnamienne dans Banh trôi nuoc (Boulettes de riz gluant) inspiré du fameux poème de Hô Xuân Huong (1772-1882) ou encore Dê Mi noi cho mà nghe (Laisse Mi te dire), par exemple. Selon le critique musical Nguyên Thuy Kha, ces initiatives permettent de populariser la culture traditionnelle de manière légère et accessible au public, et permet au jeune public de se rapprocher de la culture folklorique de manière subtile et flexible.
Cependant, cette vague divise l’opinion parmi les professionnels du milieu. Selon certains artistes expérimentés, le mélange des cultures contemporaine et traditionnelle risque de dénaturer cette dernière et lui faire perdre son identité. "Actuellement, certains types de musique folklorique comme le +dân ca quan ho+ (chant alterné), le +hat xoan+ (chant printanier), le +vi dam+ (chants alternés entre hommes et femmes) évoluent pour séduire plus d’auditeurs. Mais de cette façon, l’identité des arts traditionnels devient confuse et floue”, souligne M. Kha.
Ainsi, il faut mettre en place des stratégies pour promouvoir la musique traditionnelle. En réalité, susciter un intérêt pour le style musical traditionnel chez les jeunes n’est pas si difficile mais dépend fortement de la volonté des décideurs culturels en la matière. À l’heure actuelle, les scènes dédiées à la musique traditionnelle se font rares, c’est pourquoi peu de personnes peuvent s’y initier.
Il est d’autre part nécessaire de mettre à l’honneur les œuvres vietnamiennes de qualité et de faire la promotion d’une musique savante afin que de susciter un regain d’intérêt du public pour les arts traditionnels nationaux. -CVN/VNA