Plus qu’un chant rituel, le "then" est un art folklorique emblématique des Tày. On le chante partout : dans les lieux sacrés, en hommage aux ancêtres, mais aussi pour accueillir un hôte de passage. Il existe en fait différentes catégories de "then", dont le "then hoi" des Tày de Binh Lieu, un district de la province de Quang Ninh (Nord).

Nông Thi Sin, aujourd’hui octogénaire, se souvient avec émotion de ses vertes années, de cette époque où elle échangeait des paroles de "then" avec les jeunes gens de son village. Chez les Tày, les jeunes peuvent flirter en toute liberté, le "then hoi" faisant alors office de sérénade. "Quand on veut entrer en relation intime avec quelqu’un, on commence par chanter du then hoi… Et ma foi, plus l’amour grandit, plus on chante ! Normal, les âmes sœurs se comprennent très vite !".

En dialecte Tày, "then" signifie "ciel". Du coup, le "then" passe pour être un chant céleste que les génies auraient appris au commun des mortels. La tradition veut qu’il ne se pratique que lors de grands événements ou lors de rites solennels destinés à invoquer les esprits.

Né il y a des siècles, le "then" se distingue par des paroles riches en images et en métaphores. Selon Ngô Tien Sinh, de Binh Liêu, le "then" est effectivement un poème chanté, particulièrement riche sur le plan de la rhétorique. Il y a d’ailleurs des vers qui restent incompréhensibles tant ils sont chargés d’un sens figuré. Au niveau des chants alternés, il n’y a aucune limite à la créativité. Tout est possible !

Le chanteur de "then" est souvent accompagné d’une sorte de luth à deux cordes qu’on appelle le "tinh", un instrument à caisse ronde et au manche long. Mais dans le cas du "then hoi", le "tinh" est facultatif. Mais pas que le "tinh" : n’importe quel couple peut se constituer pour converser en musique. "Mêmes deux hommes peuvent constituer un couple. Ils chantent à tour de rôle et l’un des deux prend une voix de fausset. Ça ne signifie pas autant que ce sont des homosexuels, d’ailleurs. Si le premier commence par quatre vers, le second doit en faire autant… S’il ne réussit pas à reveler le défi, il doit boire un verre d’alcool", indique Ngô Tien Sinh.

Le "then" résonne souvent lors des cérémonies de mariage : une façon pour les jeunes mariés de remercier leurs parents et leurs familles. Tô Dinh Hieu, un autre Tày de Binh Liêu fait savoir que les deux clans vont choisir deux équipes de chanteurs et de chanteuses. Dès son arrivée, celle de la famille du marié doit entonner un chant pour convier l’autre à entrer dans la maison. Après, il faut encore un autre chant pour demander la main de la mariée.

Créativité, sens de l’improvisation… Eternel et éphémère tout à la fois, le "then" est un art de vivre à part entière, qui ne cesse d’enrichir le trésor culturel des Tày. -VOV/VNA