Après plus d’un siècle passé en France, le pousse-pousse de l’impératrice douairière Tu Minh, mère de l’empereur Thành Thai (1889-1907), est de retour dans sa demeure initiale. Il trône au palais Diên Tho, dans la cité impériale de Huê, province de Thua Thiên-Huê.

La province de Thua Thiên-Huê, avec l’aide de l’ambassade du Vietnam en France et le soutien de la communauté vietnamienne dans ce pays, a réussi à racheter le pousse-pousse de l’impératrice douairière Tu Minh, mère de l’empereur Thành Thai (1889-1907), à la maison de ventes française Rouillac. Il a été acquis lors d’une vente aux enchères, le 13 juin 2014 à Tours, pour 45.000 euros.

Au final, avec les 24% d’impôts, le véhicule a été adjugé à 55.800 euros. La province de Thua Thiên-Huê a participé à l’achat à hauteur de 42.800 euros. Le reste a été financé par des Vietnamiens en France, des individus et des collectivités au Vietnam. La compagnie aérienne Vietnam Airlines a payé 50% des frais de transport.

Ce pousse-pousse, ainsi qu’un lit de camp de l’empereur Thành Thai, que le Vietnam n’a pas réussi à racheter, sont deux anciens objets royaux qui avaient été vendus, en octobre 1907, à Prosper Jourdan, chef de la Garde indigène de l’époque, après la déposition et l’exil de Thành Thai.

Rendre à César ce qui est à César

Le véhicule a été rapatrié le 14 avril dernier à la cité impériale de Huê, accompagné d’un dossier riche de nombreuses informations (correspondances, notes, coupures de presse, photos, factures manuscrites signées par l’empereur, manuscrits de la famille de Prosper Jourdan, etc.). Ce cadeau de l’empereur, offert à sa mère pour qu’elle puisse se promener dans les jardins de la vaste cité impériale, est actuellement exposé au palais Diên Tho, qui était la résidence des reines mères des empereurs des Nguyên (1802-1945).

En lisant le dossier, l’anthropologue vietnamien Buu Y a exprimé sa surprise «quant aux détails sur l’origine et la description de ce pousse-pousse». Le véhicule a été fabriqué en 1890 par les meilleurs artisans d’un village d’incrusteurs de nacre, à Hanoi. La reine mère Tu Minh elle-même a décidé de ses caractéristiques : dimensions (230 cm de long, 136 cm de haut et 102 cm de large), siège, double garde-boue, ornements, etc. D’après les détails du dossier remis à l’acquéreur par la maison de ventes Rouillac, le pousse-pousse, fait en bois dur, est laqué noir et incrusté de nacre aux reflets les plus variés. Au centre du dossier (face extérieure), un bouquet de roses avec une rose épanouie à chaque angle du panneau. Au centre de la traverse d’appui, au-dessus du panneau, un paysage, et aux extrémités de cette traverse une branche incrustée de nacre. Sur les deux panneaux de côté (avant), à l’intérieur, une touffe d’herbe et des plantes sauvages.

Sur la partie supérieure du panneau, se trouve une bande plate en bois ornée de guirlandes de vigne avec, au centre, un écusson incrusté de nacre. Sur le panneau du siège (avant), deux roses de nacre encadrées de moulures et deux fleurs sur la traverse supérieure du siège. Les brancards sont décorés de cercles de métal blanc. La capote, montée sur des tubes de cuivre, ne présente aucune caractéristique particulière. Comme accessoires, deux lanternes, signe de richesse et de modernité de la détentrice du pousse-pousse. Les roues sont cerclées de fer. Sur les garde-boue, on retrouve le même ornement de guirlandes de vigne, avec en leur centre, un écusson. Deux hommes faisaient généralement avancer le pousse-pousse, l’un le tirait, l’autre le poussait. En effet, les routes et chemins étaient souvent boueux ou pentus.

L’histoire a fait que bon nombre d’objets royaux de la dynastie des Nguyên ont été emportés loin du Vietnam. Aujourd’hui, le pays s’efforce de les rapatrier, afin de préserver ses valeurs patrimoniales et culturelles. -CVN/VNA