Hanoi (VNA) – Dans les premières lueurs du matin, les vapeurs s’élèvent des marmites du quartier de Vinh Hung, à Hanoi. C’est là que depuis des générations, des familles perpétuent un art ancestral qui vient d’être consacré: la fabrication de banh cuôn (ravioli en rouleau) de Thanh Tri entre officiellement au patrimoine culturel immatériel national du Vietnam!...
Hoàng Thi Lan étale la pâte d’un geste sûr sur le tissu tendu au-dessus d’une marmite d’eau en ébulition. En quelques secondes, une fine pellicule se forme, qu’elle décolle avec une dextérité impressionnante. Quand les visiteurs viennent de loin, elle raconte avec fierté l’histoire de ce métier familial qui remonte à trois générations.
«J’ai commencé très jeune, vers l’âge de douze ans. Après l’école, je rentrais aider ma mère à moudre la farine avec notre vieux mortier en pierre. C’était comme ça pour toutes les filles du quartier - nous devions toutes apprendre à faire ça. Ma mère m’a tout enseigné par la pratique, et j’ai fait pareil avec mes enfants», explique-t-elle.

Dans la famille de Hoàng Thi Lan, trois générations de femmes se sont transmis ce savoir-faire, mais sans recette écrite ni manuel d’instructions. Tout vient du cœur, de l’expérience et de l’amour qu’elles mettent dans chaque geste...
Si les techniques de base demeurent inchangées, les outils, eux, ont évolué. Fini les marmites en cuivre sur les poêles à charbon d’autrefois. Aujourd’hui, les marmites électriques facilitent le travail, mais l’essence même du métier reste intacte. Les habitantes de Thanh Tri ont aussi adapté leur façon de vendre: autrefois, elles parcouraient les rues de Hanoï avec des paniers susendus à des palanches, puis à vélo, et maintenant elles louent des stands pour préparer leurs banh cuôn directement devant la clientèle.
Ce banh cuôn, que les habitants comparent tendrement à des demi-lunes blanches et lisses, se déclinent en deux variétés principales: le banh cuôn nature, garni d’oignons frits, et le banh cuôn farci de viande. Duong Thi Tuyêt, une autre gardienne de la tradition, partage quelques secrets de fabrication.

«Nos banh cuôn doivent être fins. Avant, on moulait à la main, ce qui donnait un grain irrégulier. Maintenant, les machines nous donnent une pâte parfaitement lisse. Je laisse tremper le riz deux bonnes heures avant de moudre. Ensuite, j’ajoute l’eau petit à petit, avec des glaçons pour refroidir, puis le sel - environ cent grammes pour trois kilos de farine. Le secret, c’est dans l’étalement: il faut que ce soit uniforme, ni trop épais ni trop fin», dit-elle.
La reconnaissance officielle insuffle un nouvel élan à cette tradition. Nguyên Thi Lan Huong, représentante de la jeune génération, voit dans cette distinction une opportunité mais aussi une responsabilité.
«C’est un honneur immense d’être née dans une famille où ce métier se transmet depuis toujours. Je dois sans cesse améliorer ma technique, rendre mes banh cuôn encore plus savoureux. Chaque matin, je me lève en me disant que mes clients méritent mieux que la veille. L’important, c’est qu’ils repartent satisfaits. Maintenant, je rêve de faire connaître notre art plus largement. Avec Internet, Facebook, Zalo, nous pouvons toucher des gens partout dans le monde», confie-t-elle.

Du côté des autorités locales, l’enthousiasme est tout aussi palpable. Quan Thi Vân Anh, vice-présidente du Comité populaire du quartier de Vinh Hung, mesure l’importance de cette consécration.
«Cette inscription au patrimoine national, c’est la preuve que l’État comprend la valeur unique de nos traditions, transmises fidèlement de mère en fille depuis des siècles. Cela valorise tout notre héritage historique et culturel, mais surtout, cela nous donne les moyens d’agir. Nos artisans vont pouvoir bénéficier d’aides publiques, et nous allons pouvoir former les jeunes générations de manière plus structurée. L’avenir nous appartient: nous allons développer un tourisme respectueux de nos traditions, faire connaître notre savoir-faire au monde entier, tout en préservant cette authenticité qui fait notre fierté», indique-t-elle.
Cette reconnaissance s’inscrit dans une longue tradition d’appréciation culturelle. Les banh cuôn de Thanh Tri ont été célébrés par de célèbres écrivains vietnamiens comme Thach Lam, Vu Bang et Tô Hoài. Devenus marque collective en 2015, ils incarnent aujourd’hui un pan essentiel de l’identité culinaire de la capitale vietnamienne. – VOV/VNA