La province de Quang Nam est l’une des 11 provinces du Centre où sepratique le bài choi, une sorte de jeu de bingo vietnamien accompagné dechant et de musique traditionnelle. Et la ville de Hôi An, qui a trèstôt compris l’importance de préserver ce «jeu chanté», mène depuis desannées des activités de promotion et de préservation qui, villetouristique oblige, touchent bien au-delà du simple cercle des initiéset des habitants locaux.
Le Centre municipal de laculture et des sports a mis sur pied un réseau de clubs et troupes debài choi qui donnent des représentations dans la vieille ville (appeléaussi l’ancien quartier). La ville recense sept anciennes troupes de bàichoi, auxquelles se sont adjointes de nouvelles, créées plus récemment.Parmi elles, une trentaine de chanteurs expérimentés, quinquagénaires,qui jouent le rôle de meneurs de jeu (un chanteur-meneur de jeu estconsidéré un peu comme le «chef d’orchestre»).
Chaque15e jour de calendrier lunaire, en soirée, au bord de la rivière Hoài,une dizaine d’artistes donnent des représentations gratuites quis’inscrivent dans le cadre du programme Dêm phô cô (Nuit de l’ancienquartier). Huynh Thi Thuy y participe depuis les premiers jours. Elleconfie : «Nous sommes très fiers de nous produire ici. Les spectaclesattirent de nombreux touristes».
Quand les touristes montent sur scène
Le bài choi étant un jeu, il permet à ceux qui le souhaitent departiciper. Vo Phùng, directeur du Centre de la culture et des sports deHôi An, précise que n’importe qui peut participer aux spectacles. Mêmeles étrangers, en dépit de la barrière culturelle et linguistique. «Pourles touristes étrangers, nous avons des guides chargés del’interprétation. Ils les accompagnent pour expliquer les règles du jeu,traduire les paroles des chants. Certains de nos artistes connaissentaussi des bribes d’anglais et peuvent les guider», explique-t-il.
L’Américaine Kathy Griffin a participé à un spectacle lors de sonrécent passage dans la ville. «J’ai été tout de suite très intéresséepar ces représentations en plein air. Nous, les touristes pouvonsparticiper directement au jeu. Cette expérience m’a permis de toucherl’essence de la culture locale et de vivre un moment fort, inoubliable»,s’enthousiasme-t-elle.
Mais pour vraiment préserver lebài choi, il est nécessaire de le transmettre aux jeunes, sinon cet arts’éteindra avec ses derniers artistes. Pour cela, Hôi An a choisi en2003 une méthode radicale : introduire le bài choi dans les programmesd’enseignement de musique d’une vingtaine d’écoles primaires et decollèges. En outre, le Centre municipal de la culture et des sportsorganise chaque soir des cours pour les enfants de l’ancien quartier,pris en charge par des artistes expérimentés. «La plupart des enfantss’inscrivent d’eux-mêmes et sont très enthousiastes. Chaque cours réunitplus de 20 élèves», informe le directeur du Centre municipal de laculture et des sports, Vo Phùng.
Transmettre le flambeau aux jeunes
M. Phùng avoue cependant que seuls quelques-uns de ces enfantsdeviendront dans le futur des joueurs de bài choi professionnels.L’essentiel selon lui, c’est de «leur transmettre la passion et desconnaissances générales sur cet art». Des talents ont déjà émergé. Parexemple Nguyên Van Vinh Phuc, 9 ans, qui, après seulement trois mois,peut maîtriser 25 airs. Parfois, il se produit au Théâtre municipal desarts traditionnels.
Le bài choi est un art propre à larégion Centre. Outre son intérêt culturel et artistique, il véhicule desvaleurs humaines et éducatives mais aussi patriotiques et civiques.Faire revivre ce «jeu chanté» dans la société actuelle ne sera pas aisé,à l’image de bien d’autres arts traditionnels en perte de vitesse voirecarrément en voie de disparition. Cela passera probablement par unerénovation des méthodes d’interprétation, des airs, etc. pour l’adapter àun public nouveau.
In fine, la jeunesse seule déciderasi oui ou non le bài choi continuera de faire partie de la vie locale,ou s’il deviendra un art muséifié et poussiéreux que l’on ressortira àcertaines occasions, avec nostalgie. -CVN/VNA