Le paysan s’accorde un peu d’allégresse après douze lunes de labeur dansla boue des rizières. L’artisan range ses outils pour savourer unetasse de thé au parfum de jasmin ou de lotus. Le commerçant ferme saboutique pour aller à la pagode. Le lettré fait rimer des vers encontemplant des narcisses «Fées des Eaux». Assis sur une natte, autourd’un plateau, les membres de la famille goûtent à minuit le banh chung(gâteaux de riz gluant, truffés de haricots pilés et de morceaux de porcgras) du Réveillon sous l’œil bienveillant des ancêtres qui, du haut deleur autel, partagent la joie des descendants. Le printemps dit saprésence dans chaque maison avec des fleurs de pêcher roses, de prunierblanc ou des chrysanthèmes blancs ou jaunes, des fruits d’or dekumquats.
Formuler ses meilleurs vœux
LeTêt est avant tout la fête de l’amour, de l’amitié, de la réciprocitédans les sentiments humains les plus beaux. Chacun souhaite à tous, ettous à chacun, ce qu’il y a de meilleur au monde: aux tout petits,qu’ils croissent comme les pousses de bambou; aux jeunes mariés, qu’ilsvivent de longues années au milieu d’une nombreuse descendance. Le Têtest la fête de la concordance et de l’union. La forme des banh chung etdes banh tét (appellation du banh chung dans le Sud) appelle àl’équilibre, à l’harmonie. On évite de se quereller. On prend soin de nepas se dire des choses désagréables. Bref, on frappe d’interdit tout cequi pourrait porter préjudice matériellement ou moralement, à soi et àautrui. Pendant le Têt, on fait tout ce qu’on peut pour se rapprocher,physiquement et spirituellement. C’est l’entière communion des êtres etdes choses.
Le Têt reflète une représentation cosmiquepopulaire humaniste. À l’instant sacré où deux cycles annuels sesuccèdent, il scelle la communion de la Terre nourricière avec le CielProvidence, de l’homme avec les génies tutélaires du foyer, du villageet de la nation, des vivants avec leurs ancêtres. Les multipleslégendes, cérémonies et rites ainsi que les nombreuses réjouissancespopulaires qui accompagnent le Têt sont l’expression de cette communionuniverselle.
Le Têt, fête d’origine agricole, est célébréaprès la principale moisson de riz de l’année, époque où la terre etl’homme peuvent prendre un peu de repos. Avec la mécanisation de lariziculture et la modernisation des mœurs rurales, le Têt a perdubeaucoup de sa saveur et de son charme d’antan. Il n’empêche que l’âmedu Têt demeure, même à l’âge d’internet.
Comment se déroule le Têt ?
Voici quelques images qui dépeignent le déroulement de notre Têt traditionnel :
Pratiquement,les préparatifs du Têt commencent 7 jours à l’avance. Le 23e jour du12e mois lunaire, le Tao Quân (Génie du foyer) de chaque maison monte auCiel pour présenter au Souverain de Jade un rapport détaillé sur laconduite de chacun de ses habitants. Une carpe vivante lui sert demonture pour ce long voyage. À Hanoi, l’approche du Têt donne aux rueset aux marchés un aspect animé et pittoresque. Partout des étalages defleurs, de plantes vertes, de poissons rouges, d’images populaires, devictuailles.
Les ménagères préparent les metstraditionnels, surtout les banh chung. À la campagne, les préparatifss’achèvent par l’élévation dans la cour du Cây nêu (la perche du NouvelAn), qui signale la voie aux esprits des ancêtres revenant passer le Têtavec de leurs descendants. La nuit du Passage à l’An Neuf est occupéepar les visites aux temples et pagodes. On ramène à la maison desrameaux de feuilles vertes, dont les bourgeons constituent autant deporte-bonheur. Le Jour de l’An Neuf, les voies publiques ne se peuplentqu’en fin de matinée. Vêtu de ses plus beaux habits, on va visiterparents et amis. Autrefois, les enfants se livraient à leur jeu favori,le tir de pétards. Le 4e jour, on offre le repas d’adieu aux ancêtres.
Mais l’esprit du Têt ne s’éteint pas pour autant. Il imprègne encoreles grandes fêtes de printemps qui, à la campagne, s’échelonnent sur lestrois premières lunes de l’année. -VNA