Hanoï (VNA) - Plus d’une décennie après que la Citadelle impériale de Thang Long a été reconnue patrimoine mondial de l’UNESCO, pour la première fois, des scientifiques vietnamiens ont réussi à modéliser en 3D le Palais royal de la dynastie des Lý.
Édifiée au XIe siècle, la Cité impériale de Thang Long fut le lieu du pouvoir politique régional de manière continue à travers les règnes des dynasties royales des Lý, des Trân et des Lê postérieurs (XIe-XVIIIe siècles).
Ainsi, ce vaste ensemble de plus de 18 ha reflète la longévité et la continuité de l’exercice du pouvoir ainsi qu’entre les dynasties dans l’histoire de la construction de la capitale Thang Long, dont témoignent les différents niveaux archéologiques et les monuments.
Fort de ses valeurs tant culturelle, historique qu’archéologique, le secteur central de cette cité, la partie la plus essentielle et la mieux préservée de l’ensemble, a été inscrit le 31 juillet 2010 sur la Liste du patrimoine mondial par l’UNESCO.
Depuis, les scientifiques vietnamiens n’ont de cesse de travailler à la restauration et vont même jusqu’à modéliser en 3D ce Palais royal de la dynastie des Lý (1010-1225), permettant de nous plonger dans l’âge d’or de l’histoire nationale.
À l’occasion du 10e anniversaire de sa fondation (2011-2021), l’Institut d’études de la Citadelle impériale (Institute of imperial citadel studies - IICS), relevant de l’Académie vietnamienne des sciences sociales, a rendu publiques ses réalisations dans les recherches et le décryptage des mystères de la forme architecturale du Palais royal de Thang Long de la dynastie des Lý (actuelle Citadelle impériale de Thang Long), situé dans la rue Hoàng Diêu, à Hanoï.
Pour la première fois après plus de mille ans, et grâce à la technologie 3D, les images de son architecture ont été reproduites, comblant ainsi les dix siècles nous séparant de son âge d’or. Cette prouesse technologique permet au public d’appréhender toute la splendeur de ce palais somptueux, rendant justice aux techniques utilisées par nos brillants ancêtres.
"Les images montrent son ampleur et sa magnificence étonnantes, démontrant le fort développement culturel ainsi que le niveau élevé des techniques de construction et de planification qui ont surpris les chercheurs, faisant la fierté de la nation et de la culture vietnamiennes", souligne un membre de l’IICS.
Đấu et củng ou piédestal et bras de support, clés de la restauration
Lors des fouilles archéologiques de la Cité impériale de Thang Long effectuées depuis 2002, les experts ont trouvé les traces de 53 fondations architecturales, de 7 fondations murales et de 6 puits. Les vestiges ont montré que le Palais royal de Thang Long était construit en bois, aux toits de tuiles soigneusement élaborés.
Cependant, l’ensemble de son architecture demeure un secret. Son décodage et sa restitution sont un défi pour les chercheurs, car les anciennes techniques architecturales utilisées sous les dynasties des Lý, Trân et Lê n’ont pas été transmises aux générations ultérieures.
Les données historiques sur ces périodes n’ont pas suffi aux archéologues pour reconstituer complètement la structure du palais, comme cela a été le cas pour la Cité interdite (bâtie entre 1406 et 1420) à Pékin (Chine), le Palais de Changdeokgung ou Palais de la Prospérité (construit entre 1392 et 1897) à Séoul (République de Corée), ou le Palais Heijō (710-784 AD) à Nara (Japon)...
C’est ainsi qu’en 2011, l’IICS a commencé à étudier la modélisation tridimensionnelle du Palais impérial de Thang Long sous la dynastie des Lý en s’appuyant sur les découvertes archéologiques, les archives historiques et les documents de référence concernant les architectures d’anciens palais en Chine, au Japon et en République de Corée.
"La plus importante découverte réside dans le système de +đấu+ et +củng+ : les supports du toit en bois", informe le maître de conférences Bùi Minh Tri, directeur de l’IICS. Il s’agit d’une structure composée de deux parties : le đấu, qui est le piédestal, et le củng, le coude angulaire ou bras de support.
Les đấu et củng superposés servaient non seulement à supporter les toits, mais permettaient aussi d’augmenter leur hauteur et de les faire ressortir. "Cette découverte d’une grande importance permet aux scientifiques de mieux comprendre l’architecture et les techniques de construction du palais mises en œuvre durant la dynastie des Lý", indique Bùi Minh Tri.
L’impressionnant palais somptueux se révèle en 3D
Jusqu’à présent, 64 ouvrages, 38 édifices et couloirs, 26 tours hexagonales ainsi que les murs, allées et portes d’entrée ont été montés avec succès en 3D. D’après M. Tri, c’est un complexe architectural de palais scientifiquement planifié.
"Le Palais royal de la dynastie des Lý a été magnifiquement construit avec de grandes structures en bois, n’ayant rien à envier aux palais célèbres en Asie", estime-t-il.
La structure en bois située au sud de la zone A s’étend sur une superficie de plus de 2.280 m², mesurant 38 m de largeur et 60 m de longueur. Selon le directeur de l’IICS, cet ouvrage est légèrement plus petit que le Tōdai-ji (grand temple de l’Est) situé à Nara, au Japon, abritant notamment le bâtiment Daibutsu-den, connue pour être la plus grande construction en bois du monde, avec 2.850 m².
En particulier, la dynastie des Lý a construit un système original de tours hexagonales, situées devant le palais au nord, et une grande tour octogonale, similaire à la tour Sakyamuni de la dynastie Song (960-1279) en Chine.
Les rois Lý construisirent le palais à leur manière, distingué notamment par ses toitures décorées de tuiles yin-yang (selon les règles du feng-shui) et de tuiles tubulaires gravées de la feuille de Bodhi. Les murs de clôture étaient, quant à eux, couverts de tuiles faîtières ou enfaîteaux agrémentés de bas-reliefs représentant dragons et phénix. "C’était différent des palais en Chine, au Japon et en République de Corée", affirme M. Tri.
Dans les temps à venir, l’Institut continuera le décodage des détails spécifiques du palais tels que les fonctions des édifices, le réseau d’évacuation des eaux, les allées...
M. Tri espère que le décryptage et la modélisation tridimensionnelle seront tous terminés au cours de ces cinq prochaines années. "Après cela, nous continuerons à déchiffrer et à restituer des structures impériales de l’époque de Ðai La (VIIIe-IXe siècles) et des dynasties ultérieures comme celles des Ðinh (968-980), des Lê antérieurs (980-1009) et des Trân (1225-1400), notamment l’architecture du palais Kính Thiên - le sanctuaire de la Cité interdite de Thang Long au début du règne des Lê (XVe siècle)", ajoute M. Tri.
Se représenter le passé pour mieux le comprendre
Construite au XIe siècle par la dynastie des Lý sur les vestiges d’une citadelle remontant au VIIe siècle, la Cité impériale de Thang Long est un complexe de bâtiments et de vestiges enfouis liés à l’histoire de la capitale vietnamienne à travers différentes dynasties féodales.
En décembre 2002, des experts ont réalisé des fouilles sur une superficie totale de 19.000 m² au 18 rue Hoàng Diêu à Ba Ðình - le centre politique du pays. Cette plus grande fouille archéologique au Vietnam et en Asie du Sud-Est a révélé des traces de la Cité impériale de Thang Long avec différents niveaux archéologiques et monuments culturels superposés. Cela marque leur continuité sur près de 13 siècles, depuis la domination chinoise des Sui et Tang (VIIe au IXe siècle) jusqu’aux dynasties vietnamiennes des Lý, Trân, Lê, Mac et Nguyên (1010-1945).
Les découvertes archéologiques ont non seulement permis de faire renaître un site remarquable mais également d’en apprendre davantage sur la façon de vivre de l’époque. Ainsi, il faut voir ces vestiges comme autant de témoignages du passé, sous forme d’éléments hydrauliques, de voies de circulation ou de mobilier antique.
Le 31 juillet 2020, le secteur central de la Cité impériale de Thang Long a été inscrit sur la Liste du patrimoine mondial par l’UNESCO. Depuis, ce site est devenu incontournable pour les archéologues, les historiens ainsi que les touristes.
La représentation en 3D des structures architecturales de la dynastie des Lý permettra de promouvoir l’image et la valeur de ce patrimoine mondial, nous offrant une belle promesse, celle de pouvoir, dans un futur proche, voyager plus facilement dans le temps ! -CVN/VNA