Hanoi (VNA) – Dès la réunification du pays, de nombreux chercheurs étudiant l’espace culturel vietnamien ont accordé une attention particulière à la répartition du territoire en régions culturelles d’un Vietnam unifié.
Ce découpage a permis de préserver l’unité de l’identité nationale tout en mettant en valeur la richesse et la singularité des cultures régionales, formant ainsi un courant culturel ininterrompu à travers le temps.
Un courant culturel spécial
Dans son travail de définition de l’espace et des formes culturelles du Vietnam, le professeur, académicien et docteur ès sciences Trân Ngoc Thêm a identifié que les caractéristiques géographiques et climatiques du Vietnam ont trois caractéristiques fondamentales :
1. Le Vietnam est situé dans la région de la mousson tropicale avec des précipitations annuelles moyennes parmi les plus élevées au monde.
2. Le Vietnam est une région fluviale – et c’est une constante géographique importante de la culture du riz en terrain inondé.
3. Le Vietnam se trouve à la croisée des grands courants de culture et de civilisation, un point de convergence qui a nourri sa richesse culturelle au fil des siècles.
En raison de sa position géographique particulière, le Vietnam est un lieu de convergence de toutes les caractéristiques de la culture de l'Asie du Sud-Est.
C'est pourquoi, de nombreux chercheurs en études sud-est asiatiques ont comparé le Vietnam à une Asie du Sud-Est miniature.
Ainsi, l'unité liée à une origine commune sud-est asiatique a créé l'identité commune de la culture vietnamienne, tandis que la diversité des conditions naturelles et des 54 groupes ethniques vivant ensemble sur le territoire du Vietnam a façonné les caractéristiques uniques de chaque région culturelle au sein de l’espace culturel vietnamien.
Lorsque les colonialistes français ont envahi le Vietnam et en ont fait une colonie, ils ont très bien compris l'unité dans la diversité de l'espace culturel du Vietnam, de la forme en S de la géographie et de la culture du pays. Ils ont ainsi mené, de manière acharnée et systématique, la répartition du territoire en régions culturelles.

Dans le but de renforcer leur domination, les autorités coloniales françaises ont appliqué la stratégie politique du « diviser pour régner », en divisant l'espace culturel du Vietnam en trois régions : Tonkin (Bắc Kỳ), Annam (Trung Kỳ) et Cochinchine (Nam Kỳ), chaque région étant administrée de manière séparée et indépendante.
Après la victoire éclatante de Diên Biên Phu en 1954, la paix fut rétablie dans le Nord du Vietnam. L’espace culturel vietnamien fut temporairement divisé en deux régions jusqu’au 30 avril 1975.
Dès la réunification du pays, de nombreux chercheurs étudiant l’espace culturel vietnamien se sont particulièrement intéressés à la division du Vietnam unifié en régions culturelles.
Différents chercheurs ont proposé des classifications variées : Ngô Duc Thinh (1993) a distingué sept régions, Huynh Khai Vinh (1995) en a identifié huit, Dinh Gia Khanh (1995) en a proposé neuf, tandis que Trân Quôc Vuong (1997) en a retenu six. Parmi ces classifications, celle de Trân Quôc Vuong, divisant le pays en six régions culturelles – Nord-Ouest, Việt Bắc, Plaine du Nord, Centre, Sud et Hauts Plateaux du Centre – a été considérée comme la plus objective et la plus rationnelle.
Elle a été adoptée de manière uniforme dans le manuel « Fondements de la culture vietnamienne » utilisé dans l’enseignement universitaire au Vietnam, ainsi que dans la vie pratique pour le développement de la société vietnamienne contemporaine.
Cependant, Trân Ngoc Thêm, auteur de l’ouvrage « Fondements de la culture vietnamienne » (réédité avec des ajouts et corrections en 2021), a proposé une nouvelle approche en divisant le Vietnam en trois grandes régions comprenant huit sous-régions culturelles. Selon Trân Ngoc Thêm, cette méthode est la plus scientifique et rationnelle.
Ainsi, la région du Nord (Bắc Bộ) comprend trois sous-régions culturelles : Nord-Ouest, Việt Bắc et Plaine du Nord.

La région du Centre (Trung Bộ) est également divisée en trois sous-régions : Nord-Centre, Côte du Sud-Centre et Hauts Plateaux. Enfin, la région du Sud (Nam Bộ) se compose de deux sous-régions : Sud-Est et Sud-Ouest.
Cette classification de Trân Ngoc Thêm s’appuie, en réalité, sur une division culturelle en trois grandes régions héritée de l’époque coloniale française.
Ainsi, après le 30 avril 1975, date historique, les divisions culturelles proposées par les chercheurs vietnamiens ont été appliquées et intégrées dans la vie culturelle de la société vietnamienne moderne.
Comme nous l’avons constaté et expérimenté, le découpage en zones culturelles a permis d’assurer l’unité dans la diversité de l’identité de l’espace culturel national, tout en conservant la richesse et l’originalité de chaque région culturelle, créant ainsi un courant ininterrompu à travers le temps. Jusqu’à présent, si l’on compte à partir du 30 avril 1975, ce courant a déjà un demi-siècle d’existence, marqué par de nombreuses vicissitudes, mais évoluant dans une direction globalement positive et ascendante.
Une puissante source de dynamisme pour le développement
Dans l’espace culturel vietnamien, les régions culturelles constituent différentes composantes d’une même unité spatiale et de l’intégrité territoriale.
C’est sur cette base que la politique de préservation et de valorisation de la culture nationale est restée constante, conduite par le Parti communiste du Vietnam, en respectant et en valorisant les spécificités culturelles de chaque région.

Grâce à des politiques appliquées de manière cohérente à l’échelle nationale, de nombreuses valeurs culturelles uniques ont pu être conservées, protégées et mises en valeur. Plusieurs d’entre elles ont depuis été reconnues et honorées par l’UNESCO.
Le caractère exceptionnel des patrimoines culturels, replacé dans leur contexte géoculturel, est également un élément pris en compte par l’UNESCO. Par exemple, le « Đờn ca tài tử du Sud » (musique et chant des amateurs talentueux) est une spécialité artistique de la région culturelle du Sud-Ouest, qui a évolué au fil de plusieurs siècles pour donner naissance au théâtre rénové « cải lương » du Sud.
L’art du chèo, théâtre populaire joué dans les cours de maison communale, a pour origine une tradition millénaire propre à la région culturelle du Nord. Quant au tuồng (théâtre classique), bien qu’inspiré à l’origine de l’opéra chinois, il a été profondément vietnamisé, donnant naissance à trois formes distinctes : tuồng du Nord, du Centre et du Sud, chacune portant les couleurs artistiques propres à sa région.
Depuis des milliers d’années, dans l’ancienne région culturelle de Kinh Bac, les chants quan họ de Bac Ninh sont devenus un patrimoine culturel immatériel de l’art folklorique vietnamien, avec un festival de chant quan họ (chant alterné) organisé chaque printemps – la saison des plus grandes fêtes de la culture agricole traditionnelle vietnamienne.
Le dernier événement culturel et artistique de la région de Kinh Bac est particulièrement unique : la vidéo « Bắc Bling » de la jeune artiste Hoa Minzy, qui a atteint 107 millions de vues en seulement 30 jours, a véritablement provoqué un choc sur le marché de la musique vietnamienne et dans le divertissement musical mondial.

« Bắc Bling » est un phénomène artistique inattendu qui brille à la fois dans les valeurs culturelles matérielles et spirituelles d'une région culturelle traditionnelle vietnamienne, composé et interprété par une artiste très jeune et moderne : Hoa Minzy, une chanteuse qui aime de tout cœur sa patrie Kinh Bac, avec ses valeurs culturelles traditionnelles uniques, qui ont été mélangées avec avec la musique moderne occidentale.
Le clip vidéo « Bắc Bling » a prouvé que les spécialités artistiques d'une région culturelle vietnamienne peuvent se combiner harmonieusement avec les spécialités de la musique et de la culture occidentales modernes, pour donner une œuvre contemporaine, à la fois globalement et largement, dans la profondeur de la culture traditionnelle et dans la globalité de la culture moderne, ravissant les mélomanes du pays et de l'étranger.
Cela prouve également qu’il s’agit d’un flux spécial et ininterrompu d’art culturel et artistique qui traverse le temps et l’espace de la culture vietnamienne, contenant à la fois la beauté traditionnelle du passé et la beauté du monde moderne.
Ce flux est devenu une force motrice culturelle puissante pour le développement de l’art et de la culture vietnamiens modernes.
Le maintien et la promotion continuellement l'identité nationale dans la culture régionale, la diffusion de cet esprit dans le contexte commun de la culture vietnamienne moderne et de la culture mondiale, afin de lutter contre la dissolution dans l'intégration, est peut-être la plus grande leçon de la théorie culturelle et de la pratique culturelle, tirée de la question de l'unification et de l'intégrité territoriale du Vietnam, après l'événement historique du 30 avril 1975. – NDEL/VNA