Eilen Vo, une passerelle États-Unis – Vietnam
Eilen Vo
est en doctorat d’études asiatiques à l’Université de Cornell, lthaca,
New York. Six ans se sont écoulés depuis son premier voyage humanitaire
au Vietnam avec des étudiants américains, en tant que guide et
«passerelle culturelle».
«C’est là ma Patrie»
Au
milieu du mois d’août dans la chaleur suffocante du Centre, nous avons
rencontré Eilen qui est en train de transporter des pierres avec des
lycéens américains. Mission : construire des habitations en faveur de
familles pauvres des communes de Phô Thanh et Phô Châu (ville de Quang
Ngai, Centre). Comme Eilen parle couramment anglais et vietnamien, on
peut aisément la prendre pour une Vietnamienne du cru. À l’issue d’une
journée harassante entre travail et encadrement des deux groupes de
lycéens, Eilen s’occupe encore de la cuisine et d’autres questions
d’intendance. «Comme la nourriture d’ici leur convient guère, je dois
l’adapter à leurs habitudes de consommation», explique-t-elle en
souriant.
Eilen est née il y a 21 ans dans la commune de
Phô Thanh, district de Duc Phô. Comme elle n’y est restée que jusqu’à
l’âge de 4 ans, elle ne se souvient pas de grand chose, excepté des
rangées d’arbres le long d’une plage immense, les jeux en bord de mer
les après-midi où ses parents tiraient leurs filets de pêche. En 1987,
sa famille émigre aux États-Unis. Ce n’est qu’à l’âge de 21 ans qu’elle
revient dans son pays natal pour fêter le Têt. Elle est bouleversée par
ce retour, surtout en constatant que sa terre natale était encore très
pauvre. Elle nourrit alors l’espoir d’y revenir pour réaliser quelque
chose de concret en faveur des habitants. «À partir de ce retour, je
n’ai cessé de penser à mon pays d’enfance et aux moyens d’aider mes
compatriotes dans le besoin», confie-t-elle.
Une passerelle entre États-Unis et Vietnam
Le
vœu d’Eilen a été exaucé en 2008. Les organisations caritatives
américaines, qui réussissent à attirer beaucoup de jeunes, furent
l’espace idéal pour concrétiser son projet. «Pour la plupart des jeunes
Américains que j’ai emmenés ici, le Vietnam était une notion vague,
remplie de clichés. Leurs connaissances, rudimentaires, se résumaient à
un pays en forme de S, vaillant et ayant vaincu des armées puissantes
pour préserver son indépendance».
Au cours de cet été
2008, elle est chef d’équipe d’un groupe de 14 étudiants américains :
«J’avais dû signer une lettre d’engagement de réussite pour cette
mission et tisser des amitiés avec mes compatriotes de l’Université de
Cornell. Il s’agissait du voyage de ma vie car de sa réussite dépendent
plusieurs autres missions». À l’issue de cette mission, les images de
maisons érigées et des activités du groupe ont été diffusés sur des
sites Internet et forums. De nombreux étudiants américains ont alors
contacté Eilen pour partir au Vietnam dans le cadre de voyages
humanitaires. En six ans, Eilen a accompagné dix groupes et comme elle
maîtrise parfaitement les deux langues, le fossé linguistique entre
jeunes américains et autochtones s’est estompé. Ainsi naquit le surnom
de «passerelle Eilen».
Eilen revient d’un mois de mission
dans le district de Duc Phô avec 30 lycéens et se prépare à en enchaîner
une autre avec 30 autres volontaires. Jon Haines, domicilié à Chicago,
après avoir fêté son 17e anniversaire au Vietnam, a laissé explosé sa
joie : «un fantastique voyage grâce à Eilen ! J’ai été subjugué par
cette région, je reviens épuisé mais heureux. Le retour dans votre pays
est déjà programmé !».
Andy Melo, après une première
mission, accompagne Eilen lors de chaque mission estivale. «Après une
mission caritative dans un lieu, je n’ai pas d’habitude d’y revenir.
Mais le Vietnam m’a envoûté, avec les yeux inoubliables de ses enfants.
Cette image est devenue obsessionnelle et je devais y retourner».
En
six ans, Eilen est fière des quelque 50 habitations construites dans
des hameaux démunis de Quang Ngai et des centaines d’enfants qui ont
bénéficié de cours d’anglais.
«J’ai beaucoup de projets, et
celui d’achever ma thèse de doctorat arrive en tête. Mais c’est déjà
décidé, je reviendrai assurément au pays les prochaines vacances d’été»,
a assuré Eilen, le sourire teinté de satisfaction. -VNA