Pays natal..., ces mots sont sacrés pour Eilen Vo, une Viêt kiêu des États-Unis. Partie de sa terre natale à l’âge de 4 ans, elle ne l’a redécouverte que 17 ans plus tard, et n’a de cesse depuis de la faire découvrir aux jeunes Américains dans le cadre de voyages humanitaires.

Eilen Vo est en doctorat d’études asiatiques à l’Université de Cornell, lthaca, New York. Six ans se sont écoulés depuis son premier voyage humanitaire au Vietnam avec des étudiants américains, en tant que guide et «passerelle culturelle».

«C’est là ma Patrie»

Au milieu du mois d’août dans la chaleur suffocante du Centre, nous avons rencontré Eilen qui est en train de transporter des pierres avec des lycéens américains. Mission : construire des habitations en faveur de familles pauvres des communes de Phô Thanh et Phô Châu (ville de Quang Ngai, Centre). Comme Eilen parle couramment anglais et vietnamien, on peut aisément la prendre pour une Vietnamienne du cru. À l’issue d’une journée harassante entre travail et encadrement des deux groupes de lycéens, Eilen s’occupe encore de la cuisine et d’autres questions d’intendance. «Comme la nourriture d’ici leur convient guère, je dois l’adapter à leurs habitudes de consommation», explique-t-elle en souriant.

Eilen est née il y a 21 ans dans la commune de Phô Thanh, district de Duc Phô. Comme elle n’y est restée que jusqu’à l’âge de 4 ans, elle ne se souvient pas de grand chose, excepté des rangées d’arbres le long d’une plage immense, les jeux en bord de mer les après-midi où ses parents tiraient leurs filets de pêche. En 1987, sa famille émigre aux États-Unis. Ce n’est qu’à l’âge de 21 ans qu’elle revient dans son pays natal pour fêter le Têt. Elle est bouleversée par ce retour, surtout en constatant que sa terre natale était encore très pauvre. Elle nourrit alors l’espoir d’y revenir pour réaliser quelque chose de concret en faveur des habitants. «À partir de ce retour, je n’ai cessé de penser à mon pays d’enfance et aux moyens d’aider mes compatriotes dans le besoin», confie-t-elle.

Une passerelle entre États-Unis et Vietnam

Le vœu d’Eilen a été exaucé en 2008. Les organisations caritatives américaines, qui réussissent à attirer beaucoup de jeunes, furent l’espace idéal pour concrétiser son projet. «Pour la plupart des jeunes Américains que j’ai emmenés ici, le Vietnam était une notion vague, remplie de clichés. Leurs connaissances, rudimentaires, se résumaient à un pays en forme de S, vaillant et ayant vaincu des armées puissantes pour préserver son indépendance».

Au cours de cet été 2008, elle est chef d’équipe d’un groupe de 14 étudiants américains : «J’avais dû signer une lettre d’engagement de réussite pour cette mission et tisser des amitiés avec mes compatriotes de l’Université de Cornell. Il s’agissait du voyage de ma vie car de sa réussite dépendent plusieurs autres missions». À l’issue de cette mission, les images de maisons érigées et des activités du groupe ont été diffusés sur des sites Internet et forums. De nombreux étudiants américains ont alors contacté Eilen pour partir au Vietnam dans le cadre de voyages humanitaires. En six ans, Eilen a accompagné dix groupes et comme elle maîtrise parfaitement les deux langues, le fossé linguistique entre jeunes américains et autochtones s’est estompé. Ainsi naquit le surnom de «passerelle Eilen».

Eilen revient d’un mois de mission dans le district de Duc Phô avec 30 lycéens et se prépare à en enchaîner une autre avec 30 autres volontaires. Jon Haines, domicilié à Chicago, après avoir fêté son 17e anniversaire au Vietnam, a laissé explosé sa joie : «un fantastique voyage grâce à Eilen ! J’ai été subjugué par cette région, je reviens épuisé mais heureux. Le retour dans votre pays est déjà programmé !».

Andy Melo, après une première mission, accompagne Eilen lors de chaque mission estivale. «Après une mission caritative dans un lieu, je n’ai pas d’habitude d’y revenir. Mais le Vietnam m’a envoûté, avec les yeux inoubliables de ses enfants. Cette image est devenue obsessionnelle et je devais y retourner».

En six ans, Eilen est fière des quelque 50 habitations construites dans des hameaux démunis de Quang Ngai et des centaines d’enfants qui ont bénéficié de cours d’anglais.

«J’ai beaucoup de projets, et celui d’achever ma thèse de doctorat arrive en tête. Mais c’est déjà décidé, je reviendrai assurément au pays les prochaines vacances d’été», a assuré Eilen, le sourire teinté de satisfaction. -VNA