En 1979, Truong Thành Nguyên, âgé alors de 17 ans, et sa famille de dix personnes ont quitté le Vietnam pour le Nord de la Suisse. Après quatre ans de formation professionnelle et deux ans de travail dans le secteur de l’automatisation, il a décidé d’abandonner son métier pour se lancer dans les affaires.
La Suisse est entourée de cinq pays : l’Autriche et le Liechtenstein à l’est, l’Allemagne au nord, la France à l’ouest et l’Italie au sud. Elle ne dispose donc pas d’accès à la mer et ne bénéfice ainsi que de très peu de ressources aquacoles. Le pays doit se tourner vers l’étranger et importer de grosses quantités de produits aquatiques, certains étant exemptés de droits de douane.
Thành Nguyên y a vu là une opportunité commerciale. Il s’est alors rendu dans un premier temps en Thaïlande pour rechercher des fournisseurs spécialisés dans les produits de la mer. C’est après l’ouverture économique du Vietnam en 1986 qu’il est retourné dans son pays d’origine. Il y a trouvé le filet de poisson ba sa et est reparti le présenter aux consommateurs du "pays du chocolat et de la fondue au fromage".
"Les ba sa du Vietnam sont très particuliers. Leur chair est de bonne qualité et n’a pas l’odeur du poisson. Les Occidentaux n’aiment pas les poissons ayant une odeur trop forte", explique Thành Nguyên sur le choix qui allait l’amener à la réussite.
La confiance, moteur des affaires
Au début de son affaire, Thành Nguyên expédiait par avion des filets de poisson ba sa préparés par les entreprises vietnamiennes pour éviter de les congeler. Un tournant majeur a eu lieu en 1999, l’année où un grand groupe d’hommes d’affaires suisses fit un voyage au Vietnam. Le groupe comprenait en son sein la personne chargée des produits aquatiques auprès de la chaîne de supermarchés Migros, à Zurich. "Je l’ai connu grâce à un ami. Lors de ce voyage, je lui ai proposé d’intégrer des produits aquatiques vietnamiens dans les rayons des supermarchés Migros. Je l’ai emmené visiter les provinces du delta Mékong et bien d’autres endroits. Quand il est revenu chez lui, il m’a dit : Nous commencerons avec les poissons ba sa ", raconte Thành Nguyên.
Il s’est alors mis au travail immédiatement. Chaque semaine, il exportait entre 200 et 400 kg de filets de ba sa en Suisse via les compagnies aériennes de Singapour Airlines ou Swiss International Air Lines. Mais assez rapidement, le filet de ba sa a commencé à s’écouler beaucoup plus et l’homme d’affaires s’est mis à exporter en moyenne 20 tonnes par semaine. Mieux encore, le chef du segment poisson frais de Migros a décidé d’augmenter la présence de ce produit vietnamien dans tous les supermarchés de la marque en Suisse.
"Environ 20 tonnes de filet de ba sa étaient exportées par semaine. À l’occasion de Pâques, ce chiffre s’élevait à 30 tonnes en raison de la forte demande en poisson", partage Thành Nguyên. Et d’ajouter : "Bien que les frais de transport par avion soient très élevés, souvent plus cher que le prix du poisson, les consommateurs suisses veulent acheter des produits de qualité. Et pour cela, ils sont prêts à payer plus".
Thành Nguyên a dû faire face à de nombreux obstacles, notamment quand certains partenaires vietnamiens ont violé le contrat de fourniture en raison d’une augmentation du prix des poissons dans le pays. "Dans ce cas-là, j’ai dû tout faire pour assurer la livraison à temps : accepter d’acheter les poissons à des prix élevés ainsi qu’à utiliser les services de transport express", confie-t-il. Si sur le moment, les dépenses étaient déraisonnables pour assurer la vente auprès de ses partenaires suisses, il a gagné la confiance de ces derniers en leur prouvant qu’il était un fournisseur et un homme d’affaires crédible.
Avec la prise de conscience croissante de l’impact de l’avion sur l’environnement, les supermarchés et les clients suisses ont accepté de se fournir en filets de ba sa surgelés car ils pouvaient être transportés en bateau plutôt qu’en avion, particulièrement plus nocif pour l’atmosphère. Par conséquent, dans les supermarchés Migros aujourd’hui, il n’y a plus de poisson ba sa frais. On ne trouve dans les rayons que des boîtes de 500 g, 900 g ou de 1,5 kg de poisson surgelé fourni par la société Truong Vinh de Thành Nguyên.
Répondre à des normes exigeantes
Migros est la plus grande chaîne de supermarchés de Suisse. Le groupe Migros, avec un modèle coopératif, est le premier employeur de ce pays et figure dans le Top 40 des plus grands détaillants au monde. Migros est également connu comme la chaîne de supermarchés la plus exigeante de la Suisse en termes de critères de protection de l’environnement et de la sécurité alimentaire.
Pour s’assurer que les marchandises importées en Suisse étaient complètement "propres", c’est-à-dire sans produit chimique, le fils aîné de Thành Nguyên s’est rendu au Vietnam pour contrôler et tester les processus d’élevage, de récolte et de transformation… du début de la chaîne jusqu’à l’acheminement des marchandises dans le bateau.
À Hô Chi Minh-Ville, Thành Nguyên a également créé la société Angst Ham - Truong Vinh spécialisée dans la fabrication de jambon. Cette société collabore avec la société Angst spécialisée dans la vente au détail de viande haut de gamme à Zurich. Dans l’avenir, il a l’ambition de coopérer avec une entreprise basée à Long An (Sud) en vue de mettre en conserve des fruits vietnamiens pour l’exportation vers la Suisse. – CVN/VNA