Ninh Thuân (VNA) – La poterie est l’un des artisanats phares du Vietnam, et toutnaturellement, elle y a ses hauts lieux, dont le village de Bàu Truc dans la province de Ninh Thuân (Centre).
Ce fameuxvillage garde encore des empreintes de l’époque où il était rattaché au royaumedu Champa et où il s’appelait d’ailleurs Paley Hamu Trok. Mais il garde surtoutune tradition artisanale pluriséculaire, avec donc des poteries, descéramiques, qui aujourd’hui encore, sont entièrement façonnées à lamain.
Si l’on s’en réfère aux annales populaires, c’est uncertain Poklong Chanh qui aurait introduit la poterie artisanale à Bàu Truc,voilà plus de 1.000 ans. Refusant de travailler pour la cour royale de l’époque,il aurait décidé de transmettre son savoir-faire aux femmes du village…
Pour les Cham de Ninh Thuân, la poterie est plus qu’unartisanat, c’est un art à part entière, qui témoigne de toute la richesse deleur culture. Les poteries de Bàu Trúc sont très variées. Elles se distinguentpar des motifs de décoration particulièrement sophistiqués, qui ne sont passans rappeler les origines des artisans qui en sont les auteurs: on trouve eneffet des danseuses apsaras, le Dieu Shiva, des ensembles Linga-Yogi...
En 2017, la poterie de Bàu Truc a été reconnue par leministère de la Culture, des Sports et du Tourisme comme étant un patrimoineculturel immatériel national.
Đàng Sinh Ai Chi, la vice-présidente du comitéPopulaire du bourg Phuoc Dân, auquel est rattaché Bàu Truc, n’en est paspeu fière. “À Bàu Truc, tout est fait à la main. Ce sont les mainshabiles des artisans qui font l’âme et l’unicité des produits de Bàu Truc”, dit-elle.
Pour obtenir un objet bien rond, bien équilibré, il fauttourner tout autour, dans une sorte de danse obsessionnelle qui n’est pas sansrappeler les derviches tourneurs: à ce jeu-là, les céramistes font facilementde 5 à 8 kilomètres par jour. Pour la cuisson, là aussi, c’est naturel. Ça sefait en plein air avec du bois, de la paille et de la balle de riz. Et commeelles ne sont pas émaillées, les poteries de Bàu Truc ont des couleurs typiques- rouge-jaune, rouge-rose ou brun - qui fait qu’on les reconnaît du premiercoup d’œil. Chaque produit est une œuvre originale, aucun ne ressemblant àun autre, ce qui, bien évidemment, fait toute la différence entre les poteriesestampillées Bàu Truc et les autres.
Pour Đàng Thị Đâm, qui est une céramistede Bàu Truc, tout est affaire de tradition. “À Bàu Truc, le métier se transmet de génération engénération. Dans ma famille, par exemple, je suis de la quatrième génération...On n’utilise aucune machine, ce qui ne nous empêche pas de chercher àdiversifier et à améliorer nos produits”, explique-t-elle.
Le 29 novembre dernier, à l’occasion d’un session deorganisée à Rabat, au Maroc, l’UNESCO a inscrit la poterie artisanale du peupleCham sur la liste du patrimoine culturel immatériel nécessitant une sauvegardeurgente. Comme n’a pas manquer de le souligner Van Công Hoà, le directeuradjoint du Département de la culture, des sports et du tourisme de la province deNinh Thuân, cette esquisse de reconnaissance internationale arrive à pointnommé...
“Si elle n’est pas protégée, la poterie de Bàu Truc entant qu’artisanat avec un Amajuscule va péricliter. C’est un patrimoineculturel immatériel unique au monde. Maintenant que l’UNESCO en a fait unpatrimoine culturel immatériel nécessitant une sauvegarde urgente, legouvernement vietnamien doit se mettre au diapason et prendre les mesures qui s’imposent”,estime-t-il.
Même à l’heure de la modernisation à marche forcée, levillage de Bàu Truc reste ce qu’il a toujours été: un haut lieu de l’artisanatdans le sens le plus noble du terme. Les artisans, eux, ne rechignent certespas à proposer de nouveaux produits plus adaptés aux goûts de notre époque,mais s’ils consentent à faire ainsi un petit pas de côté, ils entendent bien depas perdre le Nord, leur Nord à eux... – VOV/VNA