À Can Câu, le plus grand marché aux buffles du Nord-Est
Tous les samedis, dans le
district de Si Ma Cai (province de Lào Cai, Nord), un marché aux
buffles attire des vendeurs et acheteurs à des centaines de kilomètres à
la ronde, et même de Chine. Visite guidée.
D’après
les H’Mông de la commune de Can Câu (district de Si Ma Cai), le
commerce des buffles est un des principaux moyens de s’extraire de la
pauvreté. C’est même devenu le fer de lance de l’économie locale.
Un samedi de printemps dans la commune de Can Câu. Un épais brouillard
baigne la localité, d’où s’échappe le bruit des clochettes de centaines
de buffles convergeant vers le marché. Sur la route provinciale No153,
des dizaines de camionnettes venant des provinces de Yên Bai, Tuyên
Quang, Son La, Phu Tho, Hà Giang et Diên Biên entrent dans la commune,
après une nuit de route.
Le marché se divise en
trois secteurs, le plus large est réservé au bétail. Les buffles sont
majoritaires mais il y a aussi des chèvres et chevaux. Ce marché au
buffle est le plus grand du Nord-Est.
Transactions rapides
À 07h00, le marché débute sur une large étendue plate au sommet d’une
colline. Des centaines de buffles, scrutés sous toutes les coutures. Des
femmes H’Mông, en robe de brocatelles, portant leur enfant sur le dos,
attendent avec leur mari les acheteurs. Une foule colorée, éclectique,
avec parmi les Vietnamiens d’ethnies H’Mông et Kinh, des Chinois venus
du Yunnan voisin.
À 09h00, le marché bat son plein.
Les acheteurs chinois viennent se procurer des buffles pour les Hui (une
ethnie minoritaire de Chine, musulmane). Trân Van Sên, qui joue
l’interprète : «Les Hui ne mangent pas de porc mais par contre beaucoup
de viande bovine. À l’approche du Têt, les commerçants chinois achètent
des centaines de buffles pour leur revendre». C’est alors qu’apparaît un
petit groupe de Chinois qui, à tour de rôle, tapotent la croupe d’un
animal. Puis ils se déplacent autour pour évaluer son poids. «Ils
peuvent trouver le poids avec une marge d’erreur de seulement 0,5 à 1 kg
!», assure M. Sên.
Après l’évaluation, les Chinois
proposent un prix. S’ensuit un court marchandage… Le prix d’un buffle
oscille entre 6 et 20 millions de dôngs.
Une fois la
transaction accomplie, acheteur et vendeur s’assoient autour d’une
marmite de thang cô (spécialité locale à base d’abats de cheval), tout
en sirotant des tasses d’alcool Si, une spécialité du Nord-Est.
Un moyen d’éradiquer la pauvreté
Giàng Seo Pùa habite dans la commune de Xin Chai (district de Si Ma
Cai), à 5 km de Can Câu. «Je viens en moto au marché, très tôt, pour me
faire une idée des prix du moment. Ma femme vient à pied avec le buffle
que l’on veut vendre. Quand elle arrive au marché, c’est le moment le
plus animé, et il est facile de marchander», explique-t-il. Il ajoute
lorsqu’il n’y avait pas de marché, les commerçants allaient de village
en village pour acheter des buffles. Mais, les bénéfices n’étaient guère
élevés. Maintenant, chaque fois qu’il a besoin d’argent pour construire
une maison ou organiser une cérémonie de noces pour ses enfants, il
emmène un buffle au marché.
«Si je ne vends pas un
buffle, je peux toujours l’échanger pour avoir un laboureur ou un
reproducteur. Grâce à ce commerce, j’ai pu acheter une moto et
construire une belle maison», explique-t-il.
Selon
Giàng A Do, vice-président du Comité populaire de la commune de Can Câu,
«Giàng Seo Pùa est un modèle d’enrichissement personnel grâce au
buffle». Ce responsable informe que Can Câu recense 489 foyers, qui
vivaient autrefois de la riziculture. C’est en l’an 2000 que le marché a
vu le jour et depuis, 75% des foyers locaux se sont lancés dans
l’élevage et le commerce de ce bovidé, parallèlement à la culture de
l’«herbe à éléphants» (Pennisetum purpureum) et du maïs comme
aliments pour le bétail.
«Les locaux élèvent
diverses sortes de buffles, pour la reproduction ou pour la viande.
Maintenant, de jeunes couples se lancent dans ce métier, informe Giàng A
Do. Outre l’élevage et le commerce des buffles, d’autres services se
développent, par exemple celui de conduire l’animal à pied à travers les
sentiers de montagne, vers le marché ou du marché vers le lieu où se
trouve la bétaillère. Dix kilomètres se négocient 150.000 dôngs».
Ce marché est le plus fréquenté entre la fin de la moisson et la
remise en culture des rizières. Plus d’un millier de bêtes peuvent alors
être vendues en une journée.
Comme d’autres marchés
montagnards, celui de Can Câu a aussi une vocation sociale. On y vient
pour vendre, acheter mais aussi pour rencontrer de vieilles
connaissances. Bien que récent, le marché de Can Câu est aujourd’hui un
trait culturel des ethnies du Nord-Est. – VNA