Vietnam - Afrique, une ambition économique francophone
Les évolutions démographiques et économiques de
l’Afrique et de l’Asie permettent à la Francophonie de jeter un pont
entre ces deux espaces majeurs de croissance. Les pays francophones
d’Asie du Sud-Est, en particulier le Vietnam, occupent une place de
choix.
Le monde quitte à marche forcée les
paradigmes hérités successivement de 1945, de la guerre froide et de
l’hyper puissance américaine. En 2030, plus de la moitié de la
population mondiale sera originaire d’Afrique et d’Asie. Avec une
croissance de 5% à 6% par an, cet ensemble pèsera quatre fois l’apport
des pays de l’Organisation de coopération et de développement économique
à la croissance mondiale et conditionnera le rythme de production et de
consommation des quinze prochaines années. Mais surtout, comme le
souligne le chercheur français Jean-Joseph Boillot : «Les deux tiers du
capital humain mondial se trouveront dans ce triangle des géants d’ici
2030».
Dans cet univers en recomposition, les pays
gagnants de demain seront ceux qui parviendront à s’insérer
harmonieusement dans cette géo-économie Sud-Sud inédite.
L’espace réservé à la langue français
Quel espace sera réservé à la langue française et aux pays
d’expression francophone dans ce chamboulement majeur de la scène
internationale ? Comment s’inscrire dans ce nouveau paysage comme force
d’accompagnement innovante et proactive ?
J’ai la
conviction que les évolutions démographiques et économiques de l’Afrique
et de l’Asie permettent à la Francophonie de jeter un pont entre ces
deux espaces majeurs de croissance.
Dans cette
vision, les pays francophones d’Asie du Sud-Est, en particulier le
Vietnam, principale puissance francophone de l’ASEAN, occupent une place
de choix. Le Vietnam est déjà très présent dans les échanges
Afrique-Asie. Qu’on en juge : dans la première décennie du siècle, les
échanges commerciaux entre Hanoi et le continent africain ont crû de 31%
par an et les échanges commerciaux, quasi inexistants en 1995, ont
atteint 4,3 milliards de dollars en 2013 ! Sur le plan de l’appui
technique, plusieurs centaines de coopérants vietnamiens sont aussi
présents sur le continent africain.
Ces échanges en
grande mesure intra-francophones sont aussi en prise directe sur les
grandes orientations de la croissance mondiale. Pourtant, les obstacles
techniques, telle que l’absence de partenariat direct entre les banques
commerciales des pays francophones du Mékong et celles des zones
africaines UEMOA (l’Union économique et monétaire ouest-africaine) et
CEMAC (la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale), ou
l’impossibilité d’utiliser des instruments de règlement aussi classiques
que les crédits documentaires, sont encore trop nombreux.
Face à cette situation, notre organisation francophone doit contribuer
à valoriser et à appuyer cette création de richesse en pleine phase de
décollage qui constitue une facette prometteuse de la Francophonie
économique.
Sous la conduite remarquable du
président Abdou Diouf, la Francophonie a commencé à s’intéresser à cette
question. De façon symbolique, le «Pacte de Hanoi», scellé lors du
fameux Sommet de 1997, marquait aussi l’affirmation de cette convergence
de vue entre l’Afrique et l’Asie francophones. Je souhaite désormais en
faire un axe systématique de l’action de notre organisation et l’une
des premières missions de l’Agence de promotion des investissements de
la Francophonie que je propose de créer avec l’appui du secteur privé.
Une conférence francophone ASEAN-Afrique, au sein de laquelle le
Vietnam, le Cambodge et le Laos tiendraient à l’évidence une place
éminente, pourrait être réunie rapidement sous les auspices de
l’Orgnisation internationale de la Francophonie pour donner un cadre
politique dynamique à ce qui demeure encore un mouvement spontané des
opérateurs économiques.
La consolidation des
compétences par le développement de l’enseignement à distance du
français technique et commercial permettra aussi aux entrepreneurs,
techniciens et ingénieurs d’Asie et d’Afrique francophone de parler le
même langage en dépassant leur éloignement géographique et culturel.
Né à Maurice, pays africain par sa géographie,
asiatique en partie par son peuplement et ouvert sur l’océan Indien, je
sais que ce dialogue-là sera fécond pour l’Afrique comme pour la zone du
grand Mékong. Avec l’aide de la Francophonie, cet échange contribuera à
lancer de nouvelles pistes de croissance, d’innovation et de dialogue
des cultures dans un monde qui en a un infini besoin. – VNA