Hanoï, 10 décembre (VNA) - Afin de prévenir les risques de concentration excessive du pouvoir, de pratiques de propriété croisée et manipulatrice, ainsi que de conflits d'intérêts, des experts recommandent de mener des investigations approfondies sur les investissements et les apports en capital réalisés par les particuliers ou les organisations économiques ayant des liens étroits avec les grands patrons du secteur bancaire. Une telle transparence permettrait de renforcer la confiance du public, de promouvoir une concurrence saine et de garantir une gestion prudente des établissements bancaires.
Lors d'un récent atelier sur la création de groupes financiers durables au Vietnam, l'avocat Truong Thanh Duc, directeur du cabinet d'avocats ANVI, a déclaré que bien que la loi de 2024 sur les établissements de crédit constitue une avancée significative en matière de prévention des investissements croisés, de propriété croisée et de propriété manipulatrice, elle ne saurait à elle seule garantir l'intégrité du système financier. En effet, la réglementation financière est un domaine en constante évolution, nécessitant une adaptation régulière aux nouvelles pratiques et aux risques émergents.
Selon Truong Thanh Duc, que les règles soient strictes ou souples, l'essentiel est que les banques, les actionnaires et les clients les respectent scrupuleusement. Cette culture de conformité doit être soutenue par une surveillance rigoureuse des autorités de gestion, afin de garantir l'application effective des lois et des normes.
Selon les experts, au Vietnam, un défi majeur pour la régulation bancaire réside dans les montages complexes de propriété qui permettent à des individus de contourner les limites légales en matière de détention d'actions. Des actionnaires actuels peuvent, par exemple, transférer nominalement une partie de leurs parts à des prête-noms, tout en conservant le contrôle effectif de l'établissement. Cette pratique, difficile à détecter et à prouver, met à mal l'efficacité des dispositifs de surveillance et soulève des inquiétudes quant à la transparence et à la stabilité du système financier. Les autorités de régulation se trouvent ainsi confrontées à la nécessité de développer des outils d'analyse plus sophistiqués et de renforcer les sanctions en cas d'infraction
L'expert bancaire Dr Nguyen Tri Hieu a souligné la difficulté pour les autorités de régulation d'identifier avec certitude le propriétaire effectif d'une banque, en raison de la complexité croissante des structures de propriété et des montages financiers. Cependant, il a également affirmé que des investigations approfondies, notamment sur les relations entre les personnes liées à l'établissement, peuvent permettre de mettre en évidence d'éventuelles violations réglementaires.
L'avocat Nguyen Thanh Ha a souligné un autre scénario possible de dissimulation de la propriété effective au sein d'une banque. Il a évoqué la situation où un employé pourrait être contraint par son supérieur hiérarchique à figurer en tant que propriétaire apparent de parts sociales, dans le cadre d'une structure opaque mise en place par une société "d'arrière-cour". Cette pratique, souvent liée à des pressions hiérarchiques ou à des motivations personnelles, vise à dissimuler le véritable contrôle exercé sur l'établissement bancaire et à éluder les réglementations en vigueur. En règle générale, une telle entreprise « d’arrière-cour » aura deux conseils d’administration, dont le véritable dirigeant est le propriétaire de la banque. L'employé, présenté comme administrateur, se contente alors de signer les documents à la demande de son supérieur hiérarchique, sans véritablement comprendre les enjeux et les conséquences de ses actes.
Selon l’expert Dr Le Xuan Nghia, il est nécessaire d’enquêter sur les flux de trésorerie des grands patrons qui investissent dans le secteur bancaire pour contrôler la source de la propriété croisée.
Le Dr Le Xuan Nghia souligne l'importance d'analyser les sources de financement des grands investisseurs bancaires afin de prévenir les phénomènes de propriété croisée et d'opacité.
De son côté, Nguyen Tri Nghia insiste sur la nécessité de réguler strictement les prêts accordés par les banques à leurs propriétaires ou à des entités liées, souvent qualifiés de "prêts d'arrière-cour". Ces pratiques, susceptibles de favoriser des conflits d'intérêts et d'affaiblir la solidité des établissements bancaires, requièrent une surveillance accrue des autorités de régulation.
Pham Xuan Hoe, ancien directeur adjoint de l'Institut de stratégie bancaire, a souligné que l'un des principaux défis du modèle de groupe financier au Vietnam réside dans la complexité croissante des interconnexions entre les différentes entités. Dans un environnement opaque, le contrôle devient quasiment illusoire. Cette opacité facilite les détournements de fonds vers des entités fictives ou les octrois de privilèges injustifiés, mettant en péril la stabilité financière et érodant la confiance des investisseurs.
Selon Pham Xuan Hoe, les statistiques sur les actifs en capital de 11 grands groupes financiers au Vietnam montrent que leurs actifs s'élèvent à près de 14 quadrillions de dongs, soit environ 67 % de la valeur totale de l'ensemble du système financier du pays. Leurs prêts en cours s'élèvent à 9,9 quadrillions de dongs, soit 67,3 % du total des prêts en cours.- VNA
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