La scène a lieu dans un espace réduitd’environ 30 m² au Centre pour le développement et le handicap DRD, au91/8E, rue Hoa Hung, dans le 10e arrondissement de Hô Chi Minh-Ville. Lamusique est à fond tous les mercredis et vendredis après-midi, et unevingtaine de personnes handicapées se défoulent sur ces rythmesendiablés en dansant, au sens littéral, avec leur fauteuil roulant !
Ilsrêvent tous qu’un jour, ils pourront le faire sur leurs deux jambes.Musique ! Trân Thi Ngoc Hiêu frise la trentaine et elle fréquente cetteclasse de danse. Elle fait partie de ces vingt apprenants fous demusique. Aujourd’hui, elle est arrivée parmi les premières avec uneboîte de friandises à partager avec ses amies. Tout sourire, Hiêuexplique : «Nous avons besoin de toute notre énergie pour nous exerceret nous préparer pour quelques spectacles à venir».
Eneffet, depuis quelques jours, sa classe prépare un certain nombre denuméros artistiques pour une petite tournée musicale dans quelquesuniversités de province. Son amie Vy ajoute : «Je viens de la provincede Long An, à une trentaine de kilomètres d’ici. Bien que lesdéplacements soient très difficiles pour moi, je suis heureuse de fairede l’handisport».
On le comprend, la classe de danse enfauteuil roulant met du baume au cœur chez ces jeunes... Dông Thi QuynhHuong, gestionnaire du centre DRD, va dans ce sens : «Pour voir tous cessourires insouciants comme ceux d’aujourd’hui, c’est un long travail.Auparavant, ces élèves étaient très timides et souffraient terriblementde leur handicap. Pourtant, plus le temps passe, et plus l’optimismeprend le dessus». Cette ambiance si particulière et cette bonne humeurviennent de la passion et du dévouement du chorégraphe Dinh Thanh Hiêu.
Danser avec son cœur
Hiêu est enseignant etemployé par le Service de la culture, des sports et du tourisme de HôChi Minh-Ville. C’est lui qui est à l’initiative de ces classesgratuites de danse en fauteuil roulant. L’homme a 15 ans d’expérienceprofessionnelle en la matière et, outre une solide formation de danseacquise en partie à l’étranger, le yoga ou la rumba n’ont pas de secretpour lui.
Il y a trois ans, lors d’un séjour en Australie,Dinh Thanh Hiêu a découvert l’univers de l’handisport. Il a vu dans cepays des handicapés heureux de pratiquer cette danse un peuinhabituelle, en fauteuil roulant. L’idée lui est alors venued’introduire et de promouvoir ce sport au Vietnam. Il a donc suivi desprogrammes de formation pour enseigner cette discipline.
Àson retour au Vietnam, avec toute son énergie, il a contacté le centreDRD pour organiser ses premiers cours gratuits pour des handicapés.Parallèlement, il a tourné et mis en ligne des vidéos afin que leshandicapés puissent aussi pratiquer à distance, plaçant beaucoupd’espoirs en cela : «Je souhaite que mes exercices puissent contribuer àaméliorer le physique comme le mental de ces personnes».
Hiêua cependant dû faire face à de nombreuses difficultés. Ainsi, lesprogrammes de danse destinés aux personnes à la mobilité réduite del’Association de danse en fauteuil roulant du Royaume-Uni (UK WheelchairDance Association), tout comme d’autres ressources documentaires,n’étaient pas toujours appropriés aux Vietnamiens, par exemple, à leurtaille. L’athlète a donc dû tout adapter, passant du temps dans unfauteuil roulant pour mieux comprendre les difficultés de sesapprenants. Un travail méconnu, beaucoup d’autres établissements ayantrefusé ses propositions de collaboration. «J’ai proposé cette classe unpeu partout, mais seul le DRD a approuvé mon projet», se rappelle-t-il.
Thérapie par la danse
Hiêu aime à rappelerque la plupart des handicapés travaillent devant un écran d’ordinateurou dans l’artisanat. Cela signifie que de nombreuses parties de leurscorps sont encore plus vulnérables. Là réside l’intérêt de ces exercicesde danse qui leur font un bien fou et facilitent leurs mouvements debras, d’épaules...
«M. Hiêu est un vrai talent pour nous.Ses exercices nous font du bien à tout point de vue. Auparavant, je nesortais pas de ma coquille. Aujourd’hui, c’est tout le contraire, etj’ai retrouvé le rire. Les musiques que j’entends sont encore plusbelles. Pour moi, il est impératif que je danse», explique Thuy, chef decette classe.
Khuât Nhu Quynh ne la contredit pas etprécise : «Quand j’ai appris l’existence de cette classe de danse, j’aivu des clips sur Internet et je n’en ai pas cru mes yeux. Délaissant mespeurs et écartant mes idées préconçues, je suis allée suivre les cours.Les débuts ont été difficiles, mais aujourd’hui je me sens bien mieux.J’ai plus d’amies et j’ai eu de nombreuses occasions d’aider d’autrespersonnes».
«En travaillant avec eux et en observant leursefforts inlassables, j’essaye de me surpasser pour eux. Ils m’apportentplein d’optimisme et de gaieté et me font oublier le stress. J’adoreleurs danses du cœur», confie à la fin d’un cours Dinh Thanh Hiêu.-CVN/VNA