Un tambour de bronze sans égal
Le tambour de bronze
de Câm Giang se caractérise par quatre petites statuettes de canards
fixées sur les bords de son plateau, un attribut unique parmi les
tambours de bronze dôngsoniens (voir encadré) trouvés jusqu’à
maintenant. «Comme le buffle, le canard symbolise l’économie rizicole.
Point particulier, ces canards regardent dans le sens inverse des
aiguilles d’une montre, alors que dans les autres tambours dôngsoniens,
ces statuettes – crapauds essentiellement- sont tournées dans le sens
des aiguilles d’une montre», révèle Nguyên Thanh Hiên, directrice
adjointe du Musée de Thanh Hoa. Et d’affirmer avec un brin d’orgueil :
«Aucun tambour de bronze trouvé au Vietnam n’est plus beau ni plus
original que le nôtre».
Bien proportionné, le tambour
de bronze de Câm Giang mesure 41,9 cm de haut, 73 cm de diamètre au
niveau du plateau et affiche 60 kg sur la balance. Le centre de son
plateau est occupé par une étoile à 16 branches, exécutée en relief, qui
correspondait à l’endroit de frappe du tambour, mais se voulait
également symbole solaire. Autour, se succèdent neuf bandes
concentriques aux motifs ornementaux différents. Sur la bande la plus
large figurent des oiseaux stylisés, à très long bec, que l’on peut
assimiler à des échassiers, sur une autre, des personnages dansant avec
une plume sur la tête.
Un geste patriotique
Toujours selon Nguyên Thanh Hiên, ce tambour de bronze a été trouvé en
1992 par un paysan, Bùi Duc Tâu, dans la commune de Câm Giang (district
de Câm Thuy, province de Thanh Hoa). Peu de temps après, des acheteurs
de Hai Phong et Hanoi se présentèrent à son domicile et lui proposèrent
70 millions de dôngs. Une somme colossale à l’époque, qui permettait
d’acheter une maison dans le centre-ville de Thanh Hoa. Mais M. Tâu
refusa. De peur que l’on le lui vole, il cacha le précieux tambour sous
son lit.
Au début de l’année 1993, des cadres du Musée
de la province vinrent toquer à sa porte. Ils lui proposèrent un million
de dôngs et M. Tâu failli s’étrangler en entendant la somme. Il refusa
et les gens du musée repartirent. Mais il se ravisa et son fils
entrepris une mémorable course de 5.000 m pour rattraper la voiture qui,
en raison de la piste cahoteuse, n’avaient pas encore rejoint la route
principale. Finalement, le précieux tambour fut cédé au musée. Un geste
patriotique, certes, car M. Tâu aurait pu facilement recontacter les
premiers acheteurs.
Désormais, les choses auraient été
plus expéditives. En effet, une loi stipule que les objets
archéologiques trouvés dans le pays appartiennent à l’État. Celui qui
les découvre ne peut donc ni les conserver ni les vendre et doit les
restituer aux organes compétents.
Sur la liste des objets nationaux précieux
Parmi les tambours conservés au Musée de la province, celui de Câm
Giang est le premier à avoir été choisi pour figurer dans la liste des
objets nationaux précieux. «Car il répond aux critères que sont
authenticité, originalité, valeur esthétique, objet reflétant la
créativité des anciens Viêt», explique la responsable du Musée de Thanh
Hoa. Le dossier de candidature est en cours d’établissement.
Hautement apprécié par les chercheurs vietnamiens et étrangers, ce
tambour original a été exposé lors de nombreux grands événements
culturels du pays. En 2008, le Musée de la civilisation asiatique de
Singapour a décidé de mouler un tambour sur le modèle de celui de Câm
Giang afin de l’exposer lors d’une grande fête culturelle
internationale. Un tambour qui fait décidemment résonner loin la culture
millénaire du Vietnam. -CVN/VNA