«Nous devons dès maintenant nous tourner vers la mer pour exploiter ses vastes potentiels», affirme le président de l’Association de la nature et de l’environnement maritime du Vietnam, Nguyên Chu Hôi. Interview.

Vous qui êtes un expert dans l’étude des ressources maritimes du Vietnam, que représentent-elles ?

De manière générale, la Mer Orientale est incontournable pour l’économie comme pour le développement des pays ayant une façade maritime sur cette dernière, notamment sur le plan des ressources biologiques et minérales. Elle compte parmi les dix réserves ayant le plus de valeur en terme de biodiversité, et les 16 plus grandes zones de pêche au monde, dont le Vietnam fait partie. Les pays qui la bordent sont parmi les premiers du monde dans les secteurs de la pêche et de l’aquiculture, et environ 8% des produits maritimes exploités dans le monde proviennent de cette région.

La Mer Orientale est également considérée comme l’un des cinq premiers bassins d’hydrocarbures du monde avec des réserves évaluées, pour le seul pétrole, à 7 milliards de barils. Avec une production estimée à 2,5 millions de barils par jour, ce sont 15 à 20 années d’exploitation... Le territoire maritime du Vietnam - plateau continental et zone économique exclusive - a de grands potentiels dans l’exploitation pétrolière, et les conditions lui sont favorables.
Elle est en outre riche en hydrates de méthane. Cette «glace combustible» découverte en 2003 pourrait à terme se substituer au pétrole et au charbon, d’autant plus que ses réserves sont estimées du double de ces derniers. Et sur ce point encore, le territoire du Vietnam en est riche.

Enfin, la Mer Orientale est aussi un haut lieu mondial du transport maritime, une zone stratégique pour le commerce international et, avec 3.000 km de littoral dont 54 baies, le Vietnam a largement les capacités de développer un vaste réseau portuaire, et l'économie qui va avec.

Comment le Vietnam exploite-t-il ses ressources maritimes ?

Le développement du secteur maritime en général implique de nombreux et d'importants investissements, mais il présente des intérêts durables. En d’autres termes, il nous faut en avoir une vision stratégique, si l’on se contente d’élaborer des plans de développement et d'investissement, nous n’aboutirons à aucun succès. Cela posé, seul notre secteur national du pétrole - industriel par nature - obtient des résultats notables. En revanche, notre marine marchande n’a toujours pas renouvelé ses technologies. De même pour notre flotte de pêche qui, par ailleurs, est insuffisante et travaille encore dans des conditions semi-artisanales. Cette dernière doit faire face à des conditions écologiques de plus en plus difficiles et à une baisse des ressources. Il lui faut se réorganiser, en particulier dans la pêche hauturière, afin d’exploiter de manière optimale - mais aussi durable - les potentiels d’un pays dont le territoire maritime est le triple du terrestre, près d’un million de kilomètres carrés de mer et d’îles.
Que pensez-vous des ressources humaines dans ce secteur ?

Elles restent à développer. Pour profiter de nos potentiels elle doit maîtriser les technologies, être disciplinée et solidaire. Mais les équipages de nos flottes sont peu qualifiés et non professionnalisés. La plus grande préoccupation, c’est l’enseignement : toutes les disciplines de la mer ne suscitent que fort peu de vocation chez les jeunes, et certains cursus universitaires spécialisés risquent de disparaître faute de candidats. Or, le besoin de cadres et de personnel qualifiés et disciplinés dans ce secteur n’ira que croissant dans les prochaines années...

Comment réagir devant cet état des lieux ?

Concrètement, pour devenir un pays maritime puissant, il est incontournable de disposer de stratégies et de planifications, ainsi que d’un personnel bien formé. Ensuite, s’agissant de durabilité de notre économie maritime, il nous faut perfectionner ses institutions comme son cadre juridique qui doit réglementer les secteurs public et privé, ainsi que les relations intersectorielles et interprovinciales. En effet, l’économie maritime recouvre de nombreux segments distincts recourant, en outre et pour partie, à des technologies spécifiques. – VNA