Un moule est indispensable à la confection d’un gâteau de lune digne de ce nom. À Hanoï, des familles d’artisans sont encore restées fidèles à la fabrication de ces formes en bois, malgré la concurrence féroce de leurs homologues en plastique bon marché. Chaque année, environ deux mois avant la Fête de la mi-automne, la famille de Trân Van Ban s’affaire à fabriquer des moules à gâteaux de lune en bois pour répondre aux commandes. Poursuivant ce métier depuis 40 ans, sa famille est l’une des rares à Thuong Cung à le maintenir jusqu’à ce jour car pour des raisons économiques, la plupart des villageois se sont tournés vers d’autres produits d’art et d’artisanat dont l’écoulement est meilleur. Photo: Vietnamplus
Tous les habitants du village de Thuong Cung, commune de Tiên Phong, district de Thuong Tin, à Hanoi, connaissent Trân Van Ban, l’un des derniers artisans fabriquant de moules à gâteaux de lune. Après s’être renseigné et avoir longé quelques chemins vicinaux, l’on tombe rapidement nez à nez avec sa maison. Trân Van Ban est menuisier. «J’ai commencé à apprendre la menuiserie très jeune. Auparavant, je travaillais pour la coopérative locale et étais payé en riz. J’arrivais à l’époque à gagner quelques dizaines de kilos par mois. Puis est arrivée la période de +vaches maigres+. Je n’ai pas eu d’autre choix que de quitter la coopérative pour fonder mon propre atelier», a raconté l’artisan. Photo: Vietnamplus
Il commence d’abord par fabriquer des produits artisanaux en bois. Ce n’est que plus tard, après réception de ses premières commandes de moules à gâteaux de lune, qu’il entame sa «vraie» carrière et se spécialise. Les débuts sont compliqués. Il lui faut plusieurs mois pour réaliser des moules complets. Il fait tester ses réalisations par des pâtissiers afin de voir, de ses propres yeux, si les gâteaux de lune issus de ses moules ont une belle apparence ou non. Perfectionniste, il est à l’écoute du moindre commentaire. Petit à petit, Trân Van Ban apprend, même s’il lui arrive de se blesser en maniant les outils. Photo: Vietnamplus
Sa dextérité augmente proportionnellement aux callosités qui se forment sur la paume de ses mains. Ses créations sont plus fines, plus belles, avec des motifs toujours plus complexes. Sa clientèle est séduite. M. Ban raconte qu’il y a une dizaine d’années, à chaque automne, l’atelier familial fonctionnait à plein régime du fait de nombreuses commandes provenant du Nord au Sud, et même de l’étranger. "Nous produisions environ 500 à 600 pièces, chacune vendue entre 150.000 et 300.000 dôngs, en fonction de sa taille. Le prix des grands moules pouvait monter jusqu’à un million de dôngs. Il y a des années où grands-parents, parents, enfants et petits-enfants se mobilisaient pour répondre aux commandes à temps". Photo: Vietnamplus
La fabrication de moules à gâteaux de lune demande surtout un vrai savoir-faire qui ne s’acquiert qu’après de longues années de pratique. "L’important est de choisir du bois solide résistant aux termites". À l’origine, ces moules étaient faites en Diospyros decandra, un arbre fruitier qui donne du bois bien solide. Mais, cette essence étant devenue rare, sa famille est passée à l’utilisation de bois de nacre dont la qualité est approximativement égale. "Traditionnellement, les moules sont ronds ou carrés, mais se déclinent aussi souvent sous d’autres formes avec des motifs décoratifs allant des idéogrammes aux feuilles en passant par des animaux (dragon, licorne, tortue, phénix)… pour séduire une clientèle de plus en plus exigeante". Photo: Vietnamplus
Pour créer un moule à gâteaux de lune, l’artisan doit consacrer beaucoup de temps et d’efforts et suivre différentes étapes : découpe du bois, séchage, sculpture de motifs… "Auparavant, un moule était complètement fait à la main. Rien que l’étape d’aplanir son intérieur nécessitait une journée entière. Maintenant, grâce à l’aide de machines, le temps s’est beaucoup raccourci. Cependant, l’étape la plus importante consistant à ciseler pour créer des motifs décoratifs doit toujours être réalisée entièrement à la main. Elle demande d’être habile et méticuleux pour rendre les motifs bien unis et lisses, élément important pour un produit parfait" a dit Trân Van Ban. Photo: Vietnamplus
Tran Van Ban passe parfois 20 heures dans une journée au travail. Il y a des jours où il travaille jusqu'à 2 heures du matin, puis fait une courte sieste jusqu'à 5 heures du matin et se lève à nouveau pour se remettre au travail. Normalement, il lui faut environ trois heures pour créer des moules réguliers. Pour les moules sur mesure, ils peuvent prendre des semaines, voire des mois à l'artisan fort de 40 ans d’expériences. Selon lui, les clients conçoivent des dessins puis lui envoient des photos par téléphone. Il y a des détails très sophistiqués qu'il doit faire toute la journée. Tran Van Ban a des centaines de moules à gâteaux de lune de différentes formes dans son espace de travail. Photo: Vietnamplus
Trân Van Ban explique qu’auparavant, le village de Thuong Cung regroupait beaucoup d’artisans comme lui. Aujourd’hui, ils ne sont plus que trois. Mais il lui en faut plus pour entamer sa confiance, d’autant que les affaires tournent plutôt bien. «Je crois que la fabrication de moules à gâteaux de lune perdurera. Tant que la Fête de la mi-automne existera, ces gâteaux symboliques resteront indispensables». Et d’y aller de sa petite pique : «Pour faire des gâteaux de grande qualité, les pâtissiers professionnels doivent utiliser des moules en bois. Ceux en plastique ne conviennent pas. D’une part, il est impossible de faire de beaux gâteaux avec et, d’autre part, ils cassent après seulement quelques utilisations...». Photo: Vietnamplus
Ces dernières années, la production de sa famille a connu une chute considérable avec l’apparition des moules plastiques à prix compétitifs. En particulier, depuis l’an passé, "en raison de l’épidémie de COVID-19, les commandes ont chuté de deux tiers par rapport aux saisons automnales précédentes", se soupire-t-il. Pourtant, M. Ban ne tombe pas dans la morosité. Il reste toujours enthousiaste avec ce métier et affirme qu’il veut "le préserver et le transmettre à la génération suivante pour qu’il ne se perde jamais". De plus, selon lui, il vit encore bien de cet artisanat car nombreux sont ceux qui préfèrent les moules en bois traditionnels, bien que ceux en plastique envahissent les marchés. Photo: Vietnamplus
Avec l’évolution de la société, les artisans doivent savoir s’adapter afin de survivre. Pour bien vendre, le plus difficile est de comprendre vraiment le goût du client. Créer des modèles aux motifs attractifs, personnalisés, voilà le chemin qu’il faut suivre…Animé par une foi inébranlable en son métier, il compte transmettre son savoir à ses deux enfants pour qu’ils puissent ensuite prendre la relève. À 60 ans, quand les bougies lui coûtent plus cher que le gâteau, Trân Van Ban partage qu’il aimera son métier jusqu’à ses derniers jours. «Quoi qu’il en soit, je vais m’efforcer de garder l’esprit des gâteaux de lune et de continuer ce métier qui, il faut bien l’avouer, ne peut pas plaire à tout le monde», a lancé-t-il, dans un grand éclat de rire. Photo: Vietnamplus
Tran Van Ban présente un moule à gâteau en forme de Pagode au pilier unique. C'est l'un des nombreux modèles compliqués qui lui ont pris de nombreuses heures de travail. Construite au XIe siècle, sous la dynastie des Ly (1009-1225), la Pagode au pilier unique - appelée alors Diên Huu - évoque la forme d’un lotus. La tradition rapporte que la pagode au pilier unique de Hanoï fut construite en 1049 par le roi Ly Thai Tô. N’ayant pas d’enfant mâle, le roi vit en songe la Bodhisattva Kouan Yin (Déesse de la miséricorde) assise sur une lotus lui donnant un garçon. Peu après, sa jeune épouse, une paysanne, lui donna un héritier. Pour exprimer sa reconnaissance, il fit construire une petite pagode symbolisant la lotus, avec à l’intérieur la statue de la Déesse de la miséricorde aux mille bras et mille yeux. Aujourd'hui, Les Vietnamiens considèrent la pagode comme un des symboles de la capitale millénaire. Photo: Vietnamplus
Chaque année, le 15e jour du 8e mois lunaire, lors de la Fête de la mi-automne, les Vietnamiens, notamment les enfants, dévorent jusqu’à satiété les fameux «gâteaux de lune». Ceux-ci sont de deux types : banh nuong (gâteaux farcis) et banh deo (gâteau de riz gluant). Traditionnellement, ils sont ronds ou carrés, mais se déclinent aussi souvent sous forme de dragon, de carpe, de cochon... pour séduire une clientèle de plus en plus exigeante. Ces gâteaux emblématiques sont confectionnés dans des moules spéciaux, qui ont la particularité d’être sculptés. Dans la capitale, leur fabrication est un métier qui se perpétue depuis des générations. Photo: Vietnamplus
Deux catégories de moules existent, selon qu’ils ont une ou deux faces gravées. Leurs formes sont aussi variées (rond, carré, rectangulaire, ovale). Généralement, le moule rond a une dimension allant de 3,5 à 28,5 cm de diamètre, le rectangulaire de 6 à 26,5 cm de long. Les motifs décoratifs vont des idéogrammes chinois aux feuilles en passant par des animaux, des dragons tournés vers la Lune, les quatre animaux fabuleux (dragon, licorne, tortue, phénix), les huit immortels… pour n’en citer que quelques-uns. La plupart des moules préservés au MNHV sont en mauvais état, mais les motifs décoratifs restent bien visibles. La fabrication d’un moule demande temps et habileté. Un artisan expérimenté a besoin d’une à trois heures pour achever un produit. Photo: Vietnamplus