Renaissance du Hát xâm de Hanoi
A l'origine chant réservé aux aveugles, le Hát xâm est chanté aujourd'hui par des artistes, tant professionnels qu'amateurs. Un chant vaguement mélancolique qui, après une longue éclipse, a repris une certaine vigueur à Hanoi.
Tous les samedis soirs, le long de l'axe piétonnier du vieux quartier
de Hanoi, des artistes de Hát xâm se produisent sur une petite scène
improvisée, devant le marché Dông Xuân. Vêtus des habits bruns de
jadis, une paire de lunettes noires sur les yeux, chanteurs et
chanteuses interprètent des airs de xâm, devant un public nombreux,
composé de connaisseurs ou de simples curieux.
Le
professeur-docteur en arts Pham Minh Khang et le compositeur Thao
Giang, responsables du Centre de développement des arts musicaux du
Vietnam, sont à l'origine de ce regain de vitalité du Hát xâm.
Autrefois, ces airs n'étaient interprétés que par des chansonniers
aveugles, qui trouvaient là un moyen de subsistance. A l'aide d'une
viole à deux cordes appelée nhi et de claquettes dont ils jouaient
eux-mêmes, ces artistes de rue chantaient des airs improvisés ou puisés
dans le répertoire traditionnel, parfois inspirés de vers de grands
poètes.
Créé au XIVe siècle, le Hát xâm a atteint son
apogée à la fin du XIXe - début du XXe siècles. De nombreuses troupes
de chanteurs ambulantes animaient alors la vie culturelle de Hanoi.
Accompagnés du nhi, ils se produisaient souvent en plein air et
n'importe où, dans les marchés, sur les tramways ou aux carrefours.
Séduits par ces mélodies, les spectateurs n'hésitaient jamais à leur
offrir quelques sous.
"Faire revivre l'art du Hát xâm,
c'est réveiller une facette de la culture de Hanoi d'antan", a estimé
le compositeur Thao Giang, directeur du programme de renaissance du Hát
xâm lancé début 2005, et qui a reçu un large écho auprès des artistes
d'arts contemporains amoureux de musique traditionnelle.
Le premier groupe de xâm, appelé "Xâm de Hanoi", qui a vu le jour peu
de temps après le lancement du programme, réunit une dizaine de
chanteurs et chanteuses, de tous âges, encadrés par des spécialistes de
musique folklorique. En un court laps de temps, ce groupe a rassemblé
des dizaines d'airs. Parmi les plus appréciés : le "Xâm aux marchés"
qui raconte l'histoire du quartier des 36 rues et corporations de Hanoi
d'autrefois, "Xâm au tram" qui parle d'un ancien mode de transport -le
tramway- à Hanoi, ou encore "La joie d'aller au marché Dông Xuân" qui
brosse le tableau du plus grand et du plus ancien marché de Hanoi…
Une scène de xâm se tient depuis six ans dans le vieux quartier, réunissant de plus en plus de chanteurs et de spectateurs.
"Plus je chante du xâm, plus je suis attachée à ces airs mélancoliques.
Je suis heureuse d'être entourée d'un public amoureux, comme moi, de
cet art", a confié Mai Tuyêt Hoa, du Conservatoire de Hanoi.
Les avis des "fans" ne sont pas moins enthousiastes. "Je suis émue de
réécouter les airs familiers que ma grand-mère chantaient autrefois.
Vraiment, plus je les écoute, plus je les trouve intéressants et
séduisants. Je viens ici tous les samedis soirs", s'est réjouie Mme Vu
Hà, une commerçante. Quant à Darren, un touriste américain, il a suivi
la représentation du début à la fin. "Ces airs sont superbes. J'ai la
chance de pouvoir découvrir cette nuit un art folklorique original. Je
reviendrai si l'occasion se présente".
Les airs de xâm
séduisent aussi les enfants. C'est par exemple le cas de Thanh Thanh
Tâm, une fillette hanoïenne de six ans, renommée pour sa voix de
velours et sa maîtrise du chant des aveugles. Imaginez une voix
enfantine interprétant passionnément un air ancien dont les paroles
sont plutôt destinées aux adultes : "Eh l'ami ! C'est primo le destin
prédestiné, secundo la dette d'amour, tertio l'amour conjugale…".
Depuis un an, Thanh Thanh Tâm participe régulièrement aux soirées de
chants folkloriques (dont le xâm) organisées tous les mardis, jeudis et
samedis au pavillon hexagonal du jardin Lý Thái Tô, près du lac de
l'Épée restituée. La petite chanteuse a déjà ses fans, tous bien plus
grands qu'elle. Et de sauter de joie en recevant des cadeaux :
peluches, bonbons et même argent !
Issue d'une famille
d'artiste, Thanh Thanh Tâm a le chant dans la peau. À trois ans, elle
connaissait déjà par cœur de nombreuses airs anciens. C'est à cinq ans
qu'elle a pour la première fois goûté à la scène. Bien qu'elle ne sache
ni lire ni écrire, elle n'a besoin que de trente minutes pour mémoriser
une nouvelle chanson. -AVI