Jeune etenthousiaste, Luong Tô Nhu est une pianiste de musique classique "peuordinaire". Elle porte des vêtements classiques mais toujours revisités,elle travaille sur l’ordinateur, elle préfère les technologies, elle sourit,elle bavarde. Elle aime la musique de son époque. Bref, une femme d’affairessympa et dynamique en apparence.
C’est quand ellen’était encore qu’une adolescente que Tô Nhu est partie à l’étranger. Forméedans des conservatoires de musique à Londres et à Paris, elle a joué du pianodans de nombreux concerts et festivals dans le monde entier, et a eu la chanced’apprendre, mais surtout, de comparer les différents points de vue sur lamusique classique occidentale.
"Lesperformances de rue et les improvisations font partie de la vie quotidienne desEuropéens. Là-bas, les professeurs encouragent toujours leurs élèves à jouer dela musique à n’importe quelle occasion. Ce n’est pas du tout le cas ici auVietnam. Tout doit suivre un chemin convenu et sans faute".
À son retour auVietnam en 2016, Tô Nhu a rejoint l’École de musique Erato Hanoi, où elle aguidé des jeunes musiciens à réaliser la série de concerts "Cinerato"(musique de film) qui ont rencontré un énorme succès.
"Pour lesmusiciens, la pratique continue de l’instrument est la seule méthode pournourrir son esprit artistique. Mais pour les jeunes diplômés au Vietnam, ils ytrouvent peu d’intérêt, car ils n’ont jamais été incités à jouer dans desconcerts de musique classique pour le plaisir de la pratique artistique et pourse libérer. ‘Cinerato’ a été un bon compromis pour que tout le monde expose sontalent et se libère l’esprit."
La musiqueclassique, une musique pour tous
Au Vietnam, TôNhu a joué dans de nombreux concerts de musique classique. Certes, elle estconnectée à une grande communauté des amoureux de ce genre de musique dans lepays, où elle a découvert beaucoup de connaissances, mais aussi, des clichés.
"On ditsouvent que la musique classique est académique. Ce n’est pas correct. J’ai participéà de nombreux projets de musique contemporaine qui demandaient un niveaud’engagement et d’analyse dans le travail encore plus compliqué que dans lamusique classique".
Selon Tô Nhu,l’important est "de partager ses émotions avec les auditeurs". Unemélodie peut être jouée avec beaucoup d’émotions "sans avoir besoin d’unesalle de théâtre, ni de tenues sublimes, ni de spectateurs de grande classe. Lasérie Yellow Lounge de Deutsche Gramophone par exemple, a présenté des concertsclassiques dans des bars et discothèques."
Comme beaucoupd’autres, Tô Nhu constate ce qui semble être un phénomène universel : levieillissement des auditeurs. Elle trouve aussi une autre tendance depuisquelques décennies : le goût des parents vietnamiens de faire apprendre lamusique classique à leurs enfants. Or, si la musique classique est de plus enplus perçue comme trop académique, et ne se révèle accessible qu’à une petitepartie des auditeurs, comment les professionnels de la musique classiquepeuvent-ils survivre, faire vivre la musique classique avec son époque ?
"Dans lemonde d’aujourd’hui, les jeunes sont très intelligents et dynamiques, ilspeuvent comprendre rapidement le contexte de chaque composition. Un musicienn’est pas un robot : il doit comprendre et jouer les notes avec unesignification. Voilà la mission importante de l’enseignement de la musique auVietnam : faire évoluer la profession des jeunes musiciens."
Premier concertpersonnel et d’autres projets à réaliser
Surtout, Tô Nhugarde dans son cœur sa flamme pour la musique classique, d’où elle voudraitlancer son plus ambitieux projet "Esprit musical Hanoï" - un centred’activités artistiques au bord du fleuve Rouge de la capitale, qui inviteraitles artistes, enseignants, jeunes diplômés, ainsi que des non-professionnels, àpartager leur amour pour cette musique intense, et à discuter ensemble d’autresprojets d’arts en général.
Situé dans lequartier de Ngọc Thụy (district de Long Biên) et à environ 3 kilomètres ducentre-ville, "Esprit musical Hanoï" devrait devenir une adresseincontournable pour tous les amateurs de musique en général, lorsqu’il seradoté d’une salle de spectacle de haute qualité sonore, des studiosd’enregistrement modernes, des bars, cafés et restaurants, ainsi qu’un jardinde style européen.
"La sociétéévolue rapidement, et tout le monde accueille les influences interculturellesde manière ouverte. Les musiciens doivent eux-mêmes s’adapter aux nouvellestendances de la société : les technologies, les modes de vie, les tendances…C’est pourquoi, je voudrais bâtir un endroit qui permet l’interaction entredifférents publics, où les artistes pourraient présenter en plus d’autresstyles musicaux modernes."
Esprit musicalHanoï" poursuit ainsi l’idée initiale de Tô Nhu : rapprocher la musiqueclassique du public vietnamien. Et pour la première étape de ce projet, lajeune pianiste voudrait organiser son premier concert personnel intitulé Voyageimprovisé qui se tiendra le 22 janvier 2021 à l’Opéra de Hanoï.
Dans son programme,il s’agit des morceaux "de Bach, de Chopin et de Debussy" : une"conversation agréable entre la pianiste, l’orchestre et lesauditeurs" qui va "revivre les concepts les plus profonds sur lebonheur, l’esthétique et l’existence humaine".
Que de beauxsuccès attendent cette jeune Hanoïenne !-CVN/VNA