Phuoc Thiên, la langue de Shakespeare chuchotée aux élèves
Nguyên Phuoc Thiên est orphelin de père. Sa mère a dû travailler dur pour bien s’occuper de lui. À l’âge de 10 ans, suite à une chute, il a perdu progressivement l’usage de la vue. À ce moment-là, il ne comprit pas vraiment ce qui lui arrivait et les difficultés qu’il allait rencontrer. Son handicap ne l’empêcha cependant pas de se surpasser et de développer une volonté d’acier. Chaque jour, il s’efforça d’apprendre sans retenue afin de ne pas devenir une charge pour sa mère.
Au secondaire, Thiên apprit l’anglais dans un centre de langues
étrangères à Hô Chi Minh-Ville. En 11 e classe (l’équivalent de la 1 re
en France), il possédait déjà un bon niveau. Après ses études
secondaires, Thiên entra au Département de langue anglaise de l’École
normale de Hô Chi Minh-Ville. Quatre ans plus tard, il en sortit major
avec mention très bien, et décida d’enseigner la langue de Shakespeare à
domicile.
Une classe atypique
Dans sa salle de classe,
il n’y a pas de tableau. Tout est remplacé par un ordinateur et chaque
élève est en face d’un micro. Le professeur et ses étudiants
communiquent toujours en anglais, et son cours ne désemplit pas depuis
une vingtaine d’années.
M. Thiên enseigne aussi l’anglais en ligne.
Nguyên Phuoc Thiên enseigne aussi en
ligne ou par téléphone. Environ 90% de ses élèves sont des
universitaires. Ils viennent aussi d’écoles normales supérieures, de
second cycle, et même de troisième cycle. « Ma première classe est née
grâce à des amis qui étudiaient ensemble au centre d’anglais. Au début,
ils me posaient des questions et je leur répondais. Ensuite, comme ils
trouvaient que j’enseignais pas mal et qu’ils comprenaient facilement,
ils m’ont suggéré d’ouvrir un cours chez moi. Actuellement, plusieurs de
mes élèves sont les enfants de mes anciens élèves !».
Thiên a
passé beaucoup de temps à sélectionner des programmes, des émissions
télévisées du pays et de l’étranger, des bulletins d’information en
anglais, qui constituent autant de supports pour ses cours de
compréhension et d’expression orales. Quand il rencontre des étrangers,
il enregistre aussi souvent la conversation et l’utilise dans son cours.
Dans sa maison, plusieurs générations de technologies cohabitent :
lecteur de cassettes (il possède 500 cassettes audio), lecteur de DVD,
ordinateur, enregistreurs numériques, walkmans... « Tous ces appareils
sont au service de mon enseignement et aussi de ma formation, car je
continue à apprendre !».
En observant de plus près toutes ces
machines reliées entre elles, on a du mal à imaginer que c’est lui qui
les a installées lui-même. «Il n’y a que moi qui puisse comprendre
toute cette organisation. La plupart des gens ne croient pas une seconde
que c’est moi qui a installé tout ce système !», s’amuse-t-il.
Un homme généreux
Dans
son cours, à côté de l’anglais, il cherche aussi à transmettre à ses
élèves ce qu’il juge être de bonnes valeurs, via entre autres des leçons
de bouddhisme. «D’une manière générale, j’oriente le contenu de mes
leçons d’anglais vers le bon et le beau» , explique-t-il.
Pour sa
mère, Thiên est toujours un enfant plein d’énergie. «Depuis des
dizaines d’années, je ne m’autorise pas à être triste, parce que sinon,
ma mère le sera plus que moi. Depuis l’enfance, je veux rendre ma mère
heureuse».
Malgré les difficultés, l’enseignant aveugle est
heureux de sa vie actuelle. «Je pense que j’ai beaucoup de chance avec
mon métier de prof. Bien que je sois handicapé, je peux vivre en faisant
ce que j’aime et je ne suis un poids pour personne. Ma mère est
heureuse de cela, et c’est pour moi le principal».
Encore
célibataire à l’âge de 40 ans, Nguyên Phuoc Thiên n’a pas l’intention de
se marier. Il considère sa vie actuelle comme pleinement satisfaisante,
tout simplement. - VNA