Pesticides et dioxines dans la peninsule indochinoise hinh anh 1Dessin de Nguyên Anh Minh Thu, 11 ans, au musée d'Hô Chi Minh-Ville. Photo : P. Journoud
 
Hanoï (VNA) - La visioconférence sur les pesticides et dioxines dans la péninsule indochinoise a réuni jeudi 28 janvier (de 11h30 à 13h) plusieurs enseignants-chercheurs du programme de recherche interdisciplinaire sur les conséquences de la Pollution environnementale par l’agent orange et les pesticides utilisés par les agriculteurs dans la Péninsule Indochinoise (PAGOPI).

Engagé en 2019 avec le soutien de la Maison des sciences de l’homme de Montpellier (MSHSUD), le programme de recherche interdisciplinaire sur les conséquences de la Pollution environnementale par l’agent orange et les pesticides utilisés par les agriculteurs dans la Péninsule Indochinoise (PAGOPI) a donné lieu à une première série de missions de recherches, en 2019, avant d’être provisoirement interrompu par la pandémie en 2020.

Introduite et animée par l’historien Pierre Journoud, la conférence du 28 janvier 2021 a eu lieu en présence de Trân Tô Nga, Franco-Vietnamienne victime de l’Agent orange qui se bat, non seulement pour elle-même et pour sa famille, mais aussi pour des millions de familles endeuillées par les conséquences de la guerre chimique au Vietnam. En 2014, Trân Tô Nga a intenté un procès contre Monsanto et une vingtaine d’autres firmes chimiques ayant produit et commercialisé les défoliants utilisés pendant la guerre du Vietnam, dont l’Agent orange. Après une longue interruption, le procès reprend son cours, précisément, ce lundi 25 janvier (Le Monde ; Libération).

En liaison avec cette occasion historique de faire connaître la plus grave "guerre chimique" de l’histoire et d’en préciser les responsabilités, cette conférence vise à dresser un premier bilan des connaissances, à faire connaître les objectifs et les activités de PAGOPI auprès d’un plus large public.

Résolument scientifique, elle s’adressera néanmoins à un large public. Elle sera suivie (vous en serez informés) par un cycle de conférences en ligne, entre février et juin 2021, puis par une conférence internationale prévue fin 2021 ou début 2022, en fonction de la situation sanitaire.

Communiqué de soutien à Trân Tô Nga
Pesticides et dioxines dans la peninsule indochinoise hinh anh 2Trân Tô Nga (debout) prenant la parole lors d'une rencontre avec des Viêt kiêu" soutenant son combat en Europe. Photo: VNA
"Ce 30 juin 1968, mes camarades [de résistance] se pressent à la porte de ma cabane, une pièce unique au toit de feuilles et au sol de terre battue. Sous leurs regards attendris, je suis la plus heureuses des mamans, ma fille au creux des bras, une poupée pelotée de trois kilos. Elle ne crie pas, ne pleure pas, me fixe de ses yeux ronds d’étonnement. Nous l’appellerons Viêt Hai, la mer du Vietnam". (Trân Tô Nga, Ma terre empoisonnée, Stock, 2018, p. 142-143).

Pour cette jeune et radieuse journaliste de 26 ans missionnée par la "résistance anti américaine" sur la "piste Hô Chi Minh" qui serpente entre le Sud-Vietnam et le Cambodge, le bonheur maternel sera de courte durée. Quelques mois plus tard, atteinte d’une cardiopathie congénitale rare et impossible à soigner dans la jungle, Viêt Hai rend son dernier souffle. Elle n’a pas 18 mois. Convaincue d’être elle-même responsable de la mort de son enfant à cause de la dureté de sa vie clandestine, Trân Tô Nga se culpabilisera longtemps. Jusqu’à la découverte – la révélation – d’un article scientifique sur les ravages de la dioxine contenue dans les défoliants dont le président Kennedy avait autorisé l’usage au Sud-Vietnam, le 30 novembre 1961, à des fins militaires de destruction du couvert végétal et des rizières : "Je n’ai su la vérité que quarante ans plus tard : elle était déjà condamnée dans mon ventre, empoisonnée par l’agent orange" [Ibid. p.154].

Le 25 janvier 2021, Nga retourne au combat. Les années ont passé ; les avocats ont remplacé les GIs et les guérilleros ; l’étouffante jungle vietnamienne a cédé la place aux murs un peu froids du tribunal d’Evry. Aujourd’hui, vient de s’ouvrir une nouvelle phase du procès que Nga a intenté en 2014 contre Mosanto et une quinzaine d’autres compagnies chimiques américaines ayant produit et vendu les défoliants aux armées américaine et sud-vietnamienne pendant la guerre : celle tant attendue des plaidoiries.

Du haut de ses 79 ans, Nga n’a rien perdu de sa détermination ni de sa force. Même les pires épreuves de la guerre et de l’après-guerre n’ont pu anéantir son tendre sourire et sa généreuse présence à l’autre, et encore moins ses espoirs. Car elle incarne désormais le combat de centaines de milliers de victimes vietnamiennes et étrangères de la plus grande guerre chimique de l’histoire qui, plus d’un demi-siècle après les faits, attendent encore que justice et réparation soient faites. C’est dire le caractère historique de ce procès intenté pour la première fois sur le sol français, par une Franco-Vietnamienne elle-même victime des effets de la dioxine contenue dans les défoliants chimiques – le pire poison que l’homme n’ait jamais inventé.

Désormais, Nga peut compter sur le soutien, non seulement de son avocat Maître Bourdon et de ses associés, mais aussi d’une foule de personnalités et d’anonymes réunis par une même quête d’humanisme, d’écologie et de justice.

C’est avec la conviction que les effets à long terme de cette tragédie devaient être approchés selon une méthode résolument scientifique, parallèlement aux indispensables initiatives humanitaires et judiciaires, que l’Association Française pour l’expertise de l’agent orange et des perturbateurs endocriniens (AFAPE) a donné naissance en 2019, grâce au soutien de la MSH-Sud, à un programme de recherches interdisciplinaire sur les conséquences de la Pollution environnementale par l’agent Orange et par les pesticides utilisés par les agriculteurs dans la Péninsule Indochinoise (PAGOPI). -PAGOPI/CVN/VNA
Nguyễn Hồng Ngọc source