Le ministère vietnamien des Affaires étrangères a organisé le 16 juin une conférence de presse internationale sur la situation en Mer Orientale. L'Agence vietnamienne d'Information (VNA) présente ci-dessous l'allocution du vice-président du Comité national des frontières, Tran Duy Hai, lors de cette conférence de presse.

1. La Chine a provoqué, de par ses actes de violation du droit international, l'escalade des tensions en Mer Orientale

Comme vous le savez, le 2 mai 2014, la Chine a implanté la plate-forme de forage Haiyang Shiyou-981 (Hai Duong 981) sur un site aux coordonnées de 15 degrés 29,58 minutes de latitude Nord et de 111 degrés 12,06 minutes de longitude Est. Le 27 mai 2014, ladite plate-forme a été déplacée sur un site aux coordonnées de 15 degrés 33,38 minutes de latitude Nord et de 111 degrés 34,62 minutes de longitude Est. Ces sites, situés profondément à l'intérieur de la zone économique exclusive et du plateau continental du Vietnam, se trouvent de 130 à 150 milles marins des côtes vietnamiennes. Cet acte de la Chine constitue une violation de l'accord entre les hauts dirigeants des deux pays visant à ne pas élargir et à rendre plus complexes les différends en Mer Orientale. Il s'agit d'une atteinte à la souveraineté, aux droits souverains et à la juridiction du Vietnam établis par la Convention des Nations Unies de 1982 sur le droit de la mer.

Le Vietnam proteste d'une manière cohérente avec une grande fermeté contre tout acte de violation par la Chine de sa souveraineté, de ses droits souverains et sa juridiction dans sa zone économique exclusive et son plateau continental. C'est dans la zone de l'emplacement de ladite plate-forme Haiyang Shiyou-981 que la Chine avait, à plusieurs reprises, procédé à des actes de violation en menant des explorations géologiques 2D, 3D dès 2005. A chaque fois, le Vietnam y a envoyé des bateaux chargés de l'exécution de la loi pour mener des actions de sensibilisation et de protestation contre lesdites activités en réalisant plusieurs échanges diplomatiques avec la Chine sur cette question et lui soumettant des notes diplomatiques pour protester énergiquement contre ces actes illégaux de la Chine. Au cours de ces temps, au moins trois échanges entre des Vice-Ministres des Affaires étrangères du Vietnam et l'Ambassadeur de Chine à Hanoi ont été réalisés. Le 5 août 2010, le porte-parole du Ministère des Affaires Etrangères du Vietnam s'est trouvé obligé de protester publiquement contre des actes de violation par la Chine de sa souveraineté, de ses droits souverains et de sa juridiction en Mer Orientale ainsi que d'exiger de la Chine qu'elle y mette fin immédiatement et qu'elle veille à ce que de tels actes de violation ne se reproduisent.

Lors des conférences de presse tenues au cours de ces derniers jours, la Chine a tenu des propos diffamatoires à l'égard du Vietnam en disant que le Vietnam avait intentionnellement percuté des bateaux d'escorte chinois et que s'il y avait eu un bateau de pêche vietnamien coulé, c'était parce que ce dernier avait délibérément heurté des bateaux chinois. Quant à la vérité sur ce qui s'est réellement passé? Vous la savez sans nul doute. Nombreux d'entre les journalistes ici présents ont vu de leurs propres yeux des actes d'arrogance des bateaux chinois. Ces actes de la Chine constituent non seulement une violation du droit international qui interdit l'usage de la force et la menace de l'usage de la force mais ce sont aussi des traitements inhumains infligés à des pêcheurs vietnamiens.

2. Position du Vietnam sur la réclamation de souveraineté par la Chine vis-à-vis de l'archipel de Hoang Sa

Le Vietnam rejette la revendication par la Chine de sa souveraineté sur l'archipel de Hoang Sa, qu'elle appelle "Xisha” puisque les revendications chinoises sont dépourvues de fondements historiques et juridiques. Les documents historiques démontrent que la Chine n'a pas de souveraineté sur l'archipel de Hoang Sa

La Chine a avancé un certain nombre de documents historiques. Or, "ces documents historiques" chinois sont ceux n'ayant pas d'origines bien établies, entachés d'inexactitudes et qui sont interprétés de façon arbitraire. Tous ces documents sont tous fournis par des individus. Aucun d'entre eux n'était un document officiel de l'Etat féodal chinois. Dans lesdits documents, l'archipel de Hoang Sa était nommé et décrit d'une manière incohérente. Au regard du droit international relatif à l'acquisition territoriale, une nation ne peut établir sa souveraineté sur un territoire que par l'exercice de sa souveraineté au nom d'un Etat. Les documents rendus publics par la Chine n'ont pas démontré l'établissement par l'Etat féodal chinois de sa souveraineté sur l'archipel de Hoang Sa quand celui-ci était encore res nullius.

En 1898, après le naufrage de deux bateaux Bellona et Huneji Maru sur Hoang Sa sur lesquels ont eu lieu des actes de pillage des pêcheurs chinois, le vice-roi du Guangdong a argumenté que l'archipel de Hoang Sa était des îles abandonnées et qu'il n'appartenait pas à la Chine. Sur le plan administratif, cet archipel n'était rattaché à aucun district du Hainan et nulle autorité spéciale n'était chargée de leur police. La partie chinoise a ainsi décliné toute responsabilité sur des actes de pillage réalisés par des pêcheurs.

Le Vietnam, quant à lui, a rendu publique des preuves tangibles qui justifient l'établissement par l'Etat féodal du Vietnam de sa souveraineté sur cet archipel quand celui était un territoire res nullius. Au moins dès le 17ème siècle, les rois de la dynastie Nguyen ont organisé des activités d'exploitation de spécialités sur ces archipels, fait un travail de cartographie et d'hydrographie et pris des mesures destinées à garantir la sécurité des bateaux d'autres pays naviguant dans la zone de l'archipel de Hoang Sa. Toutes ces activités ont été enregistrées dans les documents officiels promulgués par l'Etat féodal du Vietnam qui existent sous forme de Chau Ban, conservés à l'heure actuelle au Vietnam.

Après la signature du Traité de protectorat en 1874 et en 1884 avec l'Etat féodal du Vietnam, la France, a continué, au nom du Vietnam, à exercer la souveraineté sur l'archipel de Hoang Sa. Elle a publiquement protesté contre les actes d'agression de la Chine. La France a entrepris de nombreuses actions souveraines sur l'archipel de Hoang Sa comme la construction et le fonctionnement de phares maritimes, l'installation d'une station météorologique, l'établissement d'une unité administrative rattachée à l'Annam (le Centre du Vietnam), la délivrance d'actes de naissance à l'endroit des Vietnamiens nés à Hoang Sa. En 1909, l'amiral cantonais Li Zhun a réalisé des activités d'exploration de l'archipel de Hoang Sa, une atteinte à la souveraineté du Vietnam vis-à-vis de cet archipel solidement établie par les dynasties de l'Etat féodal du Vietnam et dont la France a continué à assumer l'exercice au nom du Vietnam. La France a protesté, au nom du Vietnam, contre ces actes de violation de la Chine et clairement stipulé que la souveraineté sur l'archipel de Hoang Sa avait été établie par l'Etat d'Annam dès 1816. En 1946, l'administration de Chiang Kai Shek a profité du contexte de fin de la Seconde guerre mondiale pour occuper illégallement l'île de Pattle (Phu Lam). En 1947, la France a rendu publique une déclaration contre cette invasion en proposant à la Chine de mener des négociations et de porter l'affaire devant une cour d'arbitrage internationale. Mais l'administration de la République de Chine a refusé cette option. L'administration de Chiang Kai Shek a par la suite retiré ses troupes de l'île de Pattle.

L'archipel de Hoang Sa n'a pas été conféré à la Chine à l'issue de conférences internationales

A l'issue de la Seconde Guerre mondiale, le Japon a dû renoncer à ses droits sur tous les territoires occupés par la force durant la Seconde Guerre mondiale dont l'archipel de Hoang Sa. La Déclaration du Caire de 1943, celle de Postdam de 1945 et le Traité de San Francisco de 1951 ont inventé la liste des territoires que le Japon devait restituer à la Chine. L'archipel de Hoang Sa et l'archipel de Truong Sa n'en ont pas fait partie. Ce qui est à noter, c'est que l'administration de Chiang Kai Shek, partie prenante aux négociations des Déclarations du Caire et de Postdam, n'a pas abordé le cas de l'archipel de Hoang Sa et celui de Truong Sa. Lors de la conférence de San Francisco, la proposition de la délégation soviétique relative à la modification du projet de Traité aux fins d'inscrire l'archipel de Hoang Sa et l'archipel de Truong Sa au titre des territoires chinois a été rejetée par la majorité avec 46 voix contre (sur un total de 51 voix). Cependant, la déclaration de Monsieur Tran Van Huu, Premier Ministre de l'Etat du Vietnam, chef de la délégation vietnamienne, a réaffirmé la souveraineté du Vietnam vis-à-vis de l'archipel de Hoang Sa et de celui de Truong Sa sans se heurter à la moindre contestation des participants.

La Chine qui a violé le principe de non-recours à la menace ou à l’emploi de la force ne peut pas établir sa souveraineté sur Hoang Sa

La Chine a envahi illégalement à deux reprises les îles de l’archipel de Hoang Sa. En 1956, en profitant du retrait des Français de l’Indochine, la Chine a envahi les îles orientales de Hoang Sa, suscitant une forte opposition de la part du Gouvernement de la République du Vietnam contre cette occupation. En 1959, des soldats chinois déguisés en pêcheurs ont débarqué sur un groupe d'îles situé dans la partie Ouest de l'archipel de Hoang Sa. Les forces armées de la République du Vietnam ont déjoué avec succès ce dessein et arrêté 82 de ces "pêcheurs" chinois. Il est à noter que toutes ces deux tentatives d’occupation ont été réalisées ultérieurement à la déclaration par le Vietnam, à la Conférence de San Francisco en 1951, de sa souveraineté sur les archipels de Hoang Sa et Truong Sa ; déclaration à laquelle aucune opposition ne s’est manifestée. En 1974, en profitant de la situation de guerre au Vietnam, les forces chinoises ont réalisé une attaque militaire contre les forces du Sud Vietnam présentes sur Hoang Sa et se sont emparées de l’archipel. C’est pour la première fois que la Chine s’est appropriée du contrôle de l’ensemble de l’archipel de Hoang Sa.

L’utilisation de la force en vue de s’emparer du territoire d’une autre nation constitue une violation des principes fondamentaux du droit international et ne peut en aucun cas donner naissance à la souveraineté chinoise sur Hoang Sa.

Le Vietnam n’a jamais reconnu la souveraineté chinoise sur les archipels de Hoang Sa et Truong Sa

La Chine a intentionnellement déformé l’histoire et interprété incorrectement les faits historiques en invoquant une note diplomatique signée par le Premier Ministre Pham Van Dong en 1958 ainsi qu’un certain nombre de documents et ouvrages publiés au Vietnam avant 1975 comme des preuves de la reconnaissance par le Vietnam de la souveraineté chinoise sur Hoang Sa. Le Vietnam s’oppose résolument à cette déformation, pour plusieurs raisons.

Premièrement, la note diplomatique du Premier Ministre Pham Van Dong ne contient aucune mention sur Hoang Sa et Truong Sa. Cette note, qui n’aborde pas du tout les questions de souveraineté, n’est qu’un simple document dont le contenu est d’annoncer le fait que les organes du Gouvernement de la République Démocratique du Vietnam respecteront l'étendue de 12 miles marins des eaux territoriales chinoises.

En la plaçant dans le contexte historique de l’année 1958, ladite note diplomatique doit être comprise comme une action de solidarité de la part de la République Démocratique du Vietnam visant à soutenir l’élargissement par la Chine de sa ceinture de sécurité en mer de 3 à 12 milles marins. De manière intentionnelle, la Chine est en train de sortir la note diplomatique de son contexte historique, de la dénaturer et de l’interpréter arbitrairement afin de servir ses revendications territoriales injustifiées.

Deuxièmement, étant l’une des parties signataires de l’Accord de Genève de 1954, la Chine doit savoir que selon les dispositions de cet Accord, les archipels de Hoang Sa et Truong Sa, qui se trouvent au sud du 17ème Parallèle, étaient placés sous le contrôle de la République du Vietnam et ne relevaient pas de l’administration du Gouvernement de la République Démocratique du Vietnam. La République Socialiste du Vietnam – Etat du Vietnam unifié depuis 1976 – a immédiatement hérité et confirmé de manière continue la souveraineté sur ses archipels, souveraineté qui a été établie solidement au cours de l’histoire par différents représentants du Vietnam.

En 1974, la Chine a recouru à la force pour envahir l’ensemble de l’archipel de Hoang Sa du Vietnam. Le Gouvernement de la République du Vietnam ainsi que le Gouvernement révolutionnaire provisoire de la République du Sud Vietnam se sont protestés contre l’invasion chinoise. La République du Vietnam a demandé au Conseil de Sécurité des Nations Unies de tenir une session extraordinaire sur le recours par la Chine à la force. Au regard du droit international relatif à l’acquisition de territoires, l’occupation d’un territoire par la force ne peut pas conférer au profit de l’occupant la souveraineté sur ledit territoire.

Le dirigeant Deng Xiaoping, qui était en 1958 Secrétaire général du Parti communiste chinois, connaissait parfaitement le contexte historique des documents invoqués actuellement par la Chine. C’est pourquoi en septembre 1975, dans un entretien avec le dirigeant vietnamien Le Duan - Secrétaire général du Parti communiste vietnamien, monsieur Deng Xiaoping, en qualité de vice-président du Parti communiste chinois et vice – Premier ministre, a reconnu que les deux pays avaient des points de vue divergents concernant la souveraineté sur les archipels de Hoang Sa et Truong Sa et que les deux pays se discuteraient ultérieurement pour y trouver une solution. Un mémorandum du Ministère chinois des Affaires étrangères en date du 12 mai 1988 a clairement relaté le contenu des propos de Deng Xiaoping. Le Vietnam demande à la Chine qu’elle respecte cette vérité historique et qu’elle procède sérieusement aux négociations avec le Vietnam relatives à la souveraineté sur l’archipel de Hoang Sa.

3. Le Vietnam s’est efforcé avec bonne volonté de résoudre la tension actuelle par la négociation et par d’autres moyens pacifiques, suite à l'implantation illégale par la Chine de la plate-forme de forage Haiyang Shiyou-981 dans la zone maritime du Vietnam mais la Chine a réagi de manière non constructive

Depuis plus d’un mois, en conformité avec la Charte des Nations Unies, la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982, la Déclaration sur la conduite des Parties en Mer Orientale et les accords de haut niveau entre les deux pays, le Vietnam s’est efforcé de prendre contact et de dialoguer avec la Chine sous différentes formes et à différents niveaux afin de lui demander de mettre fin aux actes de violation des droits souverains et de la juridiction du Vietnam, de respecter la souveraineté du Vietnam sur l’archipel de Hoang Sa, de créer ainsi les conditions nécessaires aux négociations visant à trouver des solutions de stabilisation de la situation et de gestion des questions maritimes bilatérales. Le Vietnam a procédé à plus de 30 échanges avec les organes compétents chinois, mais la Chine refuse toujours les négociations effectives.

Non seulement la Chine n’a pas répondu à la bonne volonté du Vietnam, mais elle s’est livrée à des accusations infondées et faussant la vérité, en déclarant que les bateaux vietnamiens ont réalisé plus de 1.500 percussions contre les bateaux chinois, sans pour autant fournir aucune preuve de ces percussions. Or, le Vietnam a rendu publiques plusieurs vidéos et photos dénonçant les actions agressives et violentes des forces chinoises : percuter les bateaux vietnamiens, utiliser les canons à eaux contre ces derniers, faire sombrer un bateau de pêche du Vietnam et blesser des dizaines de Vietnamiens. Le Vietnam a invité des journalistes internationaux à se rendre sur les lieux et ceux-ci ont relaté le déroulement des événements de manière objective.

La cause directe de la tension actuelle est l’installation illégale par la Chine d’une plate-forme de forage dans la zone économique exclusive et sur le plateau continental du Vietnam. Or, la Chine a déclaré qu'il s'agissait de sa zone maritime. Le Vietnam a fait preuve de bonne volonté et demandé plusieurs fois à la Chine de retirer la plate-forme pour que les deux parties puissent trouver pacifiquement une solution sur la base du droit international. Mais la Chine se refuse obstinément de retirer la plate-forme et de procéder aux négociations. Ainsi, la déclaration chinoise selon laquelle la porte aux négociations reste ouverte ne correspond pas à la réalité. Encore une fois le Vietnam demande à la Chine de respecter le droit international, de mettre fin immédiatement aux actes de violation des droits souverains et de la juridiction du Vietnam dans la zone économique exclusive et sur le plateau continental du Vietnam, de retirer la plate-forme ainsi que les autres équipements de la zone maritime du Vietnam et de ne pas répéter les actes similaires dans l’avenir. Le Vietnam renouvelle à la Chine sa demande de résoudre tous les différends, y compris ceux portant sur la souveraineté territoriale et sur la juridiction en mer, par les moyens pacifiques en conformité avec le droit international dont la Convention de 1982 des Nations Unies sur le droit de la mer.-VNA