Quang Ngai (VNA) - Dans la province de Quang Ngai, le sel de Sa Huynh, plus qu’une simple denrée, porte en lui une tradition millénaire. Reconnu patrimoine culturel immatériel national, le savoir-faire lié à sa production, transmis de génération en génération, est un pilier de l’identité locale.
Malgré les caprices du temps et les défis économiques, les paludiers de Sa Huynh, dans la province de Quang Ngai (Centre), s’accrochent avec ferveur à leur métier ancestral. Ce dévouement inébranlable est d’autant plus remarquable que de nombreux autres villages salins du pays ont vu leurs habitants délaisser cette activité au profit de métiers plus lucratifs.
Histoire intime
Selon le Dr. Doàn Ngoc Khôi, expert de la culture de Sa Huynh, les salines de la région sont indissociables du site culturel de Sa Huynh, d’importance nationale. La production de sel a toujours été une pratique communautaire, ancré dans le tissu social et familial, se transmettant par le bouche à oreille, geste par geste, à travers les âges.
Les archives du musée de Quang Ngai révèlent que Sa Huynh a connu plusieurs dénominations au cours de son histoire. La production de sel dans la région a débuté avec l’arrivée de migrants venus de zones réputées pour leur sel, comme les provinces de Nghê An et Thanh Hoa (Centre).
Pendant l’ère des seigneurs des Nguyên (1558 - 1777), la région de Dàng Trong (comprenant le Centre et le Sud du Vietnam actuel) était soumise à diverses impositions, dont une taxe sur le sel, collectée par les autorités locales.
Le Dông Khanh dia du chi (Registre géographique Dông Khanh) atteste de la renommée du sel de Sa Huynh, et désigne le village sous le nom de Tân Diêm, plus grand producteur de sel de Quang Ngai à l’époque, exportant environ 7.000 tonnes par an, notamment vers Hong Kong (Chine) et les régions montagneuses.
L’occupation coloniale française a marqué une période d’exploitation économique pour les paludiers de Sa Huynh, contraints de vendre leur production à des prix dérisoires, tandis que les Français la revendaient à des tarifs exorbitants. Pour faciliter le transport du sel, le chemin de fer Nord-Sud fut construit, avec une gare à Sa Huynh.
Malgré les aléas de l’histoire, les habitants de Sa Huynh n’ont jamais oublié les origines de leur métier. Aujourd’hui, à Tân Diêm (quartier de Duc Phô), un temple est dédié aux ancêtres du sel, où les agriculteurs continuent d’offrir de l’encens lors d’occasions spéciales, comme les 1er et 15e jours de chaque mois lunaire.
Un dicton populaire de Sa Huynh illustre la pénibilité du travail du sel : “Les paludiers travaillent sans relâche, cherchant l’ombre quand il fait frais, endurant le soleil quand il fait chaud !”. La méthode traditionnelle de production repose l’évaporation de l’eau de mer au soleil dans des bassins peu profonds. Les agriculteurs capturent l’eau de mer dans des salines où la chaleur du soleil et le vent provoquent l’évaporation de la majeure partie de l’eau. La saumure concentrée précipite le sel, qui est ensuite récolté avec des outils manuels.
Nguyên Van Ut, paludier à la commune de Long Thanh 1, détaille le processus de construction des champs de sel : des digues sont érigées, des parcelles de 200 m2 sont soigneusement délimitées, puis une couche de sable, trempée dans l’eau de mer et séchée, est déposée, garantissant un sel plus pur et plus blanc. Cette seule préparation prend environ deux mois avant que l’eau de mer ne soit introduite dans les bassins.
Les paludiers travaillent principalement à midi, lorsque la chaleur du soleil est à son zénith, permettant une évaporation plus rapide. Plus le soleil est ardent, plus les cristaux de sel sont blancs et gros. Contrairement aux méthodes modernes à base de ciment ou de bâches, le sel produit sur des surfaces de terre traditionnelles conserve une saveur plus riche.
Actuellement, les salines de Sa Huynh s’étendent sur environ 106 ha, impliquant plus de 560 ménages répartis dans le quartier de Sa Huynh. La production annuelle atteint 6.500 à 7.000 tonnes, avec une variété de produits tels que le sel brut, le sel torréfié, le sel poivré, le sel de bambou, la fleur de sel et le sel fin.
Cependant, les prix connaissent des fluctuations spectaculaires : la fleur de sel, produit le plus prisé, se vend parfois à seulement 20.000 dôngs/kg (environ 0,80 dollar/kg), tandis que le sel fin peut descendre jusqu’à 500 dôngs/kg.
Pérennité de l’héritage
Récolte de sel de Sa Huynh, à Quang Ngai. Photo : VNA/CVN

M. Khôi insiste sur la nécessité de préserver le métier de saunier de Sa Huynh, en maintenant son intégrité écologique et culturelle face à l’urbanisation et aux menaces environnementales.
Des projets sont en cours à Quang Ngai pour sauvegarder le sanctuaire ancestral et les cérémonies traditionnelles, notamment le festival annuel des ancêtres du sel qui se tient le 16e jour du 7e mois lunaire.
Dans le cadre de ces efforts de conservation, les arts du spectacle traditionnels, comme le tuông (théâtre classique) et les performances artistiques populaires historiquement associées à la communauté salicole, sont en cours de revitalisation pour honorer cet héritage culturel durable.
La protection du patrimoine salin de Sa Huynh est cruciale. C’est un engagement envers le passé, le présent et les générations futures, assurant que cette tradition unique continue de briller. -CVN/VNA