Après avoir connu son apogée au 15ème siècle, le culte de la Sainte-Mère continue d’être pratiqué par les Vietnamiens. Pourquoi cette remarquable longévité ? Sans doute parce que c’est un culte authentiquement vietnamien, où l’on vénère la Mère Univers, les mères génitrices et les héros nationaux.
En plus d’être une croyance, le culte de la Sainte-Mère est un musée vivant de la culture vietnamienne, combinant la sculpture, l’architecture, la musique, la danse, les arts martiaux, la gastronomie et la mode. Les chamans servent d’intermédiaires entre le monde des vivants et celui des divinités. Bui Thanh Kien explique que lorsqu’il entre en transe, les génies empruntent sa voix pour proférer des conseils et bénir les fidèles: « Lorsque je sers d’intermédiaire à un génie de la catégorie « mandarins », je dois porter la tenue typique des mandarins et avoir un comportement majestueux. C’est tout à fait autre chose lorsqu’il s’agit de jouer le rôle d’une fée qui vient au secours des habitants ». Nguyen Thi Mat, une femme chaman : « On ne peut pas entrer en transe si notre corps n’est pas investi par une divinité. Et c’est parce qu’on est habité par un génie qu’on peut distribuer notre propre argent aux fidèles ».
Vénérer la mère, c’est vénérer celle qui crée, procrée et protège l’humanité. A la différence d’autres croyances, le culte de la Sainte-Mère ne promet pas un monde meilleur après la mort, mais vise à rendre le présent plus agréable. Les fidèles croient à des promesses de santé, d’argent et de carrière.
Selon Nguyen Khac Loi, directeur adjoint du service de la Culture, des Sports et du Tourisme de Hanoï, le Vietnam est en train d’élaborer un dossier à soumettre à l’UNESCO dans l’espoir de voir le culte de la Sainte-Mère inscrit sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité. « Le culte de la Sainte-Mère est propre aux Vietnamiens. Riche en rituels, c’est une croyance profondément humaniste qui a une vie animée en dehors des ouvrages canoniques. Nous sommes optimistes quant à ses chances de recevoir les honneurs de l’UNESCO ».
Cette croyance connaît un développement vigoureux, tant en ville qu’à la campagne, avec des particularités régionales. En 2009, le ministère de la Culture, des Sports et du Tourisme, en collaboration avec le comité populaire de la province d’Ha Nam, a organisé une grande fête au temple Lanh Giang, haut-lieu de cette croyance populaire. En 2010, le premier festival du culte de la Sainte-Mère dans le delta du fleuve Rouge a eu lieu à l’institut zen de Truc Lam, dans la province de Vinh Phuc. La deuxième édition vient tout juste d’avoir lieu à Hanoï avec la participation de plus de 170 chamans venus de plusieurs localités du pays. -VOV/VNA