Le chant then veut devenir patrimoine mondial
Le chant then est une spécialité des ethnies Tày, Nùng et Thai des provinces du Nord-Ouest. Le Vietnam proposera bientôt à l’UNESCO de le reconnaître comme patrimoine culturel immatériel de l’Humanité.
Le then , chant des
ethnies minoritaires Tày, Nùng et Thai, a un rôle important dans la vie
de ces dernières. Il s’agit d’une sorte de poème religieux chanté, qui
raconte le voyage menant au paradis afin de converser avec l’Empereur de
Jade. Bien sûr, contenu et longueur peuvent varier selon les auteurs,
mais les textes sont toujours composés de plusieurs parties. Le plus
long poème connu à ce jour contient 5.000 vers divisés en 35 sections.
Il est traditionnellement accompagné du dàn tinh (instrument à deux ou
trois cordes à manche long, dont la caisse de résonance est une
calebasse coupée et séchée).
Selon Ma Van Duc, ex-directeur du
Service de la culture, des sports et du tourisme de la province de Tuyên
Quang, le then comprend des chants et danses qui sont des chansons
folkloriques rituelles. Le mot then est originaire du mot «Thiên»
(ciel), c’est pourquoi on le considère comme "le chant des fées".
Toujours
selon M. Duc, l’origine du then demeure mal connue mais d’après le
feu artiste Hà Phan (commune Tân An, district de Chiêm Hoa, province de
Tuyên Quang), il serait né sous la dynastie des Mac. En voici la légende
: après une bataille militaire perdue, le roi tomba malade. Les
mandarins donnèrent alors l’ordre à la troupe artistique royale de se
produire pendant trois jours et trois nuits consécutives. Ils puisèrent
tant dans leur imagination et leur créativité qu'ils créèrent un nouvel
art : le then. Et cerise sur le gâteau, le roi fut guéri !
Une
chose est sûre : le then est devenu un art indispensable dans la vie
des ethnies du Nord-Ouest. Il est chanté aussi lors des cérémonies de
culte par les «thây then» qui sont aussi bien des hommes ou des femmes.
Ces derniers sont aussi invités au chevet de malades.
Pour
devenir un «thây then», il faut qu’un de ses ancêtres l'ait été et que
l’autel familial soit consacré au «phi then» (génie du then). Il y a
trois sortes de then . La première est le then câp sac qui est
interprété lors des cérémonies d'intronisation du thây cung - sorte de
chaman. La deuxième est le then ky yên qui est joué pour bénéficier
de la paix ou guérir un malade. La dernière est le then lê hôi réservé
aux événements festifs.
Menace de disparition
Selon des
enquêtes menées par la province de Tuyên Quang, les régions où l'on
chante le then sont les districts de Chiêm Hoa, Nà Hang, Lâm Binh, Son
Duong, Yên Son et Hàm Yên. Seules 21 personnes peuvent encore chanter
l’ancien then et 72 des chants plus contemporains.
D’après les «thây then» Ma Thanh Cao, Hà Phuc Sông et Hà Ngoc Vinh, du district de Chiêm Hoa, il ne reste plus que 76 anciens chants then à Tuyên Quang. Et, chose regrettable, c’est que dans cette province, personne ne peut plus interpréter le then quat (then accompagné de la danse de l’éventail).
Le
fait qu’un bon nombre de jeunes Tày ne peuvent plus parler leur langue
est un facteur aggravant. Dans le district de Son Duong (Tuyên Quang),
70% des Tày ne parlent pas la langue de leurs ancêtres.
Préserver et propager le then
Face
au risque réel de disparition du then , surtout des anciens airs, les
provinces du Nord-Ouest appliquent un certain nombre de mesures.
La
province de Tuyên Quang a encouragé la fondation de troupes populaires,
par exemple la U60 (des moins de 60 ans) au hameau 2 Thai Binh, commune
de Thai Son, district de Hàm Yên. Depuis une dizaine d’année, cette
dernière contribue de manière importante à la préservation de cet art.
Son président Hua Hai Yên informe qu'elle compte une vingtaine de
membres, de 55 à 75 ans. Malgré leur âge, ils sont allés plusieurs fois
loin de leur province pour interpréter du then et ont décroché des
prix.
À Tuyên Quang, en été, les artistes de then sont souvent
invités à enseigner aux jeunes. Cette province organisera des cours dans
les écoles. L'effort porte aussi sur la collecte des anciens airs et de
leur traduction en vietnamien.
D’autres provinces cherchent aussi à préserver cet art. Lang Son a fondé en 2009 le club provincial des chansons folkloriques. Douze membres au début, 162 maintenant, de toutes les ethnies et de tous âges (de 16 à 76 ans). Dix autres clubs à l'échelle de villes ou districts ont aussi été créés. Ils organisent des cours pour les locaux et ont contribué à la sauvegarde de 20 anciens chants.
En 2010, l’Association de préservation des chansons
folkloriques des ethnies de Lang Son a vu le jour. Elle compte 300
membres qui se produisent souvent lors des fêtes.
Le chant then
est spécifique de la région Nord-Ouest. Pour le préserver, la province
de Tuyên Quang a demandé au ministère de la Culture, des Sports et du
Tourisme de le reconnaître en tant que patrimoine culturel immatériel
national. Ce ministère prépare aussi un dossier pour demander à l’UNESCO
de le reconnaître patrimoine culturel immatériel de l’Humanité. – AVI