L’artiste du bambou
Dans le quartier de Binh Khanh, ville de Long Xuyên (province d’An
Giang), se trouve une maisonnette débordant d’objets en bambou. Elle
appartient à Vo Thành Viên, un soixantenaire sagace au visage toujours
rayonnant.
Avant 1975, M. Viên était membre d’une
organisation de scoutisme. En plus des campings et des activités
caritatives, l’organisation apprenait aux enfants à vivre dans la
nature. Avec le bambou, M. Viên et ses amis fabriquaient nombre
d’objets. Ce sont pendant ces années-là qu’il s’est pris de passion pour
ce matériau noble. Chaque jour, il cherchait à créer de nouveaux objets
décoratifs.
Une passion d’enfance
En
1971, lors d’un concours à An Giang, il a remporté un prix pour sa
pagode au Pilier unique (monument emblématique de la capitale Hanoi)
en... cure-dents. Il fut le premier à transformer cet objet banal en
véritable œuvre d’art.
Les premières années qui ont
suivi la réunification nationale, lors d’un voyage dans la commune de
Binh Phuoc, Cù Lao Giêng, province d’An Giang, il découvre un autre type
de bambou à la tige ornée de beaux motifs. C’est le tre bông aussi
connu sous le nom de «Tiger bambou», au nom scientifique de Bambusa
maculata. «Ce type de bambou, originaire de Huê (province de Thua
Thiên-Huê, Centre), était cultivé par la famille de Muoi Qui et d’autres
familles de l’île de Cù Lao Giêng. Dans le passé, quand les Huéens sont
venus s’y installer, ils ont ramené le +tre bông+ et l’ont cultivé
comme plante ornementale», raconte M. Viên.
Après avoir
découvert ce nouveau type de bambou, il a commencé à produire des objets
simples, puis de plus en plus compliqués. Avant de les exposer au
marché local et dans les provinces voisines.
L’âme vietnamienne dans le bambou
D’après Thành Viên, «Le tre bông est très particulier. Frais, il n’est
pas différent des autres types de bambou. Mais sec, il se couvre de
beaux motifs colorés». Jusqu’à maintenant, Thành Viên a fabriqué 200
miniatures en tre bông dont l’ancienne cité de Huê, la pagode au Pilier
unique, des théières, des lampes, une nhà rông (maison communale de
village dans les hauts plateaux du Centre), un char à bœuf...
Vo Thành Viên confie : «Le bambou est étroitement attaché à la vie
quotidienne des Vietnamiens. On en fait des berceaux, des baguettes pour
manger, des palanches, des maisons, etc. Je souhaite, avec cette plante
emblématique du Vietnam, faire des objets très liés à la culture du
pays».
En 1999, Thành Viên a établi un petit atelier.
Ses créations ont été présentées un an plus tard à la foire-exposition
des villages de métier traditionnel Vietnam-ASEAN. En 2006, certaines
pièces sont parties pour la France et les États-Unis. La même année, M.
Viên a remporté un prix au concours national des objets artisanaux
vietnamiens, du ministère de l’Agriculture et du Développement rural. En
avril 2008, il a reçu un droit d’auteur pour ses objets. En décembre
2008, il a été nommé «Artisan de village de métier» du Vietnam. Un titre
dont il n’est pas peu fier...
Thành Viên n’arrête pas de
créer. Parmi ses nouvelles créations : une maison anti-crue, une maison
Cham, un temple dédié au président vietnamien Tôn Duc Thang
(1888-1980), le temple de la Littérature. Il partage ses journées entre
la création et l’enseignement de son savoir-faire à des jeunes désireux
d’en faire leur métier.
«J’espère que chaque objet contribuera à préserver et promouvoir nos us et coutumes, notre identité», conclut-il. -CVN/VNA