Les techniques de culture sur les pentes des montagnes rocheuses dans la province montagneuse septentrionale de Hà Giang et le câp sac - ou cérémonie initiatique de passage à l’âge adulte chez les Dao veulent figurer à l'UNESCO.
Ils figurent en effet parmi les 12 nouveaux patrimoines culturels immatériels dont les dossiers de candidatures seront préparés par le Vietnam d’ici à 2016 afin qu'ils obtiennent la reconnaissance internationale qu'ils méritent.
Rites et leçons de morale
L’ethnie Dao perpétue de génération en génération la cérémonie câp sac (cérémonie initiatique de passage à l’âge adulte des jeunes Dao). Ce rite original porte de précieuses valeurs culturelles de cette ethnie qui a élu domicile le long des frontières Vietnam-Chine et Vietnam-Laos, dans les provinces de Hà Giang, Tuyên Quang, Lào Cai, Yên Bai, Bac Kan...
Une cérémonie câp sac exige de longs préparatifs. La famille de Hoàng Huu Toan, du village de Khe Lac, commune de Nông Thinh, district de Cho Moi, province de Bac Kan (Nord), a mis pas moins d’un an pour que tout soit prêt. En effet, les familles de la lignée doivent se réunir un an auparavant afin de fixer les bonnes dates. En d’autres termes, il faut être sûr que les gens seront libres de tous travaux champêtres. Avant la cérémonie, les Dao doivent tout préparer : alcool, viande, riz... mais aussi s’assurer que les participants seront en forme pour accomplir l’ensemble des rites qui les attendent. Cela fait des dizaines d’années que la famille de Hoàng Huu Toàn organise le câp sac . Cette fois-ci, elle concerne 12 hommes de la lignée. Trois personnes âgées décédées sont également les sujets des rites, à titre posthume bien entendu. Il faut savoir que selon la conception des Dao, les jeunes ne peuvent suivre cette cérémonie que si celle-ci a aussi été organisée pour leurs ancêtres.
Une cérémonie câp sac débute par le rite de présentation aux ancêtres (les organisateurs de la cérémonie sacrifient un cochon et en font offrande aux ancêtres). Ensuite, les thây cung - sorciers spécialisés dans les cérémonies de culte - doivent purifier l’espace avant de frapper le tambour pour inviter les ancêtres à venir assister à la cérémonie. Les sorciers font un rapport aux ancêtres, présentant les raisons de la cérémonie. Après les prières et autres demandes adressées aux divinités, les sujets principaux de la cérémonie, les jeunes hommes, écoutent attentivement les leçons de morale qui leur sont inculquées. Désormais, ils sont considérés comme des hommes à part entière et bénéficient d’un grand crédit auprès de leur famille, lignée et communauté pour se charger d’affaires importantes. Les rites religieux laissent la place aux réjouissances, avec un grand banquet réunissant tous les invités.
Une cérémonie câp sac dure au minimum trois jours et trois nuits. Plus les participants sont nombreux, plus les organisateurs s’attireront la bonne fortune.
Chez les H’mông, la fonte des socs de père en fils
Le haut plateau karstique de Dông Van comprend quatre districts (Quang Ba, Yên Minh, Dông Van et Mèo Vac - province de Hà Giang). Ce plateau a été officiellement reconnu comme un Parc géologique mondial par l'UNESCO en 2010. C’est le seul au Vietnam et le second en Asie du Sud.
Vivant sur le plus grand plateau du pays, les ethnies minoritaires de Dông Van cultivent le riz et d’autres céréales comme le maïs sur les pentes des montagnes rocheuses. Les travaux de la terre y sont laborieux. Les socs (partie de la charrue qui s’enfonce dans la terre) utilisés d’ordinaire par les paysans des plaines ne peuvent pas être utilisés sur ces terrains spécifiques. Ils se cassent de manière irrémédiable quand ils s’enfoncent dans ce sol.
Pour surmonter cette difficulté, les habitants ont créé un nouveau type de soc, permettant de labourer sur les terrains rocheux. Au village de Sung Là, la famille des Mua de l’ethnie H'mông est réputée pour ses techniques de fonte de ses socs particuliers. De génération en génération, les différents membres de la famille se transmettent leur savoir-faire pour fabriquer des outils solides, propres à cette ethnie.
À première vue, cette technique n’a rien de spéciale, mais en fait, elle comporte de nombreuses particularités. L'argile est broyée pour confectionner le moule qui comprend deux parties en argile posé sur un support en bois. Outre la fonte - il faut 7 kg de fonte pour mouler un soc –, les artisans ajoutent d'autres matériaux tels que poudre de roche et de charbon de bois de chêne. Le charbon pour la cuisson est aussi en bois de chêne.
Le métal en fusion est coulé dans le moule. A la sortie, le soc encore brûlant est travaillé encore une fois, avant d'être conservé dans les cendres au lieu d’être plongé dans l'eau. Grâce à ce type de soc particulier, les H'mông peuvent cultiver les plateaux rocheux.
C’est ainsi que les H’mông ont créé leur propre charrue qui les aide à travailler cette terre ingrate. Malgré les conditions difficiles, les champs de maïs et de riz poussent un peu partout sur le haut plateau de Dông Van, comme autant de témoins de la volonté des hommes de vivre sur ces hautes terres balayées par les vents. – AVI