La littérature vietnamienne, classique ou moderne, compte nombred’ouvrages à même de captiver les lecteurs du monde entier. Ses acteurstentent depuis plusieurs années de la faire connaître à l’étranger, mêmesi la tâche est loin d’être aisée. Analyse.
Dansla politique de l’intégration profonde à l’international menée par lepays, la littérature vietnamienne veut, elle aussi, s’exporterdavantage. Ces dernières années, en parallèle à l’afflux massif delivres étrangers traduits en vietnamien dans les librairies, une partiedu trésor de la littérature nationale a été publiée à l’étranger enplusieurs langues, avec un certain succès.
Lesauteurs vietnamiens sont aujourd’hui lus par des lecteurs japonais,russes, américains, britanniques, thaïlandais, sud-coréens, cubains,français. Bref, la liste est longue. Les «best-sellers» sont le recueilde poèmes "Truyên Kiêu" (Histoire de Kiêu) de Nguyên Du, les poèmes duPrésident Hô Chi Minh, notamment le recueil "Nhât ki trong tù" (Journalde prison), les deux tomes du roman "Sô do" (Le fabuleux destin de Xuânle Rouquin) de Vu Trong Phung, "Dê mèn phiêu luu ki" (Les aventures deGrillon) de Tô Hoài, "Nôi buôn chiên tranh" (Le chagrin de la guerre) deBao Ninh. Sans compter les oeuvres des Hô Xuân Huong, Nguyên QuangThiêu, Nguyên Nhât Anh, Lê Minh Khuê, Hô Anh Thai, Nguyên Viêt Hà, listenon-exhaustive.
La poète Nguyên Phan Quê Mai,résidant actuellement aux Philippines, affirme que plusieurs maisonsd’éditions étrangères qu’elle connaît cherchent des versions anglaisesd’ouvrages vietnamiens à des fins de publication.
Déséquilibre entre entrées et sorties
Malgré certains échos à l’étranger, la littérature nationale s’exportemal. Le volume de livres vietnamiens traduits en langues étrangèresfait pâle figure au regard de l’«invasion» des œuvres étrangères dansles rayons des libraires du pays. Il ne s’agit pas de porter unjugement, mais bien de dresser un constat, évident.
Un exemple. En 2013 et 2014, les ouvrages ayant fait l’objet detraduction(s) se comptent sur les doigts de la main, du moins pour les«grands titres», avec le recueil de poèmes "Bâu troi không mai che" (Àciel ouvert) de Mai Van Phân, le roman "Nôi buôn chiên tranh" de BaoNinh et des ouvrages de l’écrivain Nguyên Nhât Anh. Et le projet deprésentation de la littérature vietnamienne en France, élaboré par letraducteur Doàn Câm Thi, n’en est qu’à ses balbutiements.
Avec la conférence de promotion de la littérature vietnamienne 2015(du 2 au 6 mars à Hanoi) et le Festival de la poésie d’Asie-Pacifique2015 (du 2 au 7 mars à Hanoi, Quang Ninh et Bac Ninh), lequel a réuni150 poètes et écrivains étrangers de 51 pays et territoires, le Vietnamveut promouvoir sa richesse littéraire à travers le monde. «Après cette3e édition de la conférence de promotion de la littérature vietnamienne,ce que nous - les écrivains - attendons, c’est de voir davantaged’auteurs vietnamiens lus dans les différentes contrées du globe», lancele critique littéraire Pham Xuân Nguyên, ancien président del’Association des écrivains du Vietnam.
Pour IgorBritov, auteur et traducteur russe, la littérature vietnamienne étaittrès connue en Russie pendant la période soviétique. Mais aujourd’hui,sa présence s’est réduite comme une peau de chagrin. «Je pense que leslecteurs russes contemporains aiment encore cette littérature. Il fautdonc la présenter chez nous», a-t-il dit, ajoutant que pour lui,plusieurs romans d’auteurs vietnamiens n’ont rien à envier à ceux desplus grands auteurs de la planète. «J’aime particulièrement +Dao hoang+(L’île déserte) de Tô Hoài. J’attends que ce roman soit réédité enRussie cette année».
Un manque crucial de traducteurs
Pour faire de la traduction littéraire une profession à part entière,l’Association des écrivains du Vietnam a créé l’an dernier un centrespécialisé dans cette activité. Ce dernier a publié le recueil Khat vonghoà binh (Aspiration à la paix) en trois langues (vietnamien, japonaiset anglais) avec cent poèmes composés durant les années de la Résistancevietnamienne. Mais le fonctionnement de cet établissement rencontre desdifficultés budgétaires et il manque de traducteurs compétents, enparticulier en espagnol et portugais.
«Pourprésenter dans un bel écrin la littérature nationale aux amis du monde,il nous faut de bons traducteurs en langues étrangères. Ce sont desacteurs essentiels, eux qui doivent pouvoir transmettre avec exactitudeet style le sens et la beauté des mots aux lecteurs étrangers», observeun responsable de l’organisme. Les lecteurs recherchent toujours desspécialités littéraires aux «accents» différents, comme le constate lapoète Nguyên Phan Quê Mai: «Je crois que la littérature vietnamienne ades atouts à faire valoir auprès du lectorat étranger. Le problème vientde l’absence de traduction de l’immense majorité des œuvres, uneabsence qui les contraint au confinement».
La promotionde la littérature vietnamienne par delà les frontières est unenécessité, notamment dans ce contexte d’intégration du pays au monde.Cette activité nécessite une stratégie de longue haleine, et si lemouvement semble enclenché, tout ou presque reste à faire. La volonté deses acteurs, qui n’a jamais été aussi forte, sera le principal vecteurde sa réussite ou de son échec. – CVN/VNA