La céramique du Sud, l’âme d’autrefois perdure
Le grand processus de
défrichement du Sud a commencé au XVII e siècle - pour s’accélérer
ensuite au XVIII e . C’est aussi celui de la naissance des nouvelles
catégories de céramiques. Une céramique qui bien sûr porte les
caractéristiques de son environnement.
Aujourd’hui, si
l’on évoque celle du Nord, on pense immédiatement à Chu Dâu ou à Bat
Tràng, et pour celle du Centre, à Go Sành. La céramique du Sud possède
aussi de mêmes marques de l’esprit, avec Cây Mai de Saigon (Hô Chi
Minh-Ville aujourd’hui), Biên Hoà (Dông Nai) ou encore la céramique de
Lai Thiêu (Binh Duong).
Les pièces produites
autrefois à Sài Gon dans les villages de métier d’alors, renommés,
étaient très populaires. Les vestiges de fours ont été découverts dans
les XI e , XVI e et VIII e arrondissements de Hô Chi Minh-Ville, tels
que ceux de Hung Loi, de Cây Mai...
La plupart des produits de
Hung Loi qui aient été découverts sont des pièces d’usage quotidien tels
que jarre à eau, cruche à l’émail brun et jaune, pots de fleur,
terrines de plusieurs dimensions et formes différents.
Depuis le milieu
du XIX e siècle, ce site a fabriqué des céramiques sous le nom «Hung
Loi diêu» (four Hung Loi) avec divers bols, assiettes, verres,
bouteilles, pots à l’émail blanc et bleu.
Les
vestiges du four de céramique de Cây Mai existent encore à ce jour,
derrière la pagode Cây Mai dans le 11 e arrondissement. Ce style a été
populaire pour ses grandes pièces, notamment à vocation décorative, mais
aussi pour ses statues en terre cuite et ses faïences.
La production de
la fin du XIX e siècle comprend écuelles, bols, assiettes, vases,
pots, brûloir à encens et objets de rite. Leur émail est assez varié
avec pour couleurs dominantes le blanc, le bleu, le brun et le jaune.
Aujourd’hui encore, on trouve fréquemment de telles pièces dans les
maisons communes, les temples et les maisons de vieilles familles.
Déjà
à l’époque, les pièces ne sont pas seulement griffées mais aussi
datées, en particulier celles issues de Saigon qui portent leur année de
fabrication et même l’adresse de l’atelier.
On peut ainsi lire sur la
statue Giam Trai de la pagode Giac Viên (11 e arrondissement) la
mention «Dê ngan, Nam Hung Xuong, Diêm Tô», sur les statues de céramique
du temple Thiên Hâu (1 er arrondissement), celles de «Luong My Ngoc
diêm tao» (fabriqué au four Luong My Ngoc), de «Quang Tu Thâp Tam Niên
(1887)», et «Thach Loan My Ngoc tao» (fabriqué au four My Ngoc à Thach
Loan)...
Naissance d’émaux populaires
Au début du XX e
siècle, l’urbanisation de la région de Sài Gon-Cho Lon était déjà
galopante. La céramique de cette région en a subi les conséquences avec
la disparition de certains fours et la naissance de nouveaux, comme ceux
de Biên Hoà à Dông Nai, ou encore de Lai Thiêu à Binh Duong, et dont le
style varie quand il n’est pas franchement différent.
L’École des arts de Biên Hoà, apparue en 1903, a réuni plusieurs artistes constituant le berceau de la céramique de Biên Hoà qui, progressivement, est devenue de plus en plus connue. Celle-ci possède ses propres thèmes ornementaux aux riches variations, avec pour dominante des dragons et des fleurs telles que de chrysanthème, d’abricotier...
Vers le milieu du
XX e siècle, une partie de la production locale a commencé à être
exportée en Russie et en Europe de l’Est.
Les céramiques et
porcelaines de Lai Thiêu sont apparues vers le milieu du XIX e siècle à
travers plusieurs écoles telles celles de Guang Dong, caractérisée par
ses statues ornementales, bassins et piédestaux ainsi que par ses émaux
aux couleurs spécifiques bien que très variables, ou encore de Fujian,
avec ses jarres, grandes jarres et grands vases ornementaux à l’émail
noir et brun clair unique.
On trouve cette céramique de Lai Thiêu en
nombre dans les musées et collections privées. La particularité de ses
émaux tient non seulement aux matières premières locales mais aussi à
l’utilisation de techniques traditionnelles chinoises par les Hoa
(ethnie vietnamienne issues de Chinois venus au Sud pour le
défrichement) et vietnamiennes, une fusion qui a donné lieu à des émaux
très originaux et d’autant plus populaires.
La céramique de Lai
Thiêu recours également à la gravure dont les traits sont généreux et
profonds mais parfaitement exécutés et vivants. Notamment, l’inspiration
du tableau Cat Tuong , avec l’image du coq sur les assiettes et
grands bols est devenue le thème distinctif de cette céramique.
De
manière générale, la céramique du Sud est d’une beauté simple et
naturelle au succès jamais démenti. Elle est le produit de la
créativité, de la pensée et des aspirations de leur auteur, exprimant en
particulier l’esprit de liberté de la population du Sud.
Bien qu’elle soit largement plus récente que son homologue du Nord apparue bien des siècles auparavant, elle n’en est pas moins pourvue de valeurs artistiques comme techniques incontestables qui restent appréciées aujourd’hui par delà le temps qui passe. - AVI