Hoàng Xuân Sinh, première professeure de mathématiques du Vietnam

Venue naturellement aux mathématiques, liant ainsi étroitement sa vie au système éducatif du pays, à l’âge de 91 ans, la Pr.-Dr. Hoàng Xuân Sinh, “Enseignant du Peuple”, n’a jamais cessé de rêver d’une éducation d’exception.

La Pr.-Dr. Hoàng Xuân Sinh.
La Pr.-Dr. Hoàng Xuân Sinh.

Hanoi (VNA) – Venue naturellement aux mathématiques, liant ainsi étroitement sa vie au système éducatif du pays, à l’âge de 91 ans, la Pr.-Dr. Hoàng Xuân Sinh, “Enseignant du Peuple”, n’a jamais cessé de rêver d’une éducation d’exception.

Mme Sinh est née en 1933 dans le village de Cot, district de Tu Liêm (aujourd’hui arrondissement de Câu Giây), à Hanoï. En 1951, après avoir étudié la linguistique, le français et l’anglais au lycée Chu Van An et obtenu le baccalauréat, elle part en France pour passer un second baccalauréat puis étudie les mathématiques à l’Université de Toulouse.

Elle reste ensuite en France pour y passer l’agrégation (concours de la fonction publique) qu’elle obtient en 1959 à l’Université de Toulouse, puis retourne au Vietnam pour y enseigner les mathématiques. Elle est également spécialiste en algèbre au Département de mathématiques de l’Université nationale d’éducation de Hanoï (HNUE).

Dédiée à l’éducation et aux mathématiques

Depuis le début de sa carrière de professeur à l’université, Mme Sinh a toujours pensé que l’enseignement devait aller de pair avec la recherche. “La science s’améliore chaque jour. Si nous ne mettons pas à jour les nouvelles connaissances, ce que nous enseignons sera rapidement obsolète et il sera difficile pour les étudiants diplômés de suivre le rythme. Je crois donc aux vertus de la recherche, et le doctorat est un début et un must”, explique-t-elle alors.

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Hoàng Xuân Sinh (centre) et ses amis ont pris une photo avec le Professeur de mathématiques Alexandre Grothendieck lors de sa visite au Vietnam pour une conférence. Photo : CTV/CVN

Voyant le doctorat comme une étape de “la pratique de recherche”, elle a encore beaucoup à apprendre car six années d’études en mathématiques ne suffisent pas. Elle étudie seule pendant une période de guerre acharnée, en dépit de “quatre privations” : pas d’environnement scientifique, pas de professeurs, pas de livres et pas de communauté de mathématiciens. “Je confirme que personne n’a travaillé sur une thèse dans la même situation que moi”, partage Mme Sinh.

Au début des années 1960, Mme Sinh a commencé à se préparer à la recherche malgré l’absence de superviseur. À cette époque, en dehors des Professeurs Nguyên Canh Toàn, Hoàng Tuy et Lê Van Thiêm, les chercheurs en mathématiques sont rares. Ses collègues de HNUE n’ont obtenu que des diplômes universitaires de seulement deux ans pour certains, en raison du manque d’enseignants en temps de guerre.

Même l’auto-apprentissage était rendu difficile par le manque de livres. À l’époque, la bibliothèque de son université ne contenait que des livres de mathématiques en russe ou en chinois et très peu en anglais. Pour pouvoir les lire, Mme Sinh a appris le russe. Heureusement, les mathématiques exigent peu de vocabulaire, tout tourne autour des définitions, des théorèmes et des résultats, elle a donc pu s’adapter rapidement.

À la lueur d’une lampe à huile

En 1967, un an après avoir remporté le prix Fields, le célèbre Professeur français de mathématiques Alexandre Grothendieck vient au Vietnam pour y donner des conférences. Y voyant une opportunité, elle lui demande immédiatement de l’aide pour la rédaction de sa thèse. Alexandre Grothendieck accepte. De retour en France, il lui écrit une lettre proposant un sujet et un plan de recherche.

De 1967 à 1972, ils échangent cinq lettres. Celles-ci doivent être très courtes et il faut compter huit mois pour chaque envoi entre la France et le Vietnam. Dans une lettre, le professeur Grothendieck écrit : “Si vous ne pouvez pas résoudre un problème inversible, laissez-le là. Inutile d’insister”.

“Je lui ai écrit trois fois. La première fois en disant que je ne pouvais pas résoudre le problème inversible. La seconde en y étant parvenue. Pour la troisième, j’avais terminé tout le plan indiqué par lui”, raconte Mme Sinh.

Elle se souvient encore très bien de cette époque où elle enseignait le jour et travaillait sur sa thèse la nuit à la lumière d’une lampe à huile.

À cette époque, enseigner ne consistait pas seulement à donner des cours mais aussi à assurer la sécurité des étudiants. Elle devait en permanence rester attentive au bruit des avions de combat pour emmener les étudiants dans les abris.

La nuit, elle travaillait sur sa thèse de 20h00 à 23h00 dans une maison à toit de chaume et aux murs en torchis. Le sol était mouillé et il y avait des moustiques partout. La lumière vacillante de la lampe à huile devait être dissimulée afin que les avions ennemis ne puissent pas détecter sa présence. Le lendemain matin, elle était levée tôt pour parcourir 4 km sur le chemin de terre boueux menant à l’école.

“Pendant ces cinq années, mon seul rêve était de ne pas entendre le bruit des avions le jour, de ne pas avoir de moustiques la nuit et d’avoir une lampe de poche pour pouvoir lire des livres au lit et éviter ainsi les moustiques. En laissant une lampe à huile sur le lit, j’avais peur de provoquer un incendie”, se souvient Mme Sinh.

C’est lorsque la campagne “Hanoï-Diên Biên Phu aérienne” s’est soldée par la victoire qu’elle a terminé sa thèse. En 1973, sa thèse manuscrite de 200 pages en français intitulée, “Gr-Catégories”, est envoyée en France au professeur Grothendieck.

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Mme Sinh sur la couverture d’un journal publié en 1981, alors qu’elle avait 48 ans. CTV/CVN

Après avoir terminé sa thèse, Mme Sinh sou-haite se rendre immédiatement en France pour la soutenir. Cependant, de nombreuses personnes s’y opposent, craignant qu’elle ne revienne pas. Ce n’est qu’en 1975 que Hà Thi Quê, alors présidente de l’Union des femmes vietnamiennes, prend la parole pour l’aider à réaliser son souhait.

Mme Quê a soutenu Mme Sinh avec des arguments très convain-cants. Premièrement en opposant qu’à 40 ans, la dernière trouverait difficilement un travail à l’étranger et ne pourrait donc pas y rester. Deuxièmement en rappelant qu’étant mère, elle n’abandonnerait jamais son enfant.

“Le jour le plus glorieux de ma vie”

En mai 1975, Mme Sinh se rend en France pour soutenir sa thèse.

Les thèses de doctorat manuscrites sont d’habitude refusées, mais grâce à l’aide du Professeur Grothendieck, on accepte de dactylographier plus de 200 pages pour sa soutenance.

Le 5 mai, l’enseignante vietnamienne soutient sa thèse avec succès à l’université Paris 7, devant une foule de Professeurs, de Docteurs, de scientifiques français et d’intellectuels vietnamiens d’outre-mer.

Cette thèse joue un rôle important influençant grandement le développement ultérieur de la théorie des “n-catégories”, couramment appliquée aux ordinateurs quantiques et aux applications en physique topologique. “Ce fut le jour le plus glorieux et le plus heureux de ma vie”, se souvient-elle.

La professeure Hoàng Xuân Sinh est ensuite rentrée chez elle pour continuer à contribuer au développement du système éducatif du pays. Au cours des années suivantes, elle met toute son énergie et son enthousiasme à construire l’université Thang Long, première université privée du Vietnam. Pendant un certain temps, elle en fut non seulement directrice mais également concierge, y apportant l’eau et balayant les sols. Plus tard, elle déclare : “Quand j’y repense, c’était l’idée la plus romantique que j’ai eue”.

Retour de sa thèse après 50 ans

Sa thèse manuscrite rencontre un sort particulier puisqu’elle n’a jamais été publiée. Mais il en existe de nombreux exemplaires conservés dans les bibliothèques d’universités en France et en Europe.

Après 50 ans d’errance en France, en 2023, grâce à l’aide du Professeur Hà Huy Khoai, ancien directeur de l’Institut vietnamien de mathématiques, du Professeur Nguyên Tiên Dung de l’Université de Toulouse (France) et du Dr. Jean Malgoire, dernier étudiant diplômé du Professeur Grothendieck, la thèse manuscrite de Mme Sinh a été rapportée au Vietnam. À l’occasion du 50e anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre le Vietnam et la France et du 90e de la naissance de la professeure Hoàng Xuân Sinh (5 septembre 2023), la Maison d’édition de l’Univer-sité nationale d’éducation publie le livre Gr-Catégories, version intégrale de sa thèse de doctorat.

Dans la préface, le professeur Hà Huy Khoai écrit que l’auteur a mené des recherches scientifiques à un niveau très élevé dans des conditions d’isolement de la communauté internationale, de manque d’informations, de documents et même des outils les plus élémentaires tels que stylo, papier et lumière. “Un autre paramètre remarquable est que la section de références de la thèse ne contient que 16 noms, dont la plupart sont auteurs de livres et non d’articles. Cela prouve que les résultats obtenus dans la thèse ne sont pas une extension de résultats existants mais bel et bien des fondements”, écrit M. Khoai.

Tenant à la main ses 200 pages manuscrites imprimées dans un livre et de nombreuses photos documentaires, Mme Sinh a déclaré avoir de la chance qu’une bibliothèque française ait conservé cette thèse.

“Sa vie est le parcours exemplaire d’une intellectuelle patriote et d’une scientifique talentueuse : elle a quitté une vie confortable en France pour revenir contribuer à l’éducation vietnamienne pendant les années de guerre. Elle est restée déterminée à atteindre les sommets de la science dans des conditions particulièrement difficiles, et a su faire les efforts nécessaires pour surmonter de nombreux défis et créer la première université privée du système éducatif vietnamien”, écrit aussi le professeur Hà Huy Khoai.

À 91 ans, elle a gardé l’habitude de se lever tôt, de faire de l’exercice, de lire les journaux vietnamiens et français pour comprendre les dernières tendances en matière de formation dans le pays et dans le monde. Elle est fière que les étudiants vietnamiens soient si bons en mathématiques et c’est à tort qu’elle a cru que “l’enseignement était la plus facile des professions” et que “les mathématiques étaient la discipline la plus facile”. En réalité, les Vietnamiens sont très bons et elle croit en la classe intellectuelle du pays.

Au cours de sa carrière, la professeure Hoàng Xuân Sinh a reçu le titre honorifique d’“Enseignant du Peuple” et la Médaille académique du gouvernement français en 2003 pour sa grande contribution au développement et à la coopération de la recherche scientifique franco-vietnamienne. En plus de ses recherches et de l’enseignement des mathématiques, elle est également une contributrice majeure de la création du prix Kovalevskaya, qui a été décerné à des femmes scientifiques vietnamiennes exceptionnelles. – CVN/VNA

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